L’anecdote est célèbre : le 20 avril 1965, une jeune chanteuse espagnole remplace au pied levé Marilyn Horne dans un ouvrage méconnu de Gaetano Donizetti, Lucrezia Borgia, d’après Victor Hugo. La salle du Carnegie Hall est clairsemée du fait notamment de l’annulation de la diva américaine. Et un miracle s’accomplit : qui est cette merveille au timbre capiteux, aux notes filées interminables ? La salle se remplit après le prélude et le public fait un triomphe à celle qui sera surnommée la « Superba » (le récit de cette soirée est notamment repris dans la biographie Montserrat Caballé, Casta Diva de Robert Pullen et Stephen Taylor).
Il reste une trace sonore de cette soirée mémorable (avec une ovation de 25 minutes à la clé) mais la version studio enregistrée dans la foulée, en 1966, avec notamment Alfredo Kraus (aristocratique comme toujours en Gennaro) et Shirley Verrett (parfaitement « boyish » et excitante en Maffio Orsini) nous permet de gouter encore plus pleinement à la splendeur de cette voix de velours dans sa prime fraicheur, avec ses pianissimi infinis, une homogénéité et un legato parfaits et du caractère à revendre (capable de passer de la caresse aux griffes en un éclair).
Montserrat Caballe (Lucrezia Borgia), Alfredo Kraus (Gennaro), Shirley Verrett (Maffio Orsini), Ezio Flagello (Alfonso d’Este), Chœur et Orchestre de la RCA Opera Italiana, Ionel Perlea (direction)
Enregistrement studio RCA