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César FRANCK, Les Béatitudes

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CDSWAG
18 janvier 2024
Croyez en Franck !

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

César Franck (1822-1890), Les Béatitudes, oratorio sur un texte de Joséphine Colomb, d’après l’Evangile, créé à Dijon le 15 juin 1891

 

 

Détails

Anne-Catherine Gillet
Soprano

Héloïse Mas
Mezzo-soprano

Eve-Maud Hubeaux
Contralto

John Irvin
Ténor

Artavazd Sargsyan
Ténor

David Bizic
Baryton

Patrick Bolleire
Basse

Yorck Felix Speer
Basse

 

Chœur national hongrois

Orchestre philharmonique Royal de Liège

Direction musicale
Gergely Madaras

 

2 CD Fuga Libera FUG 817, enregistrés à Liège en décembre 2022, 1h59′

 

« Le Christ s’est assis au piano des Béatitudes de César Franck ». Julien Green n’y allait pas de main morte dans son Journal, en conférant à cette musique un statut quasi divin. Vincent d’Indy, fidèle disciple, va encore plus loin : « L’œuvre (..) restera comme un temple solidement fondé sur les bases traditionnelles de la foi et de la musique, et s’éleve au-dessus des agitations du monde en une fervente prière vers le ciel. » César Franck voyait dans cet oratorio son opus magnum. Il y a travaillé dix ans, de 1869 à 1879, et n’a jamais pu en entendre une exécution intégrale avec orchestre. Seule une version avec piano fut jouée à son domicile, et des extraits furent donnés à gauche ou à droite, mais le plus souvent en son absence. Il fallut attendre  juin 1891 pour que l’œuvre soit créée à Dijon, et Paris tardera jusque 1893, soit trois ans après la mort du Maître.

D’Indy avait raison : à notre humble avis, et quels que soient les mérites de la Symphonie en ré mineur, de la sonate pour piano et violon, du Chasseur maudit et du quintette, Les Béatitudes sont le chef-d’œuvre de toute une vie. L’émotion s’y marie avec un sens parfait de l’équilibre. Après un bref prologue, les huit béatitudes se déroulent avec une complexification croissante. Chacune obéit à la même structure : un contre-exemple, lié aux péchés de l’humanité, l’énoncé de la voie vertueuse par le Christ, et un commentaire de la vie bienheureuse. L’écueil sur lequel ont buté pas mal de compositeurs français de musique sacrée à la même époque (Gounod, Théodore Dubois, Massenet, …), c’est qu’ils ont donné aux pécheurs et aux païens une musique colorée et mobile, alors que les disciples du ciel doivent se contenter d’aligner des lieux communs sur un ton compassé. Cela déséquilibre le propos, et amène bien des auditeurs à choisir le camp du mal. On pense à la phrase de Mark Twain : « Je choisis le paradis pour le climat, et l’enfer pour la compagnie. » César Franck échappe à ce travers. Certes, ses païens, ses chœurs terrestres, ses foules et ses pharisiens déploient une superbe énergie, mais le Christ de Franck n’est jamais mièvre. On sent le compositeur bouleversé par cette figure qui a guidé toute sa vie, avec laquelle l’identification était complète. L’humble organiste de la tribune de Sainte-Clotilde, écrasé de soucis dans sa vie privée, le pater seraphicus adoré par ses élèves, le compositeur qui a dû tant se battre pour s’imposer lentement, tous ces avatars ont un point commun : celui de puiser leur force et leur espoir dans l’exemple du Jésus de Nazareth. Au moment de le mettre en musique, Franck donne le meilleur de lui-même. Et les dernières parties de chaque béatitude échappent aux bondieuseries en mariant harmonieusement le romantisme (on croit entendre Wagner plus d’une fois, même si la question est controversée) et la tradition palestrinienne. Loin de l’art sulpicien, l’oratorio est un équivalent musical de la coupole de Saint-Pierre de Rome.

Malgré ses qualités, l’œuvre est rare au disque. Helmut Rilling (Hänsler) est sage, mais un peu trop. Jean Allain (ASV) sonne provincial, et c’était finalement Armin Jordan (Apex) qui dominait les débats, mais l’enregistrement est devenu difficile à trouver. Il était grand temps de faire paraître une version moderne de référence. Le bicentenaire de Franck, en 2022, était l’occasion rêvée. Fuga Libera et l’Orchestre philharmonique Royal de Liège ont unis leurs efforts pour capter ce concert de décembre 2022. Et le succès est total.  Au point que ce coffret pourrait selon nous marquer un tournant, en imposant l’œuvre au répertoire de manière définitive.

Maître d’œuvre ultra concerné par les enjeux, le chef Gergely Madaras empoigne la partition avec une énergie qui chasse définitivement les derniers miasmes de sacristie. Sa baguette impérieuse transforme la partition en une vaste action théâtrale qui voit s’affronter le ciel et l’enfer. Certes, ce Franck sonne un peu germanique et dense, l’éloignant de sa filiation française, mais il est presque impossible de résister à tant d’entrain, et à des cuivres particulièrement en verve. Très abondamment sollicité, le Chœur national hongrois tonne, vrombit, caresse, prie et exulte avec une ferveur qui rallumera la foi chez les plus sceptiques. La comparaison qui vient naturellement à l’esprit est celle des vagues, qui éclaboussent l’auditeur avec de plus en plus de force, jusqu’à une « Huitième béatitude » extatique, qui emporte tout sur son passage. Seul point faible : la diction française pas toujours claire. Comme le livret n’est pas joint dans la version papier (il faut utiliser un code qui renvoie vers un site internet), l’intelligibilité de l’œuvre en pâtit ; mais la musique n’est-elle pas éloquente en elle-même ?

En dehors du Prologue et de la « Quatrième béatitude », qui contient un solo de ténor de grande envergure, les solistes chantent ensemble la plupart du temps. Plutôt que d’épingler les performances individuelles, il faut donc juger de la façon dont les voix se marient entre elles. Le chef hongrois a eu la main heureuse, en sélectionnant des timbres particulièrement bien appariés. On soulignera les interventions à la fois somptueuses et contrites des deux mezzos : Eve-Maud Hubeaux et Héloïse Mas. Dans sa quasi-scène d’opéra et dans l’introduction de l’œuvre, John Irvin s’impose d’emblée comme un lointain héritier de l’Evangéliste des passions de Bach, à la fois éloquent, droit et tendre.

Une prise de son aérée et remarquable de naturel parachève cette réussite. Les mélomanes n’ont désormais plus aucune excuse pour continuer à ignorer ces Béatitudes. César Franck reprend enfin son rang en tant que compositeur de musique vocale.

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Anne-Catherine Gillet
Soprano

Héloïse Mas
Mezzo-soprano

Eve-Maud Hubeaux
Contralto

John Irvin
Ténor

Artavazd Sargsyan
Ténor

David Bizic
Baryton

Patrick Bolleire
Basse

Yorck Felix Speer
Basse

 

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