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HAENDEL, Sosarme — Halle

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Spectacle
3 juin 2016
Cinq personnages en quête de voix… et une basse

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes, livret anonyme adapté de Dionisio re di Portogallo d’Antonio Salvi (1707)

Créé au King’s Theatre, Londres, 15 février 1732

Première production basée sur la partition établie par la Hallischen Händel-Ausgabe

Détails

Mise en scène et décor

Philipp Harnoncourt

Collaboration aux décors

Katja Rotrekl

Costumes

Elisabeth Ahsef

Lumières

Matthias Hönig

Vidéo

Anke Tornow

Dramaturgie

Susanne Olfter

Sosarme

Benno Schachtner

Elmira

Ines Lex

Haliate

Robert Sellier

Erenice

Henriette Gödde

Argone

Michael Taylor

Melo

Julia Böhme

Altomaro

Ki-Hyun Park

Händelfestspielorchester Halle

Direction

Bernhard Forck

Opéra de Halle, dans le cadre du Händel-Festspiehle Halle, 3 juin 2016, 19h30

Hormis un célèbre duo, l’amer et langoureux « Per le porte del tormento », que connaissons-nous aujourd’hui de Sosarme (1732) ? La plupart des mélomanes ne l’ont probablement jamais entendu, certains se souvenant peut-être qu’il s’agit du seul opera seria enregistré par Alfred Deller – le premier, en réalité, gravé par un contre-ténor. Cette publication historique vit le jour en 1954, chez L’Oiseau-Lyre, sous la direction d’Anthony Lewis (elle fut rééditée en 2001 par Allegro Corporation), lequel avait, sept ans plus tôt, exhumé l’acte II pour le Troisième Programme de la BBC. Il faudra toutefois attendre 1970 pour que l’Unicorn Opera d’Abingdon programme la recréation scénique de Sosarme, laquelle ne rencontrera guère qu’un succès d’estime. A l’image de Silla, autre rareté à l’affiche du Händel-Festspiehle de Halle cette année, l’ouvrage ne brille guère par sa cohérence dramatique, alors que sa musique vaut à elle seule le détour.

L’intrigue paraît, de prime abord, limpide et relativement simple. Haliate, roi de Lydie, doit affronter la rébellion de son fils légitime, Argone, persuadé que son père a choisi son bâtard, Melo, pour successeur. Altomaro, conseiller félon d’Haliate et aïeul de Melo, cherche, en vain, à éveiller son intérêt pour le trône et attise les tensions entre Haliate et Argone. Au début de l’opéra, Argone a réussi à s’emparer du palais royal, où il retient prisonnières sa sœur, Elmira, et leur mère, Erenice. Haliate décide de reprendre les lieux avec le soutien de Sosarme, roi des Mèdes, qui doit épouser Elmira. Echaudé par le désastre d’Ezio, nous explique Winton Dean, Händel aurait décidé de sabrer dans les récitatifs, qui rebutaient le public londonien, pratiquant ainsi des coupes claires dont les protagonistes ressortent affaiblis. Anthony Hicks, pour sa part, pense que les carences de certains solistes ont nui à la composition de Sosarme, à commencer par celles de Campioli. Créateur de la figure centrale d’Argone, ce médiocre castrat ne chante aucun air, fait assez extraordinaire, et doit se contenter d’un accompagnato ainsi que d’un duo où sa partenaire n’a de cesse de lui clouer le bec. A contrario, la présence de stars de l’envergure de Senesino (Sosarme) et d’Anna-Maria Strada del Pò (Elmira) stimulent aussi l’imagination du Saxon, de même que les prodigieuses ressources de Montagnana (Altomaro), la plus grande basse de son temps.

C’est sans doute pour éviter un incident diplomatique avec le Portugal, le plus ancien allié des Britanniques, que Händel rebaptisa cinq des six personnages de l’opéra, originellement intitulé Fernando, Re di Castiglia, et déplaça l’action de Coimbra à Sardes, capitale de l’antique royaume de Lydie, dans cet orient mythique et si commode pour les artistes redoutant les ciseaux de la censure. Philip Harnoncourt opte pour une actualisation radicale, une transposition non seulement historique et géographique, mais également sociale : le conflit familial surgit au cœur d’une cité, une triste masure puis une cour grillagée occupant le plateau. Elmira, blonde et candide jouvencelle, épingle des photos de magasine sur les murs d’une chambre exiguë tandis qu’Argone, ado rebelle en blouson de cuir, ricane à l’envi en toisant leur mère (Erenice), imposante matrone à qui les vicissitudes vont donner l’allure d’une clocharde, hirsute et hagarde.

