Ce frisson, c’est l’Opéra de Naples qui nous l’offre – et à quel degré ! En cette mémorable soirée de novembre 1959, Mario Rossi réunissait sous sa baguette fiévreuse un quatuor inégalable, que la présence du public incite à brûler les planches. Madga Olivero, tragédienne comme aucune autre ne l’a été, crève l’écran. On comprend que Cilea lui-même l’ait considérée comme l’interprète idéale de ce rôle ! Dès son entrée, elle impose dans son monologue une présence de feu et de sang. Pliant sa voix vibrante – très vibrante, ce qui pourra en dérouter certains – à la moindre de ses intentions dramaturgiques, elle se fait tour à tour altière ou passionnée, rugissante ou amoureuse, déployant une messa di voce à la fin de son air d’entrée (Ecco, respiro appena) d’anthologie. Son altercation avec la Princesse de Bouillon – géniale Simionato – nous vaut un autre moment de chant et de théâtre pleinement historique. Il faudrait être bien insensible pour ne pas se laisser happer par l’énergie dévorante de ces deux monstres sacrés. Franco Corelli, dans un rôle qui lui sied à merveille, possède le spinto idéal pour rendre justice à ce rôle jadis créé par Caruso. Il y déploie une palette de couleurs et d’émotions infinie, rejoint en cela par un Bastianini de grand luxe pour Michonnet.
La prise de son de cette captation live, on s’en doute, n’évite ni les crachotements ni les saturations parfois, mais elle ne compromet jamais le plaisir de l’écoute. Une soirée fulgurante, que tout amateur de chant devrait avoir entendue au moins une fois dans sa vie !
Madga Olivero (Adrienne Lecouvreur), Franco Corelli (Maurice de Saxe), Giulietta Simionato (La Princesse de Bouillon), Ettore Bastianini (Michonnet)
Orchestre et Chœur du San Carlo de Naples & Mario Rossi (direction)
Enregistrement live de 1959 (Opera d’Oro)