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DALAYRAC, Maison à vendre – Clermont-Ferrand

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Spectacle
25 septembre 2025
Rafraîchissante, tonique, une Bohème qui finit bien

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Nicolas Dalayrac
Maison à vendre
Comédie en un acte et en prose
Livret d’Alexandre Duval
Création à Paris, Opéra-Comique, salle Favart, le 23 octobre 1800 (premier brumaire an 9)

Détails

Mise en scène
Marie Salomé Iffrig

Lise
Jennifer Courcier

Madame Dorval
Anaïs Yvoz

Versac
Enguerrand de Hys

Dermont
Cédric Baillergeau

Ferville (rôle parlé)
Frédéric Phelut

 

Orchestre Concordances

Direction musicale
Martin Wahlberg

 

Clermont-Ferrand, Opéra-Théâtre, 21 septembre 2025, 18 h

Production de l’Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand

L’ouvrage est rare (1) et il est heureux que Clermont-Ferrand l‘offre – gracieusement – au plus large public en cette journée européenne du patrimoine. Certes il ne s’agit que d’un divertissement, relativement bref, tonique, ne comptant, outre l’ouverture, que sept numéros (2) parfois amples, confiés à quatre chanteurs. Mais il serait dommage de dédaigner ce petit bijou, sans autre ambition que d’illustrer efficacement l’action et les sentiments des personnages, et de nous dispenser la bonne humeur.

On a injustement oublié Dalayrac, qui, entre 1781 et 1811 (Le Poète et le Musicien, posthume) nous laisse une bonne cinquantaine d’ouvrages lyriques, fort prisés en leur temps (Nina, Camille ou le Souterrain…). Le livret d’Alexandre Duval en est savoureux, bien tourné et caractérise à souhait les personnages et les situations. La comédie était écrite pour Elléviou et Martin (3), les vedettes d’alors, qui emplissaient les salles. Deux amis, aussi complices que désargentés – le poète librettiste, Versac, et Dermont, le compositeur d’opéra (4) – se rendent à Bordeaux, où réside l’oncle fortuné du premier. Non loin de là, Mme Dorval s’est retirée de Paris, accompagnée de sa nièce, Lise. Le voisin de la tante, Ferville, veut lui acheter à vil prix son domaine. Il se retrouvera grugé par Versac, alors que Lise retrouve Dermont, que seul un malentendu avait séparé. Elle pourra l’épouser, avec une dot providentielle et conséquente. Tout se terminera dans la bonne humeur.

La musique est plaisante, l’écriture soignée. L’art de Dalayrac est plein de vie, l’humour et le comique y font bon ménage. Les ensembles forcent l’admiration par l’habileté de l’écriture : chaque caractère y est individualisé et c’est un constant bonheur, qui ira croissant jusqu’au quatuor « Ô ciel ! », où Madame Dorval lit la lettre de l’oncle, qui cause la confusion, avant que le neveu, avec brio, tourne la situation à l’avantage de chacun, sinon du voisin aigri. La réduction pour une dizaine de musiciens ne nous prive que des parties des seconds cor, hautbois et basson et d’un trombone (noté avec les basses dans la partition originale). Si la palette des couleurs et des dynamiques s’en trouve un peu amoindrie, l’essentiel est sauf, et seuls les curieux sont en mesure de regretter de n’avoir pas la totalité des parties. Un enregistrement, ô combien souhaitable, ne pourrait en faire l’économie et devrait équilibrer les cordes en conséquence. La dimension symphonique, en particulier à partir du trio, s’en trouverait renforcée et soutenir la comparaison avec l’écriture de Haydn ou Mozart, bien que différente. Le beau théâtre à l’italienne de Clermont-Ferrand, bonbonnière d’un peu moins de 600 places, est le cadre rêvé pour ce type d’ouvrage.

