Mozart ? On croyait Juan Diego Flórez aux prises avec l’opéra français – après Werther, Hoffmann cette saison à l’Opéra de Monte-Carlo. Sa nouvelle collaboration avec le label Sony Classical engendre un album Mozart. Bêtement Mozart a-t-on envie d’écrire dans un réflexe d’enfant gâté, habitué dès qu’il s’agit du ténor péruvien à des exploits vocaux que le divin Amadé ne saurait exiger – « fuor del mar » excepté. Sauf qu’avec Mozart, rien n’est bête. Tout au contraire est redoutable car tout signifie. « Trop de notes », aurait décrété Joseph II. « Sire ; pas une de trop ! ». Le compte exact pour qu’affleure l’exacte émotion.
Puis Mozart, plus qu’aucun autre, aime la jeunesse. Rien ne lui convient mieux que des voix fraîches prises à la source, des timbres perlés de rosée, les rondeurs potelées de l’adolescence. En renouant avec le compositeur de son premier enregistrement – Marzio dans l’intégrale de Mitridate dirigée par Christophe Rousset –, Juan Diego Flórez n’aurait-il pas endossé des vêtements désormais inadaptés à une silhouette vocale quadragénaire ? Non, le ténor n’a rien perdu de son éclat juvénile. Certes le son s’est poli mais cette patine convient à un métal que l’on a pu trouver autrefois trop rutilant. « J’ai toujours privilégié une approche naturelle » explique Juan Diego Flórez interrogé par notre confrère Laurent Bury. Tant mieux ! Ce que Mozart aime dans la jeunesse, c’est précisément ce naturel, ce sang mêlé de spontanéité et d’arrogance non dépourvue d’une certaine candeur.
Dans un programme qui, en dix titres, parcourt un des deux volumes de l’encyclopédie du ténor mozartien, aucune erreur, aucun faux pas. Tout comme les notes, pas une intention de trop, toujours l’exacte mesure. Le legato imparable demeure la clé de voûte. Les effets belcantistes sont autant de leviers que le ténor actionne à volonté pour ponctuer l’expression. A la tête de l’ensemble La Scintilla, Riccardo Minasi prend le parti d’un Mozart sans perruque, libre, voire sauvage (« Fuor del mar ») mais toujours léger et contrôlé. Sous sa direction, Juan-Diego Flórez peut dessiner à sa convenance ces héros qu’il nous semblait jusqu’alors connaître et que nous découvrons sous un jour nouveau : Tamino latin, d’une ardeur inattendue – dont l’allemand est peut être le talon d’Achille – ; Don Ottavio noble mais déniaisé, incarné, voire belliqueux ; Ferrando éperdument amoureux, variant ses « aura amorosa » comme autant d’explorations de la carte du tendre ; Tito dont la clémence est une évidence lorsque chacune de ses phrases de « Del più sublime soglio » paraît le fruit d’une conversation intérieure où le doute creuse un sillon amer. Déjà romantique – Fidelio n’est pas loin –, l’air de concert « Misero! O sogno », écrit par Mozart à l’intention de Johann Valentin Adamberger referme sur trois points de suspension un album dont on se prend à rêver d’un deuxième volume.