Au commencement était un spectacle créé en 2021 par la Compagnie Christophe Barbier – qui a pour vocation de concilier arts lyrique et dramatique. Célébrer Victor Hugo, le poète mais aussi le chroniqueur de son temps et militant des droits sociaux, à travers un florilège de textes, récités et chantés. Des extraits de Choses vues – un recueil de notes et de mémoires publié à titre posthume – alternaient avec des poèmes mis en musique par Bizet, Liszt, Fauré ou Britten.
De la scène au disque, il y a un fossé à franchir. Dans quelle catégorie ranger un album qui est bien plus qu’un simple recueil de mélodies : musique ou théâtre ? L’auditeur, qu’il soit mélomane, amateur de littérature ou citoyen engagé, devra accepter une approche hybride pour apprécier à sa juste valeur cette exploration musicale et philosophique.
Ancien journaliste politique, directeur de rédaction de l’hebdomadaire L’Express entre août 2006 et octobre 2016, Christophe Barbier se consacre pleinement aux planches depuis 2017. Pauline Courtin – son épouse – a débuté sa carrière internationale en interprétant Blondchen dans L’Enlèvement au Sérail de Mozart au Teatro Argentina de Rome. Soprano d’essence légère, elle a ensuite chanté Despina dans Così fan tutte, Gilda dans Rigoletto ou Eurydice dans Orphée aux Enfers , s’est aussi illustrée dans des œuvres contemporaines, mais depuis quelques années semble accorder sa préférence aux ouvrages écrits à leur intention par Christophe Barbier. Après Choses vues et chantées, elle jouait Constance dans Mozart, mon amour puis Hortense Schneider dans Offenbach et les Trois Empereurs au Théâtre de Poche Montparnasse la saison dernière. De l’enregistrement alterné de leur voix nait un dialogue original où récitant et chanteuse redonnent force et souffle aux mots de Hugo : lui, par sa capacité à articuler clairement et à moduler – varier le ton, le volume, le rythme – pour transmettre les émotions et les intentions du texte ; elle par l’attention, parfois perfectible, portée à la diction, et par la vivacité d’un chant qui s’abreuve à la source confluente de la poésie et de la musique.
Mais ces choses chantées n’auraient pas la même saveur sans l’accompagnement d’Antoine Palloc. La connaissance du style de chaque compositeur permet au pianiste d’adapter son interprétation avec justesse. Le maître de chant se devine par la manière dont le jeu se met à l’écoute de la voix, de sa respiration et de la moindre de ses inflexions. Par-delà la technique se ressent la compréhension intime de ces poésies. Chaque nuance, chaque silence donnent corps et profondeur au texte chanté. Autant que les mots, ce piano sensible dessine en transparence l’âme du poète. Pour qui sait les voir, les plus petites choses sont souvent les plus grandes, déclame Christophe Barbier dans « Rue de Chartes », le premier extrait lu du programme. Et pour qui sait les entendre ?