Le ténor gallois est mort le 29 juin dernier, à l’âge de 92 ans. Stuart Burrows était né le 7 février 1933, à Cilfynydd, un petit village en plein cœur du pays minier. Par une coïncidence étonnante, le baryton Geraint Evans (1922–1992) était né dans le même rue 10 ans plus tôt. Dès son enfance, il chante déjà en solo à l’église, et il n’a que 10 ans pour sa première apparition dans un concert public de Noël. Comme Pavarotti, il est d’abord instituteur. Le hasard fait qu’il entend l’Ave Maria de Schubert à la radio : il s’aperçoit qu’il peut l’accompagner de la voix sans efforts. Rugbyman, il refuse le contrat que lui propose le Leeds Rugby League club. Il choisit plutôt de participer à des concours de chant au Pays de Galles, culminant avec le Blue Riband en 1959 au festival d’Eisteddfod. Il fait ses débuts au Welsh National Opera en 1963 en Ismaele dans Nabucco. Il chante de nombreux rôles en anglais avec la troupe. En 1965, Igor Stravinsky le choisit pour chanter son Œdipus Rex à Athènes. Il fait une première apparition à Covent Garden le 1er février 1967 dans Fidelio (le premier prisonnier) et y fait ses vrais débuts dès l’année suivante, le 3 janvier 1968, en Tamino. À Londres, il chantera l’essentiel de son répertoire, en particulier les opéras de Mozart (outre Die Zauberflöte : Don Giovanni, La clemenza di Tito, Così fan tutte, Idomeneo), Eugène Onéguine, Faust, La Sonnambula (avec Renata Scotto)… En 1989, il chante une dernière fois à Covent Garden (Tito). Sa carrière devient vite internationale. Tamino à San Francisco dès 1967 (la même saison, il y chante des petits rôles Louise, Tristan und Isolde, Manon Lescaut), puis L’Elisir d’amore, Falstaff, Madama Butterfly, Eugène Onéguine, Maria Stuarda, Manon… Il fait ses débuts au Met en 1971 dans Don Giovanni. puis Die Zauberflöte, La Traviata (avec Beverly Sills), Madama Butterfly (avec Leontyne Price, ce qui devait constituer un attelage bien étrange), Faust, et une dernière série de Die Entführung aus dem Serail en 1982. Il ne chante qu’une saison à Salzbourg (Don Ottavio en 1970) et assez peu à Vienne (deux Tamino en 1970, deux autres en 1972, un Don Ottavio en 1970 puis une autre représentation en 1972, Faust pour un soir seulement en 1975). À la Scala, il ne chante qu’une Damnation de Faust en concert, sous la direction de Seiji Ozawa en 1983. À Bruxelles, on a pu l’entendre dans la Clemenza (1982, avec Christiane Eda-Pierre), face au Don Giovanni de José van Dam (1984), ou encore en Hoffmann (1985). À Garnier, il chante entre 1975… et 1979 : 4 séries de Don Giovanni, Die Entführung et une Damnation en concert. Il acquiert également une certaine popularité dans les pays anglo-saxons grâce à une série de la BBC, intitulée Stuart Burrows Sings, et qui dure pendant 8 ans. Son legs discographique est qualitativement important. On citera en vrac Die Zauberflöte (Solti, Lorengar, Deutekom, Fischer-Dieskau, Talvela, Prey), deux Don Giovanni (Davis, Wixell, Ganzarolli, Freni, Arroyo, Te Kanawa et Solti, Weikl, Bacquier, Sass, Price, Moll), La Clemenza di Tito (Cambreling, enregistré sur le vif à la Monnaie), La Damnation de Faust (Ozawa), Eugène Onéguine (Solti), Die Entführung (Davis, Eda-Pierre), le Requiem de Berlioz (Bernstein), ses enregistrements avec Beverly Sills : Les Contes d’Hoffmann, Anna Bolena, Maria Stuarda) ou le rare Das klagende Lied (Pierre Boulez) et de multiples récitals consacrés à la mélodie, et même à l’opérette.
Le timbre de Stuart Burrows était d’une grande pureté. Il maîtrisait à la perfection le mixage des registres de voix de poitrine et de voix de tête, ce qui en faisait en particulier un chanteur idéal pour Mozart, voire pour certains ouvrages du répertoire français, mais parfois frustrant pour les amateurs de ténors un peu plus héroïques. Au chapitre des interprétations plus discutables, on pourrait citer son Percy ou son Leicester, mais ce type d’incursion était rare, le ténor se réservant habituellement pour son répertoire naturel (Georg Solti lui aurait pourtant proposer de chanter pour lui du Wagner !). Sa capacité à vocaliser était excellente et sa longueur de souffle impressionnante (en témoigne la cadence centrale de son « Il mio Tesoro » à l’Opéra de Paris : plus de 20 secondes sans reprendre de respiration). Il était aussi l’un des rares ténors à chanter « Ah, lo veggio », troisième air de Ferrando dans Così fan tutte (le deuxième chronologiquement), page généralement coupée en raison de sa difficulté. La voix était d’une belle dimension, ce qui lui permettait de chanter sans problème dans les plus grandes salles à une époque où la sonorisation ne s’était pas généralisée. Son legato était parfait, dramatiquement allié à un rare sens de la nuance, une expressivité intérieure tout en pudeur. Artiste sensible, il s’est également illustré dans le lied (et les mélodies de l’époque victorienne), souvent accompagné du pianiste John Constable, et a tenu à défendre également la musique galloise. Il était aussi un pédagogue d’une grande humilité. Il patronnait les Stuart Burrows International Voice Awards dont le concours se tenait à l’University of Wales Trinity Saint David.