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Ô Saisons

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Edito
1 avril 2011

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L’annonce de la prochaine saison de l’Opéra de Paris a déchaîné les habituelles volées de scepticisme, contredites par les ordinaires manifestations d’adhésion. Certes, ce débat n’a animé que les cercles étroits des amateurs très éclairés et des critiques professionnels. Les autres – c’est-à-dire les spectateurs – se moquent un peu de savoir si la saison sera rétro ou ringarde : ils cherchent surtout l’émotion visuelle ou vocale qui leur fait aimer l’opéra. Bien malin qui dira si une soprano célèbre ou un metteur en scène en vogue la dispensent plus et mieux que de moindres célébrités.
 

Alors, on spécule, on suppute. Sous couleur d’expertise, on joue les bookmakers. La vérité est que la saison 2011-2012 de l’Opéra de Paris propose un répertoire et des interprètes conformes – ni plus, ni moins – à ce qu’il est permis d’attendre d’une telle maison. Qui vivra verra. La question est plutôt : mais à quoi bon annoncer sa saison ? A se faire étriller avant l’heure ? Soit. Et, accessoirement, à ouvrir les réservations et les abonnements. Bien. Et si en 2012 on se passait d’une telle annonce ? Si l’on s’épargnait le pesant exercice du Dévoilement annuel ? Et même, allons plus loin, si l’on supprimait la communication officielle et préalable de toute programmation ? On annoncerait, disons, un mois avant. Oh et puis non : on annoncerait le jour même. On y gagnerait en suspense. En effets de surprises. Les remplacements de dernière minute passeraient inaperçus. Chaque représentation serait revêtue d’une aura de mystère. Au lieu de traîner des pieds pour aller écouter une énième Lucia, on irait au théâtre avec au cœur une sorte de palpitation : que joue-t-on ce soir ? qui chantera ? Chic, c’est Lucia ! Chic, c’est Bohème ! – exclamations remplaçant « Oh, ENCORE Bohème, ENCORE Lucia ! Bouh, ringard ! » Ah, on retrouverait un peu de candeur. Reviendrait le goût de cette naïveté que nous avions lorsque, simples petits lyricophiles, nous débarquions au théâtre sans connaître l’œuvre et identifiant à peine les interprètes, mais aussi nous moquant pas mal de la mise en scène pourvu qu’on ne nous pourrisse pas notre soirée à force de trouvailles malséantes. N’est-ce pas un des secrets du succès de l’opéra baroque ? Aller entendre Temistocle de Barbazzoni dirigé par Ernest Boudinot, voilà une vraie plongée dans l’inconnu. Stendhal lisant en quatrième vitesse le livret du Mariage Secret avant d’aller l’entendre et essayant d’imaginer quelle musique conviendrait à ces paroles, avant de se laisser saisir par le génie de Cimarosa, voilà l’opéra pleinement vécu, pleinement aimé.
 

Au contraire, nous autres lyricomanes, nous entrons au théâtre déjà remplis, grâce au disque notamment, de la musique que l’on va nous servir ; déjà au fait de l’intrigue ; et déjà affermis dans notre jugement sur les principaux chanteurs. Les représentations à la fin ne servent-elles qu’à nous détromper ? Qu’à reconstituer en nous le rien de fraîcheur que l’érudition dissipe ? Mesdames et Messieurs les Directeurs, nouez un pacte d’acier entre vous : gardez secrètes vos saisons, et si vous les annoncez, faites qu’on n’en sache rien. Laissez-nous ignorer la cuisine, il sera bien temps de déguster les plats. Nous ne voulons pas savoir. Fichez-nous la paix.

 

 

Sylvain Fort

 

 

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