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CHERUBINI, Medea – Athènes

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Spectacle
3 mai 2023
Médée vient hanter l’Attique

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes de Luigi Cherubini

Livret de François Benoît Hoffmann d’après Euripide

Création de la version italienne avec récitatifs chantés à Milan en 1909

Création de la version française à Paris au Théâtre Feydeau, le 13 mars 1797

Détails

Mise en scène et décors
David McVicar

Costumes
Doey Lüthi

Lumières
Paul Constable

Projections
S. Katy Tucker

 

Medea
Anna Pirozzi

Creonte
Yanni Yannissis

Glauce
Vassiliki Karayanni

Giasone
Giorgio Berrugi

Neris
Nefeli Kotseli

Capitaine de la guarde
Nickolas Douros

Première suivante
Despoina Skarlatou

Seconde suivante
Martha Sotiriou

Chœur et Orchestre de l’Opéra National de Grêce

Chef de choeur
Agathangelos Georgakatos

Direction musicale

Philippe Auguin

Opera National de Grèce, dimanche 30 mai 2023, 18h30

Lancement des célébrations du centenaire de la naissance de Maria Callas par l’Opéra National de Grèce, cette Medea attire les foules au Stavros Niarchos Hall, salle flambant neuve (2017) au sein d’un grand complexe culturel qui permet au seul opéra de Grèce de prendre son rang parmi les grandes salles européennes. L’œuvre n’a bien sûr pas été choisie au hasard : c’est la seule (avec Norma) que Callas ait joué intégralement dans son pays natal après son retour, l’une de celles qui l’ont accompagnée pendant presque toute sa carrière (de 1953 à Florence, jusqu’à 1962 à Milan), et dont les racines mythologiques ne pouvaient laisser insensible cette éternelle exilée.

Donnée pour la dernière fois en 2007 à Epidaure avec Anna-Caterina Antonacci, c’est au tour d’Anna Pirozzi de se confronter au souvenir écrasant de la plus grande diva du XXe siècle dans la version italienne de l’œuvre. Elle s’en sort haut la main, grâce d’abord à une technique belcantiste « d’attaque » époustouflante qui faisait déjà tout le prix de son Abigaille : contrairement à des interprètes qui, n’ayant pas les moyens du rôle, s’y jettent à corps perdu, soprani incendiaires pratiquant la technique de la partition brulée (Nadja Michael, Alexandra Deshorties par exemple), Anna Pirozzi maitrise l’ambitus démesuré de sa partition, et garde le contrôle de son émission et de sa déclamation dans les passages les plus exposés. Ensuite car elle sait ne pas être que la sorcière furieuse du dernière acte (« E che? Io son Medea »), mais également l’amante trahie suppliante dont la folie ne transparait qu’en de brefs éclats (tout l’acte I, la confrontation avec Créon), et la mère aimante constamment tourmentée par son désir de vengeance (« Del fiero duol »), et ce par un allégement de ses moyens colossaux et le raffinement de sa projection.  Elle n’atteint pas néanmoins la même intensité de compression dramatique, de sècheresse tragique que Callas (« Lontan ! Lontan ! Serpenti, via da me ! »), même si certaines inflexions ou effets signalent clairement leur tribut.

Il faut dire que le chef d’orchestre, Philippe Auguin, ne l’aide pas beaucoup sur ce terrain. Si les grands morceaux symphoniques (l’ouverture, l’introduction du dernier acte) sont bien exécutés, l’orchestre de l’opéra manque ce soir de nerf dans les passages les plus emportés. Les tempi sont vifs mais les attaques manquent de netteté, les temps de pause sont trop longs à des moments où l’urgence dramatique devraient les réduire à néant (duo « Nemici senza cor », lancement de l’invective « Atre furie »). Par ailleurs, dans cette version, avec des instruments modernes et à un tel diapason, Cherubini annonce davantage Verdi qu’il n’hérite de Gluck. Signalons néanmoins un son très ample où les pupitres sont bien équilibrés (sauf peut-être les timbales un peu surexposées), et où brillent certains solistes (la flûte de l’air de Glauce et le hautbois de celui de Néris). Le Chœur de l’opéra est très énergique, tout en manquant légèrement de précision, et de stabilité dans les passages les plus aigus de la scène du mariage.

Autour de la Napolitaine, une distribution exclusivement grecque. Parmi les seconds rôles, on est marqués par l’autorité et la projection naturelle de Nikolas Douros en Capitaine de la Garde. Créon ne pose aucun problème à Yanni Yannissis : sonore, impérieux et sans bavure. Ce n’est hélas pas le cas du Jason de Giorgio Berrugi : si la voix est saine, le chanteur attaque trop de notes par en bas et a une fâcheuse tendance à insérer des points d’orgue au mépris non seulement du style, mais du rythme et du drame. Pour sa promise, Vassiliki Karayanni, son medium assuré et son timbre voilé conviennent parfaitement aux accents inquiets de Glauce, moins à la légèreté de son grand air à vocalises, qu’elle assume sans reproche néanmoins, avec des aigus solides. C’est surtout la Néris de Nefeli Kotseli qui nous impressionne : pas tant pour la profondeur de sa voix que pour la rondeur de son timbre et la suavité de son émission. Dommage qu’elle rate ses dernières phrases (l’annonce paniquée de l’infanticide) qui manquent de l’agitation requise.

Cette production est coproduite avec le MET de New-York, l’opéra de Toronto et de Chicago. Est-ce pour cela que David McVicar se contente de faire joli alors que l’Europe sait qu’il peut aussi être intelligent ? Son spectacle est très illustratif : la transposition au début du XIXe siècle n’apporte pas grand-chose, la présentation de la toison d’or frise le mauvais gout avec ses gesticulations d’acrobates et le placement du chœur est très convenu (à l’exception du twist final où la foule accuse Jason pendant le « Giusto ciel »). Néanmoins l’esthétique de l’ensemble est très léchée : débauche de costumes, élégance du décor (ces grandes portes du palais, autrefois dorées) grand miroir incliné en fond de scène qui dédouble et perturbe la perspective (Yannis Kokos en faisait déjà un brillant usage dans ses Troyens) puis transporte le reflet de la colchidienne au milieu de projections vidéo très réussies (la scène de magie, l’embrasement du palais). Sa direction d’acteur se concentre surtout sur Médée, un peu trop parfois, comme ce moment à la fin de l’acte I où elle brutalise des soldats cherchant à l’empêcher d’invoquer les dieux (contresens au demeurant, sa révolte n’est pas censée exploser au grand jour à ce stade), mais la voir faire glisser son voile noir par l’avant, les mains griffues, ramper dans sa robe usée à écailles noires, avec son maquillage outrancier, s’effondrer sur les marches du palais ou brandir son brillant poignard est très spectaculaire. Tout comme le tableau montrant Glauce calcinée par la robe empoisonnée qui rampe sur la table vers un Jason découragé par une servante de la toucher pour ne pas subir la même infortune que Créon, c’est un film d’horreur à la hauteur de la violence du mythe.

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Livret de François Benoît Hoffmann d’après Euripide

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Création de la version française à Paris au Théâtre Feydeau, le 13 mars 1797

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Mise en scène et décors
David McVicar

Costumes
Doey Lüthi

Lumières
Paul Constable

Projections
S. Katy Tucker

 

Medea
Anna Pirozzi

Creonte
Yanni Yannissis

Glauce
Vassiliki Karayanni

Giasone
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