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Dix airs d’opéra qui mériteraient d’être connus davantage

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Humeur
13 juin 2016

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On se demande parfois pourquoi le répertoire se repait des mêmes airs, quand relégués dans l’ombre, ignorés au pire négligés, se trouvent de nombreux joyaux qui n’ont rien à leur envier. En voici dix exemples, parmi d’autres.


  • Lamento de Cassandre, Francesco Cavalli, La Didone (1641)

Trop longtemps resté dans l’ombre de Monteverdi, qui avait seul droit de cité de toute la production lyrique italienne du XVIIe siècle, Cavalli prend depuis quelques années une éclatante revanche sur les scènes d’opéra, et ce retour en force ne fait apparemment que commencer. C’est justice, car en termes de puissance dramatique, les monologues qu’il composa pour ses héroïnes éplorées sont bien comparables à ceux qu’écrivit le Mantouan pour Pénélope ou Octavie, comme en témoigne celui de Cassandre dans La Didone. [Laurent Bury]

  • « Amato ben », Antonio Vivaldi, Ercole sul termodonte (1723)

Véritable bande-annonce du savoir-faire lyrique d’Antonio Vivaldi, Ercole sul Termodonte concentre en une partition généreuse une variété ébouriffante d’airs, tous plus séduisants les uns que les autres, le plus gracieux d’entre eux étant cet « Amato ben » chantée par Ippolita au dernier acte de l’opéra. Le rôle fut écrit à l’intention du castrat Giacino Fontana, surnommé le petit papillon (Farfallino) en raison de son apparence gracile et de la délicatesse de son chant. Et c’est vrai que l’on entend ici la voix et le violon voleter de concert au-dessus d’un champ de notes qu’agite la scansion rapide et régulière des cordes, comme un cœur amoureux battant la chamade. [Christophe Rizoud]

  • « Espoir des malheureux », André Campra, Idomenée (1731)

Tout comme le Barbier de Séville de Paisello n’est plus joué depuis que Rossini a mis, à son tour, en musique le texte de Beaumarchais, l’Idoménée de Campra a été renvoyé dans l’ombre par l’Idomeneo de Mozart. Pourtant, on sait depuis l’enregistrement de cette tragédie lyrique en 1992 par William Christie combien le compositeur français savait, sans négliger la mélodie, donner aux mots une expression juste et naturelle. Pour preuve, cet « espoir des malheureux » où Ilione déroule les sentiments qui la troublent en un discours fluctuant au gré de ses pensées. Est-ce un air à proprement parler tant la forme en parait insaisissable ? Qu’importe, la pureté de la ligne mélodique et ses reflets capricieux lui valent de figurer parmi les plus poignants du répertoire baroque français. [Christophe Rizoud]

  • « Tout est prêt… Fureur, amour, secondez mon impatience », François Rebel et François Francœur, Scanderberg (1735)

Il semble encore difficile aujourd’hui de monter dans une maison d’opéra une tragédie lyrique française qui ne soit ni de Lully ni de Rameau. Qu’attendent nos baroqueux pour nous révéler dans son intégralité le Scanderberg de Rebel et Francœur ? L’intérêt de cette partition, conçue sur un sujet aussi historique qu’exotique (le héros albanais avait déjà inspiré un opéra à Vivaldi en 1718) se bornerait-il au très magnétique air de Roxane, héroïne dont la véhémence semble égaler celle de son homonyme racinienne dans Bajazet  ? [Laurent Bury]

  • « Jours de mon enfance », Louis-Ferdinand Hérold, Le Pré aux clercs (1832)

Bien injuste est l’oubli dont pâtit encore, malgré une reprise récente Salle Favart et à Wexford, ce qui fut pendant un siècle un des piliers du répertoire de l’opéra-comique français : Le Pré aux clercs, admirable réussite de Louis-Ferdinand Hérold. S’il fallait n’en isoler qu’une page, ce serait sans doute l’air délicieusement nostalgique d’Isabelle, où la virtuosité est mise au service du sentiment, avec toute l’élégance propre à un genre dont notre pays ne devrait plus avoir à rougir. A condition de disposer d’un interprète telle que la grande Renée Doria, capable de l’interpréter avec la sensibilité qui convient et non à la manière d’un numéro de cirque, comme n’ont que trop tendance à le faire les sopranos coloratures. [Laurent Bury]

  • « Sulle materne ceneri », Saverio Mercadante, Virginia (1866)

Coincé entre Gaetano Donizetti et Giuseppe Verdi, Saverio Mercadante pâtit de l’inévitable comparaison avec ses géniaux contemporains : moins inspiré, moins efficace, plus inégal… Aucun de ses quelque cinquante opéras ne figure au répertoire, Virginia pas plus que les autres quand la puissance dramatique de l’écriture, l’architecture monumentale des ensembles et l’énergie mélodique justifieraient que l’oeuvre soit portée plus souvent à l’affiche. Accompagnée d’une harpe forcément céleste, la cantilène de l’aria di sortita de l’héroïne éponyme pourrait avoir été composée par Bellini. D’ailleurs, Paolo Sorrentino en a fait la bande son de Youth, son dernier long-métrage avec Michael Caine et Harvey Keitel. Peut-on trouver meilleure garantie que celle du réalisateur de La Grande Bellezza ? [Christophe Rizoud]

  • « O, Marija, Marija! », Piotr Ilyitch Tchaïkovski, Mazeppa (1884)

Le répertoire russe aime les voix graves. Jamais basses et barytons ne sont mieux mis en valeur que lorsqu’ils doivent prêter le velours sombre de leurs voix à ces héros venus du froid. Si Grémine, Onéguine, Boris, Aleko ou encore Yeletski sont aujourd’hui incontournables, Mazeppa nous est moins familier. On se demande pourquoi lorsqu’on écoute « O, Marija, Marija! », l’un des trois ariosos confié au chef des cosaques, écrit à la demande expresse de Bogomor Korsov, le créateur du rôle, soucieux vraisemblablement de disposer dans cet opéra de sang et de fureur d’un passage flatteur. Le moins que l’on puisse dire est qu’il fut exaucé tant cet air, emmitouflé dans une fourrure orchestrale soyeuse, dispense de chaleur animale. [Christophe Rizoud]

  • « Le bruit des chants s’éteint », Ernest Reyer, Sigurd (1884)

On s’est tant employé à démêler l’écheveau des influences dont est tissé Sigurd – Wagner n’étant pas la seule – que l’on ne sait plus écouter l’opéra de Reyer sans s’abstraire de multiples références. Il faut aborder « Le bruit des chants s’éteint » d’une oreille vierge d’a priori pour en apprécier la grandeur tragique. Comprendre aussi que, dans cette page, celui qui ajouta à son patronyme (Rey) un « er » en hommage à Wagner parvient à s’affranchir de son modèle pour réaliser une synthèse idéale de ses différentes sources d’inspiration. Car si l’on entend gronder à l’orchestre sourdement les Nibelungen (et plus encore les accords nocifs de « Träume », le dernier des cinq Wesendonck Lieder), l’art de la déclamation, porté à son apogée, ne doit rien aux « miasmes wagnériens » mais hérite de la plus noble des traditions lyriques. Ce sont les ombres de Berlioz et, avant lui, Gluck qui confèrent à la méditation de Sigurd une limpidité héroïque. Cette remarquable leçon de syncrétisme ne mériterait-elle pas plus de considération ? [Christophe Rizoud]

  • « Verdorben ! Gestorben ! », Engelbert Humperdinck, Königskinder (1910)

Les opéras dont le livret prévoit explicitement la présence d’un ou de plusieurs animaux accompagnant les protagonistes sont devenus difficiles à ressusciter, notre époque acceptant mal de voir des bêtes à poils ou à plumes forcées à jouer un rôle sur une scène. C’est le cas du Pardon de Ploermel, où la chèvre de Dinorah est un casse-tête pour les metteurs en scène ; ce l’est à peine moins pour Königskinder, dont l’héroïne est une gardeuse d’oies que l’on doit voir entourée de son troupeau. Moins problématique, l’intermède situé au début du troisième acte, où un violoneux exprime son désespoir hivernal. Humperdinck s’y élève à la hauteur de ses meilleurs contemporains, ce qui rend d’autant plus regrettable qu’on ne joue généralement de ce compositeur que son Hänsel et Gretel.  [Laurent Bury]

  • « They are always with me… Once there was a golden bird », John Corigliano, Ghosts of Versailles (1989)

Le directeur de l’Opéra royal de Versailles, Laurent Brünner, rêve de monter dans ce cadre prestigieux divers opéras peu connus, inspirés par la Révolution française : Marie Victoire de Respighi, ou Ghosts of Versailles de l’Américain John Corigliano. L’idée est loin d’être mauvaise, d’autant qu’il s’agit d’œuvres méconnues qui auraient pourtant leur place sur toutes les scènes lyriques. Créé au Met en 1991, Ghosts of Versailles fait intervenir Marie-Antoinette en personne, tourmentée par ses souvenirs, comme elle l’exprime dans un air aussi impressionnant qu’expressionniste, taillé sur mesure pour Teresa Stratas qui en fut la première interprète.  [Laurent Bury]

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