Si la partition les évoque brièvement au moyen d’une marche et d’un chœur guerriers, dans le livret, les combats servent seulement de toile de fond : un campement au II et, au III, des tentes militaires, dans le lointain ; en vérité, seule l’apparition d’Argone, brandissant un glaive maculé de sang au début de l’opéra, suggère la violence des heurts. Harnoncourt en livre une représentation hyper réaliste où des forces anti émeutes, équipées de casques et de boucliers, affrontent des jeunes en survêtements à capuches, armés de battes de baseball, dont certains finiront le torse nu et ensanglanté. Une échauffourée plus vraie que nature déborde jusque dans la salle et des explosions illuminent la scène, avec force dégagements de fumées (une didascalie mentionne un nuage de poussière et de fumée sur le champ de bataille).

Cette guérilla urbaine en met plein la vue, les oreilles, voire le nez (chez les spectateurs du parterre), sans rien apporter d’essentiel au drame, mais elle dérange finalement moins que le comique, parfois lourd et potache, du metteur en scène. Si Altomaro a la scélératesse joviale, ses fanfaronnades font mouche et ne jurent pas avec la musique. Par contre, pourquoi tourner en dérision le rôle-titre ? Certes, Sosarme ne laisse rien voir de la vaillance que lui prête son entourage et appartient plutôt à cette lignée de monarques contemplatifs et amoureux dont le théâtre haendélien offre d’éminents spécimens, mais Harnoncourt lui ôte toute noblesse en l’affublant de vêtements trop larges et de rouflaquettes qui l’apparentent à Bilbo le Hobbit. En outre, de fastidieuses minauderies viennent gâcher son fameux duo avec Elmira, « Per le porte del tormento ». De tels partis pris ne laissent pas d’étonner car la direction d’acteurs peut également se montrer spirituelle et comporte de jolies trouvailles, comme ce tableau où, après un vif échange, Argone et Erenice s’éloignent puis, n’ayant pas fini de vider leur querelle, reprennent brièvement et a cappella cette fois, leur belliqueux duo.


Benno Schachtner (Sosarme) © Falk Wenzel, Theater Oper und Orchester GmbH Halle

A rebours de la majorité des productions haendéliennes, une basse domine la distribution et éclipse, sur le plan vocal, ses partenaires. Ki-Hyun Park (Altamaro) s’impose d’entrée de jeu dans le spectaculaire « Fra l’ombre » que Händel emprunte à Aci, Galatea e Polifemo et remanie habilement en atténuant son caractère grotesque. L’aisance de l’acteur le dispute à celle du chanteur, dont le mordant et la plénitude de l’organe nous ragaillardissent face à la mollesse de celui de Benno Schachtner (Sosarme), falsetto uniformément suave et par trop gracile pour assumer une partie destinée à Senesino. Le soprano juvénile, tendre et ultraléger d’Ines Lex (Elmira) ne manque pas de charme, mais bien de flexibilité. Elle frôle plusieurs fois l’accident, quand l’aigu ne s’étrangle pas, trahissant une fragilité qui ne pardonne pas dans ce qui s’avère le rôle le plus gratifiant, mais aussi le plus exigeant de l’opéra.

Court de souffle en particulier dans des coloratures sans éclat, le mezzo-soprano de Henriette Gödde (Erenice) s’épanouit dans le cantabile (« Cor di madre »), mais l’artiste peine à s’abandonner. Inutile de s’étendre sur la contre-performance de Robert Sellier, ténor au grain plaisant mais éteint à qui reviennent, hélas, le puissant tempérament et les affects richement contrastés de Haliate, ni sur Argone, comprimario fort indigent que Michael Taylor endosse avec un louable sens du sacrifice. Mezzo-soprano encore vert et peu agile, mais au métal personnel, Julia Böhme retient l’attention en fils aimé et aimant (Melo), dont elle épouse avec finesse la mélancolie inquiète. Quand la virtuosité, l’inspiration ou simplement l’énergie viennent à faire défaut, ce qui, il faut bien l’admettre, arrive régulièrement, le salut est dans la fosse. Emmené par son chef attitré, Bernhard Forck, qui veille à ne pas couvrir des chanteurs à la projection modeste, le Händelfestspielorchester Halle signe une prestation de haute tenue, stylée et d’une remarquable constance.  

 

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Opéra en trois actes, livret anonyme adapté de Dionisio re di Portogallo d’Antonio Salvi (1707)

Créé au King’s Theatre, Londres, 15 février 1732

Première production basée sur la partition établie par la Hallischen Händel-Ausgabe

Détails

Mise en scène et décor

Philipp Harnoncourt

Collaboration aux décors

Katja Rotrekl

Costumes

Elisabeth Ahsef

Lumières

Matthias Hönig

Vidéo

Anke Tornow

Dramaturgie

Susanne Olfter

Sosarme

Benno Schachtner

Elmira

Ines Lex

Haliate

Robert Sellier

Erenice

Henriette Gödde

Argone

Michael Taylor

Melo

Julia Böhme

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Händelfestspielorchester Halle

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Opéra de Halle, dans le cadre du Händel-Festspiehle Halle, 3 juin 2016, 19h30

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