Forum Opéra

DONIZETTI, Requiem — Saint-Denis

arrow_back_iosarrow_forward_ios
Partager sur :
Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur pinterest
Partager sur whatsapp
Partager sur email
Partager sur print
Spectacle
8 juin 2025
Sacré patchwork

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Messa da requiem en ré mineur à la mémoire de Vincenzo Bellini

Composée par Gaetano Donizetti à partir d’octobre 1835 mais laissée inachevée

Création posthume le 28 avril 1870 à la Basilique Santa Maria Maggiore de Bergame (version pour harmonium).

Détails

Ténor
Bogdan Volkov

Baryton
Vito Priante

Basse
Jean Teitgen

Mezzo-soprano
Alisa Kolosova

Soprano
Claudia Muschio

Chœur de l’Orchestre de Paris

Chef des chœurs
Richard Wilberforce

Orchestre national d’Île-de-France

Direction musicale
Speranza Scappucci

Basilique de Saint-Denis, 5 juin 2025, 20h30

© Edouard Brane

Gaetano Donizetti entreprend l’écriture de son Requiem en ré mineur à partir d’octobre 1835. Il entend rendre ainsi hommage à son collègue et rival Vincenzo Bellini, mort prématurément à Puteaux le 23 septembre, soit 8 mois presque jour pour jour après la création triomphale d’I puritani le 24 janvier au Théâtre italien de Paris. Donizetti vient quant à lui de créer Lucia di Lammermoor à Naples, le 26 septembre : la mort de Rossini, avec le décès de Bellini, font de lui le premier compositeur lyrique de son temps. Toutefois, et pour des raisons non clairement élucidées, le compositeur bergamasque n’achèvera jamais sa partition : il meurt en 1848 et on n’a trouvé aucune trace (du moins à ce jour) du Sanctus, du Benedictus et de l’Agnus Dei (par ailleurs, Donizetti composera trois autres Requiem qui restent à découvrir du grand public). L’ouvrage est publié en 1870 dans un arrangement pour orgue. L’édition critique ne paraitra qu’en 1974. Le Requiem est finalement créé le 28 avril 1870 à Bergame, dans la basilique Santa Maria Maggiore. Le Requiem sera repris sporadiquement : en 1875, à l’occasion du transfert des cendres du compositeur, pour le centenaire de sa naissance, puis de sa mort, ou encore en 2020 en hommage aux victimes du coronavirus (on se rappellera que Bergame fut l’une des premières villes touchées, et de façon particulièrement dramatique). L’ouvrage inachevé dure environ 1h15 (par comparaison, celui de Verdi, complet, comprend environ 1h30 de musique). Les enregistrements commerciaux officiels sont rares : le premier (à notre connaissance) réunit en 1980 rien moins que Luciano Pavarotti, Renato Bruson, Viorica Cortez et Paolo Washington pour Decca avec les forces de Vérone. Neuf ans plus tard, Orfeo publie une version plus respectueuse de la partition en incluant le soprano omis dans l’enregistrement précédent (il faut dire que le rôle est extrêmement court) et affiche ldo Baldin, Jan-Hendrik Rootering, John Paul Bogart, Helga Müller-Molinari et Cheryl Studer sous la direction de Miguel Angel Gómez-Martínez à la tête des chœurs et orchestre de Bamberg. Ajoutons, pour l’anecdote, un enregistrement de 1982 introuvable, apparu un temps sur Amazon, affichant rien moins que Plácido Domingo, Katia Ricciarelli, Agnes Baltsa, Samuel Ramey et Robert Lloyd sous la direction de  Leonard Bernstein chez DG : il s’agissait en réalité d’un canular particulièrement convaincant.

© Edouard Brane

Le Requiem de Donizetti souffre de la comparaison avec les grandes œuvres sacrées de son époque. La musique n’est en rien mémorable, ce qui est étonnant de la part de ce mélodiste incomparable. Elle manque d’unité. Les chœurs sont omniprésents en première partie avant de laisser quelques mesure au baryton au bout de 25 minutes puis à un beau duo ténor-baryton de 5 minutes, « Judex ergo cum sedebit », qui dérape rapidement (à partir de « Quid sum miser »), adoptant une forme enjouée qui rappellerait presque le premier duo du Don Carlos de Verdi (avec un peu de mauvaise foi, nous l’avouons). Les chœurs reprennent à nouveau le pas, à quelques modestes interventions de solistes près. À partir de la 40e minute, le ténor peut enfin s’épanouir pendant plus de 5 minute dans un bel « