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Giovanni Antonini : « Il faut croire au pouvoir des mots »

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Interview
21 mars 2023
Giovanni Antonini nous parle de Così fan tutte

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Détails

Le Théâtre des Champs-Élysées vous accueille pour un Così fan tutte. Comment abordez-vous cet opéra en « version concert » ?

Je connais très bien le Théâtre des Champs-Élysées. J’y ai donné des concerts avec mon ensemble, Il Giardino Armonico. Ce Così fan tutte était prévu depuis un moment mais n’avait pu être donné en raison de la situation sanitaire. Il est vrai que cette fois-ci, il n’y aura pas de mise en scène mais parfois, je dois dire que je préfère – et je pense que c’est le cas de la plupart de mes collègues – donner des opéras en « version concert » car c’est dans ce cadre que nous pouvons réellement nous concentrer sur la musique. Aujourd’hui, on se retrouve régulièrement confronté, et notamment lorsque les mises en scène sont modernes, à des problématiques de distance entre le plateau (l’équipe de chanteurs) et la fosse (l’orchestre et le chef). Et cela peut-être techniquement problématique pour l’interprétation des recitativi et notamment ceux qui sont accompagnés de tout l’orchestre. Certains metteurs en scène ont de fortes exigences visuelles mais musicalement, parfois, cela peut impacter notre jeu. Lorsqu’il s’agit d’un opéra en « version concert », les choses peuvent être faites avec plus de plaisir. Les interactions entre les voix et l’orchestre, qui sont nombreuses dans cet opéra, sont fluides, et c’est magnifique pour cette musique de Mozart.

Così fan tutte, c’est aussi du théâtre. Comment porterez-vous au plus juste, la trame opératique du livret ?

Oui et notre challenge, c’est justement de pouvoir faire du théâtre sans jeu de scène puisque nous n’avons pas de scénographie. Pour porter au plus juste la trame opératique du livret, il faudra, dans un premier temps accorder de l’importance aux recitativi sur lesquels j’ai pour habitude de travailler beaucoup. Étant italien, je comprends les subtilités du livret en matière de poésie, de rythme, de l’ironie du sens, etc. Certains chefs, parfois, ne s’intéressent pas forcément aux recitativi. L’interrogation, le rythme des phrases, la profondeur du texte, etc. sont des éléments très importants, et notamment pour préparer et travailler le caractère des nombreux airs et ensembles qui constituent cet opéra. Il n’y a pas d’un côté, le monde du récitatif, et de l’autre, le monde de l’air.

Ensuite, il faut préciser que les chanteurs ne chanteront pas toujours dans les mêmes positions. Nous travaillons actuellement sur leurs entrées sur scène, à la spatialisation, etc. pour essayer de faire quelque chose de plus dynamique. Enfin, l’œuvre sera chantée par cœur.

Le public ne risque-t-il pas, selon vous, de se déconnecter du récit ?

Je pense que l’histoire de Così fan tutte est relativement bien connue des mélomanes. Effectivement, il y a des indications dans la partition sur la gestique, les déplacements, etc. qui sont importantes. Mais il faut aussi croire aux pouvoirs des mots et au sens qu’ils impliquent. Bien sûr, dans le théâtre, nous avons une scénographie qui doit nous permettre de comprendre la scène. Mais l’interprétation du chef d’orchestre est importante, même s’il s’agit d’un opéra en langue italienne, donné en France. La langue italienne a beaucoup de similitudes avec le français. Si ces recitativi sont réellement bien interprétés en termes de couleurs, de rythmes, etc., alors je pense que le public pourra bien comprendre le sens de cet opéra. D’ailleurs, je pense toujours “théâtre” quand je prépare un opéra. J’interroge systématiquement la manière dont un spectateur peut imaginer la scène, l’action, lorsqu’un artiste interprète un récitatif ou un air, et ce, même s’il n’a aucun déplacement à faire, qu’il n’y pas de lumière spécifique, de scénographie, etc. Pour l’heure, je ne sais s’il y aura des surtitres, mais dans Così, la musique est déjà du théâtre, et elle est très importante pour comprendre le sens.

Comment situez-vous Così fan tutte par rapport aux aux Mozart – Da Ponte, sur le plan musical ?

Chaque opéra des trois Da Ponte dispose d’un univers spécifique. Così fan tutte a beaucoup plus de récitatifs et il a une légèreté que j’apprécie particulièrement. Ces sujets qui traitent de la fidélité, de l’investissement du partenaire, de la jalousie, et touchent à la morale, me plaisent. Ce sont toujours des sujets d’actualité. Par ailleurs, je pense que derrière ces histoires « comiques », derrière le fait que Fiordiligi et Dorabella ne reconnaissent pas leurs fiancés par exemple, il y a un sujet plus profond. De l’extérieur ces personnages semblent comiques mais de l’intérieur, ils sont dramatiques. Quand Fernando découvre que Fiordiligi et Dorabella les trompent, la musique est vraiment “dramatique”. Et c’est si bien fait ! La musique est vraie durant ce moment, la musique n’est pas drôle, même si de l’extérieur, nous pouvons rire des personnages. Lorsque la musique sonne « dramatique », cela pourrait être un opera seria tel qu’Idomeneo. Così n’est pas si différent en termes de langage musical, même si dans Idomeneo, le personnage principal reste plutôt sombre.

Connaissez-vous cette équipe de chanteurs ?

Je connais très bien Julia et Sandrine. Le travail que nous faisons en ce moment même à Bâle, avec l’ensemble de l’équipe se passe très bien. C’est très important pour moi d’être un “laboratoire musical” qui permette des échanges importants entre les artistes.

Vous donnerez ce Così fan tutte avec l’Orchestre de Chambre de Bâle. Comment est née cette étroite collaboration artistique avec cette formation ?

J’ai commencé à travailler avec cet orchestre en 2005. Le temps nous a donné l’opportunité de réaliser beaucoup d’expériences artistiques ensemble. Nous avons notamment enregistré toutes les symphonies de Beethoven, l’intégrale que nous avons finie en 2016. Dernièrement, nous avons lancé le Haydn 2032, projet qui est partagé avec Il Giardino Armonico.

En quoi ce projet Haydn 2032 enrichit votre travail sur les opéras de Mozart ?

Le langage musical d’Haydn est très proche de celui de Mozart. Cette expérience qu’on a lancée et qu’on continue est très importante pour la compréhension des opéras de Mozart. Elle forme une base très solide pour continuer à développer et comprendre la musique ainsi que le langage de ce compositeur.

Don Giovanni, Così fan tutte … donnerez-vous le troisième Mozart – Da Ponte ?

Oui ! Nous donnerons bien les Nozze di Figaro, et ce sera toujours avec l’Orchestre de Chambre de Bâle. 

Interview réalisé en anglais

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