La mise en scène, que signe Marie Salomé Iffrig, sert la comédie avec bonheur. Le livret, qui n’a pas pris une ride, y est respecté (à l’exclusion de quelques formules devenues choquantes). Les costumes sont de belle facture, en un accord idéal avec chacun des acteurs. Si le décor, unique et minimaliste, ne retient pas particulièrement l’attention, il faut souligner l’usage bienvenu d’une fosse surélevée, offrant au public, outre la clarté du son, l’image de chaque musicien en action.  Dans l’esprit de la comédie de boulevard, la direction d’acteurs ne force jamais le trait, chacun s’en donne à cœur joie, et le public adhère chaleureusement

L’élégance de son chant, la qualité de la diction et du jeu d’Enguerrand de Hys sont connues, et il faut le remercier de s’être engagé dans cette nouvelle aventure. Quel qu’ait été son engagement dans les nombreux rôles qu’il a défendus, jamais on ne l’a vu ni écouté animé d’une telle faconde. Comédien hors-pair qui brûle les planches, son chant, vaillant sans jamais être caricatural, est généreux ; d’une indéniable sûreté de moyens, le comédien-chanteur fait preuve d’une aisance confondante. On comprend mal pourquoi Dalayrac l’a privé d’air. Son compère, Dermont, le « jeune fou qui ne sait faire que des opéras », est Cédric Baillergeau que nous découvrons à cette occasion. Après son duo avec le poète, parfaitement caractérisé, il nous offre un air exigeant, ample, bien conduit, où sa peine d’être loin de Lise est exprimée avec beaucoup de goût. Les moyens sont là et son jeu – délibérément plus réservé que celui de son complice – convainc. C’est peu dire que le rôle de Lise aurait pu être écrit pour Jennifer Courcier tant la fraîcheur, la vivacité, la clarté de l’émission et le jeu correspondent idéalement aux attentes. Aussi convaincante par son chant que par ses talents de comédienne, elle campe une jeune fille boudeuse, sincèrement éprise. Même si c’est pure coïncidence, comment ne pas sourire en entendant « Je crois entendre encore » (avant la romance de Nadir des Pêcheurs de perles) qui commence son air initial ? Autre découverte, Anaïs Yvoz, Madame Dorval, est un beau mezzo, émission sonore au service d’un caractère bien trempé. La voix, le maintien et le jeu n’appellent que des éloges. L’autorité ferme, la distinction de la propriétaire du domaine sont traduits à merveille. Privée elle aussi à proprement parler d’air (bien que les deux derniers ensembles lui fassent la part belle), elle n’en rayonne pas moins, tant comme actrice exemplaire que comme chanteuse. Le voisin, rôle parlé, est bien campé par Frédéric Phelut. Seuls les textes chantés étaient surtitrés. L’intelligibilité de chacun était telle que tout était compréhensible : les réactions du public à telle ou telle réplique l’attestaient.

Passionné de musique ancienne, française tout particulièrement, Martin Wahlberg, connu pour avoir fondé Orkester Nord, s’est fait le promoteur de ce répertoire, et on lui doit le choix de l’ouvrage. La formation, sur instruments d’époque, brille par ses couleurs spécifiques. Ductile, réactif et précis, l’orchestre est porté par un souffle continu, aussi raffiné qu’attentif. La richesse d’écriture – que l’on n’attendait pas d’un ouvrage à prétention modeste – est mise en valeur, pour une conduite vivante et chaleureuse. Un grand bravo à chacune et chacun. Le public, ravi, ne ménage pas ses ovations.

  • 1. Même si on se souvient de sa résurrection (coproduction Reims et Saint-Céré) en 2019, la partition demeure une rareté, et cette nouvelle production, à laquelle on souhaite la plus large diffusion, en appelle d’autres, tant ce répertoire demeure méconnu, injustement sous-estimé. Pontoise offrira cette production à son public, à ne pas laisser passer.
    2. La partition d’orchestre compte cependant 145 p. 
    3.J ean-Blaise Martin, qui créa le personnage de Dermont, donna son nom à cette classification maintenant courante : Un baryton martin a la tessiture la plus élevée, la voix claire. Ici, la voix culmine à la, avec de nombreuses tenues sur sol.
    4. Le poète et le musicien sera aussi le titre du dernier ouvrage de Dalayrac, opéra-comique en trois actes, posthume. Ici, le poète et le musicien, aussi jeunes que fous et désargentés, anticipent étrangement les personnages de Rodolpho et de Schaunard (La Bohême).
    
    

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Nicolas Dalayrac
Maison à vendre
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Création à Paris, Opéra-Comique, salle Favart, le 23 octobre 1800 (premier brumaire an 9)

Détails

Mise en scène
Marie Salomé Iffrig

Lise
Jennifer Courcier

Madame Dorval
Anaïs Yvoz

Versac
Enguerrand de Hys

Dermont
Cédric Baillergeau

Ferville (rôle parlé)
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