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Disparition de Sally Silver : le témoignage de Laurence Dale

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Brève
30 novembre 2018
Disparition de Sally Silver : le témoignage de Laurence Dale

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La soprano sud-africaine Sally Silver est décédée lundi dernier, 26 novembre, d’une tumeur au cerveau. Qualifiée de « sensationnelle », cette soprano avait reçu en 2016 l’Orphée d’Or de l’Académie du Disque Lyrique pour son album Les amoureuses sont des folles, avec Richard Bonynge au piano. Le ténor, metteur en scène, directeur artistique de festival et chef d’orchestre britannique Laurence Dale, qui fut son ami et d’une certaine manière son Pygmalion, lui rend hommage.

«  Beaucoup d’amis ont appris cette semaine la triste nouvelle du décès de la soprano Sally Silver. Elle se battait depuis plus de 18 mois contre un vicieux glioblastome de grade 4, une tumeur du cerveau. Une fin particulièrement cruelle pour une artiste qui accédait enfin à la reconnaissance du grand public après des années de performances extraordinaires qui en touchèrent beaucoup, particulièrement en France. J’essayerai ici, de mon point de vue, de témoigner du parcours de cette personne tant aimée.

En 2001, alors que je dirigeais à Nantes la première de Powder Her Face, d’Adès, on m’informa que la soprano serait remplacée par Sally June Gain. J’avais pensé le rôle de la Duchesse comme une version sèche, fragile de Mme Simpson, Duchesse de Windsor. Arrive alors l’éclatante Sally Silver ! Une personne hilarante, tendre, avec une énergie irrésistible et une voix énorme qu’elle déchaînait avec délices à chaque répétition. Son humour, son désintéressement, sa générosité sans limite envers ses collègues gagnaient le cœur de tous, dans la troupe et dans le public.

Elle me confia son désir de chanter Tosca. Je lui suggérai plutôt d’utiliser la longueur considérable de sa tessiture et son registre de coloratura pour le répertoire du Bel Canto. Elle retravailla alors Violetta, et, avec son intelligence habituelle et en accord avec sa personnalité, repensa sa voix. Sa jovialité cachait, pour beaucoup, une approche rigoureuse de son travail. Sa capacité à insuffler esprit et humour tendre dans ses rôles était désarmante.

Lors du choix des productions pour l’Opéra de Metz, reprendre Powder Her Face s’avéra essentiel, et Sally dans le rôle de la Duchesse fut une obligation. Je voulais aussi monter Les Huguenots, qui n’avaient pas été joué en France depuis des décennies. Trouver la couleur de Marguerite serait un défi pour toute soprano. Elle nécessite une coloratura à la voix pleine, et un vrai sens de l’ironie. Sally commença à l’étudier, et prouva non seulement qu’elle était une interprète charmante qui avait eu raison du rôle, mais aussi qu’elle était capable de chanter cette œuvre rare aux côtés de Rocky Blake dans Raoul, tout en apportant une théâtralité dans un opéra qui ne retrouve que maintenant sa place dans le répertoire.

J’avais été contacté par Guus Mostart pour diriger l’hilarant Opera Seria de Gassmann au National Reisopera des Pays-Bas. Sally était le choix idéal pour la diva Stonatrilla. Qui d’autre aurait pu porter le rôle ? Une soprano, dans la crise de milieu de carrière, qui essaie de plaire à son metteur en scène, tout en défiant le compositeur qui a une liaison avec sa protégée, la nouvelle jeune soprano. Sally apporta une humanité au rôle, alternant entre ses angoisses personnelles et une irrésistible vulnérabilité. Elle montra plus encore de versatilité dans l’interprétation des trois héroïnes dans nos Contes d’Hoffman, toujours pour le Reisopera. Elle fut extraordinaire et reprit peu après le rôle à Rennes. Elle chanta plus tard Violetta avec le Reisopera, puis des rôles de Bel Canto en Bretagne, revenant en France pour des récitals consacrés aux mélodies de Massenet, accompagnée par Richard Bonynge. Ce musicien légendaire, qui connaissait particulièrement bien les voix de sopranos, reconnut les qualités exceptionnelles de Sally et entreprit de les révéler à un plus large public. Maestro Bonynge fut son partenaire dans ses enregistrements de répertoires oubliés de Balfe, Wallace, ainsi que de Massenet.

Alors que nous étions en pleines répétitions d’un gala Gershwin/Bernstein, pour le Philharmonique des Pays-Bas dirigé par Vincent de Kort, Sally me dit qu’elle ne se sentait pas bien, qu’elle avait de terribles migraines. Malgré cela, elle chanta un « Glitter and be gay » qui suspendit le temps. Elle partageait la scène avec Willard White, Kelebogile Boikanyo et Karin Strobos dans West Side Story, On the Town, ainsi que Porgy and Bess. Cette soirée fut inoubliable. Elle continua dans son élan pour littéralement triompher à Londres, avec Leonora dans Le Trouvère, après s’être affirmée comme une enthousiasmante Lucia, entre autres rôles de Donizetti. Sa musicalité, sa personnalité et son savoir-faire dans ce répertoire la propulsaient sur le devant de la scène, enfin, pour être reconnue par son public.

Hélas, c’est à ce moment-là qu’elle se découvrit une tumeur maligne au cerveau qu’elle combattit avec tous les traitements les plus violents possibles. Toutefois, et en dépit de tous les commentaires décourageants, elle continua à afficher une force et un optimisme incroyables, usant de cette opportunité pour sensibiliser le grand public à la vigilance face aux tumeurs du cerveau. Avec l’aide et l’amour infatigable de son mari, le chef d’orchestre Jeremy Silver, et de leur fille musicienne Charlotte, elle s’est battue contre la maladie qui l’emporta finalement ce lundi 26 novembre. Il y eut un déluge de témoignages d’amour par les réseaux sociaux, de ses amis et admirateurs. Cela ne saura jamais égaler l’amour et l’aide dont elle gratifiait toujours indistinctement ses amis et ses collègues. Elle sera amèrement regrettée. »

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Sally Silver © DR

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