Une centaine d’œuvres – peintures, dessins, photographies, manuscrits, costumes et objets – compose un récit visuel où politique, art et légende, ensemble conjugués, érigent le mythe d’un monument à nul autre pareil.
Inauguré le 5 janvier 1875, l’opéra voulu par Napoléon III fut architecturé par Charles Garnier comme le témoignage de la splendeur impériale. Très vite, il devient un espace républicain, lieu de manifestation du pouvoir, théâtre de réceptions officielles et symbole patriotique. C’est de sa loggia que Marthe Chenal chante la Marseillaise le 11 novembre 1918 – jour de l’armistice qui met fin à la Première Guerre mondiale. En 1962, la commande à Marc Chagall du nouveau plafond de la salle rappelle que le Palais Garnier est aussi une œuvre politique. Le geste se veut emblématique de la reprise en main par l’Etat français des théâtres nationaux. Cette utilisation du monument comme théâtre du pouvoir s’achève avec l’ouverture de l’Opéra Bastille, inauguré le 13 juillet 1989, la veille des commémorations du 14 juillet qui fêtent le bicentenaire de la Révolution française. Depuis, les différents présidents de la République n’ont guère fait de notre première scène lyrique une étape régulière de leur agenda culturel.
Gilbert Louis Bellan La Marseillaise chantee a la loggia de l'Opera par Marthe Chenal le 12 novembre 1918 © BnF, Bibliiothèque-musée de l’Opéra
Conçu à l’origine pour l’art lyrique, inspiré par les décors fastueux du grand opéra à la française – genre tombé en désuétude lors de son inauguration – le Palais Garnier se mue en cathédrale wagnérienne à partir des années 1890. Non sans ironie puisque le Festspielhaus de Bayreuth, son antithèse architecturale, rejette précisément ce que l’Opéra de Paris exalte : les espaces publics propices aux mondanités et les ors décoratifs. Puis, pour des raisons économiques et culturelles, sous l’impulsion des Ballets russes et de personnalités emblématiques tels Serge Lifar et Rudolf Noureev, le lieu devient temple de la danse – une réputation désormais incrustée dans ses marbres, à tort.
Jacques-Emile Blanche (1861-1942) Ida Rubinstein dans Sheherazade (role de Zobeide) ; 1911. Scheherazade : drame choregraphique en 1 acte / choregraphie de Michel Fokine ; Musique de Rimsky-Korsakov. Cree au Theatre de l'Opera le 4 Juin 1910 par la troupe des Ballets Russes. © BnF Bibliotheque-musee de l'Opera
Mais toute beauté, lorsqu’elle touche à l’absolu, abrite sa part de mystère. Urnes de plomb enfouies, accident de scène, superstitions, rumeurs… En 1910, Le Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux transforme le bâtiment en haut lieu de l’imaginaire collectif, peuplé de souterrains, de lustres menaçants et d’amours impossibles. Le cinéma s’en empare, propageant son aura jusque dans les studios d’Hollywood. L’Opéra Garnier devient un personnage, presque vivant, hanté par quelques figures légendaires – Maria Callas en tête, qui y chanta peu mais dont les costumes de Norma, exposés en fin de parcours, rappellent le passage mémorable.
Affiche pour Le Fantôme de l’Opéra, Film de Julian Rupert, 1925, d’après Gaston Leroux © BnF, Arts du spectacle
Au-delà du prétexte commémoratif, cette exposition répond à la question de savoir comment un édifice destiné à une élite s’est au fil du temps transmuté en mythe – au sens de symbole partagé. Parce qu’à travers ses fastes, son histoire et ses légendes, le pouvoir a trouvé un lieu de représentation, l’art un lieu d’expression et le public, un lieu de rêves.
La célébration des 150 ans de l’Opéra Garnier s’accompagne également d’une série de rencontres, visites thématiques et surprises artistiques dans le cadre unique du Grand Foyer, permettant d’explorer la construction du monument, ses innovations et son rôle dans la société. Une résidence inédite, « PROJET 12 », accueille chaque mois un artiste qui crée une œuvre inspirée par le Palais, avec mise aux enchères des créations début 2026. Une playlist numérique rassemblant des œuvres emblématiques liées au Palais Garnier, prolonge la célébration dans l’univers numérique. Enfin, le catalogue de l’exposition, vendu au tarif de 42€, réaffirme le rayonnement culturel et la fascination continue exercée par ce théâtre mythique. Plus d’informations sur Opéra national de Paris