Œuvre révolutionnaire à plusieurs titres (cf. l’article que nous lui avons consacré), La Muette de Portici a effectué un retour chahuté sur la scène de l'Opéra Comique. Les hueurs en effet s'étaient donné rendez-vous en ce soir de première, comme à Bastille aux plus riches heures de l'ère Mortier. Quant à comprendre la raison de leur courroux...
La mise en scène d'Emma Dante a le mérite, avec peu de moyen, de rendre sensible, mieux que n'importe quelle reconstitution pompeuse, le génie d'Auber. Après tout cette Muette de Portici que l'on redécouvre à Paris après cent vingt années d'absence fut en son temps un des piliers du répertoire. Wagner lui-même la portait en haute estime. L'écoute au disque de la version Fulton (EMI) avait pu nous faire douter de sa valeur musicale, cette production sait en restituer l'efficacité dramatique. Des costumes plutôt laids ; un décor réduit au minimum - peu de moyen, avons-nous dit – ; un lustre, des cadres chez le vice-roi ; des draps chez les pêcheurs ; des portes, beaucoup de portes mais habilement utilisées et surtout la chorégraphie sauvage de Sandro Maria Campagna, élément clé d'une œuvre lyrique dont le rôle-titre a pour paradoxe de ne pas être chanté mais dansé. Elena Borgogni y déploie une énergie désespérée à laquelle aucune critique ne saurait résister. Les nombreuses pantomimes qui parsèment l'ouvrage pourraient en hacher l'action. Ici, au contraire, la danse insuffle toute sa vigueur et son unité à une intrigue aussi patriotique que sentimentale. Très sollicité par une partition qui, grand opéra français oblige, leur fait la part belle, le Chœur de La Monnaie présente une cohésion sans faille. La direction de Patrick Davin épouse le parti-pris scénique d'Emma Dante avec des contrastes marqués et un geste dramatique appuyé. L'équilibre sonore en pâtit parfois mais l'intérêt ne faiblit jamais. Mieux, nous voilà conquis par une œuvre que le disque n'avait pas su nous faire aimer. Si tant est que nous en doutions, les hueurs n'ont pas toujours raison. |
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Daniel-François-Esprit Auber
La Muette de Portici
Opéra en 5 actes (1828)
Livret d’Eugène Scribe et Germain Delavigne.
Mise en scène
Emma Dante
Décors
Carmine Maringola
Décors et costumes
Vanessa Sannino
Lumières
Dominique Bruguière
Chorégraphie
Sandro Maria Campagna
Fenella
Elena Borgogni
Alphonse
Maxim Mironov
Elvire
Église Gutiérrez
Masaniello
Michael Spyres
Pietro
Laurent Alvaro
Borella
Tomislav Lavoie
Selva
Jean Teitgen
Lorenzo
Martial Defontaine
Orchestre et chœur du Théâtre Royal de la Monnaie
Direction musicale
Patrick Davin
Paris, Opéra Comique, jeudi 5 avril 2012, 20 h
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Après avoir dominé la scène baroque pendant plus d’une décennie, Véronique Gens s’est établie une solide réputation à l’international et est aujourd’hui considérée comme l’une des meilleures interprètes de Mozart.
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