Le Couronnement de Poppée forme la jeunesse. Après l’Opéra national de Paris cette saison, c’est au tour des chanteurs de l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence d’affûter leur talent sur le chef d’œuvre de Monteverdi. Leonardo García Alarcón à la tête de sa Cappella Mediterranea leur offre un soutien musical sans faille. La basse continue impulse au recitar cantando un flux généreux où les émotions jaillissent au gré du texte en un large éventail de rythmes et de couleurs.
A la mise en scène, Ted Huffmann choisit de conserver l’esprit d’atelier théâtral. Seul un tube géant, vite expédié dans les cintres, occupe l’espace. Sur le plateau vide, des portants de costume tiennent lieu d’accessoires. Passé le prologue, l’ensemble de la troupe investit une scène qu’elle ne quittera plus, chacun attendant sur les côtés le moment d’intervenir au centre. Les chanteurs sont-ils encore leurs personnages lorsqu’ils se trouvent ainsi placés sur la touche ? Telle est la question souhaitée. Cette mise en abyme impose un travail précis sur le geste et le motif. Aux affusions musicales répond un engagement physique des premiers comme des seconds rôles, tous investis sans condition, tous invités à traduire sur le vif la complexité des sentiments en jeu. S’il y a leçon, elle est de théâtre.
Le chant, lui, est en fleurs. Une salle d’une taille aussi modeste que le Théâtre du Jeu de Paume autorise le murmure, voire l’exige. Ce n’est que dans le dernier monologue d’Ottavia que Fleur Barron en prend conscience – et soudain le personnage existe quand auparavant il n'était qu'esquissé. Miles Mykkanen serait impayable dans le double rôle d’Arnalta et de la Nourrice – quelle énergie, quelle vis comica ! – s’il ne péchait par excès de décibels, et Julie Roset serait le plus délicieux des Amore, le plus mutin des Valletto si elle ne confondait trop souvent stridence et expression. Les soupirs amoureux du couple inique – Poppea (Jacquelyn Stucker) et Néron (Jake Arditti) – aimeraient autant de sensualité mais plus de nuances, tout comme les soliloques de Seneca (Alex Rosen) ou les tirades de Drusilla (Maya Kherani) voudraient plus d’intentions pour mieux animer le marbre prometteur de leur jeune voix. Seul finalement, Paul-Antoine Bénos-Djian réussit à rendre palpables les errements d’Ottone par la magie d’un chant qui puise dans le mot et le souffle son large Pantone.
C’est à son exemple que les fruits tiendront la promesse de fleurs suffisamment épanouies cependant pour recevoir au tomber de rideau leur part légitime d’applaudissements.
Dramma per musica en un prologue et trois actes
Composé par Claudio Monteverdi
Livret de Giovanni Francesco Busenello
Créé à Venise, au Teatro San Giovanni e Paolo en 1642 ou 43
Mise en scène
Ted Huffman
Décors, concept original
Johannes Schütz
Décors, adaptations
Anna Wörl
Costumes
Astrid Klein
Lumière
Bertrand Couderc
Collaborateur aux mouvements et maître d'armes
Pim Veulings
Dramaturgie
Antonio Cuenca Ruiz
Poppea
Jacquelyn Stucker
Nerone
Jake Arditti
Ottavia / Virtù
Fleur Barron
Ottone
Paul-Antoine Bénos-Djian
Seneca
Alex Rosen
Arnalta / Nutrice / Famigliare I
Miles Mykkanen
Fortuna / Drusilla
Maya Kherani
Amore / Valletto
Julie Roset
Lucano / Soldato I / Famigliare II
Laurence Kilsby
Liberto / Soldato II
Riccardo Romeo
Littore / Famigliare III
Yannis François
Cappella Mediterranea
Direction musicale
Leonardo García Alarcón
Festival Aix-en-Provence, Théâtre du Jeu de Paume, dimanche 16 juillet, 17h
VOUS AIMEZ NOUS LIRE…
… vous pouvez nous épauler. Depuis sa création en 1999, forumopera.com est un magazine en ligne gratuit et tient à le rester. L’information que nous délivrons quotidiennement a pour objectif premier de promouvoir l’opéra auprès du plus grand nombre. La rendre payante en limiterait l'accès, a contrario de cet objectif. Nous nous y refusons. Aujourd’hui, nous tenons à réserver nos rares espaces publicitaires à des opérateurs culturels qualitatifs. Notre taux d’audience, lui, est en hausse régulière avoisinant les 160.000 lecteurs par mois. Pour nous permettre de nouveaux développements, de nouvelles audaces – bref, un site encore plus axé vers les désirs de ses lecteurs – votre soutien est nécessaire. Si vous aimez Forumopera.com, n’hésitez pas à faire un don, même modeste.
Sous cet intitulé un peu provocateur nous avons souhaité initier une conversation avec le sociologue Didier Eribon : ce genre, financé par la communauté, s'adresse-t-il équitablement à tous les membres de la société ?
© 2018 - Mentions légales - Tous droits réservés - Publicité - Site réalisé par Damien Ravé