Plácido Domingo continue sa tournée de récitals en compagnie de Maria José Siri et s’arrête dans les Arènes de Vérone pour un concert sous les étoiles du Veneto. Si l’agenda du désormais baryton madrilène affiche déjà quelques rendez-vous l’an prochain, cette tournée de concerts apparait à de nombreux lyricomanes comme la dernière occasion de partager avec la star.
Aussi, les arènes affichent complet. La soirée lancée par l’ouverture des Vêpres siciliennes semble tout d’abord se dérouler comme un récital classique, n’était-ce le gros trou du mémoire de Plácido Domingo dans le deuxième couplet de son premier air « O vin dissipe la tristesse ». Jose Maria Siri affiche ses ambitions dès sa première apparition en choisissant un air particulièrement exposé, « pleurez mes yeux » extrait du Cid de Massenet. Elle y fait montre d’un phrasé élégant assis sur une voix saine et à l’aigu assuré. Après l’ouverture de Un giorno di regno, œuvre que l’on n’entend guère que dans les petits théâtres municipaux d’Emilie-Romagne, où chacun reprend ses esprits, Plácido Domingo revient dans le répertoire où on le sait le plus à l’aise. Il suffit de quelques mesures et des premières phrases de Macbeth pour que l’on retrouve le lion à peine amoindri. La fraicheur de la voix, sonore dans l’immensité de l’arène, laisse pantois. Le souffle, le phrasé, les accents… tout dans ce chant dit la compréhension, la fréquentation intime de cette musique, de ce style. Verdi coule dans les veines du ténor espagnol et irrigue sa force scénique, comme si jamais il ne devait cesser de le chanter. Le duo Leonora / Luna du quatrième acte d’Il Trovatore remplace avantageusement celui de la Traviata choisi pour l’intimité de la salle Gaveau et finit de galvaniser le public de Vérone, déjà chauffé à blanc par la soprano et son interprétation de « pace, pace mio dio ! » entamé sur une splendide messa di voce.
© Arena di Verona
Pourtant au retour de l’entracte, le concert va basculer dans une autre ambiance. Est-ce la Marche Hongroise mollassonne proposée par Francesco Ivan Ciampa à la tête d’un orchestre pourtant irréprochable, qui en change le cours ? Assurément non et il suffit de regarder le programme, pour moitié revu par rapport au concert parisien, pour s’en apercevoir. Dédié à l’opérette et à la zarzuela, il aurait dû être synonyme de fête et de légèreté. Pourtant, retenir La Veuve Joyeuse, la plus mélancolique des compositions de Lehar, donne une saveur douce-amère, celle des regrets qu’on se cache et du reste de vie que l’on veut saisir. Plácido Domingo comme Jose Maria Siri esquissent une valse sur « Lippen schweigen »… Les extraits de zarzuela nous font oublier un temps la nostalgie qui nous avait étreint : ils sont à leur affaire endiablée, malgré la direction sans relief et mordant du chef. Ce sont les bis, quatre en tout, qui sonnent comme des adieux à l’arène. Prendre congé sur « non ti scordar di me » en invitant le public à en murmurer l’air ne laisse guère de doute : c’était une dernière belle soirée de joies et de souvenirs. Plácido Domingo quittera la scène sous les acclamations du public.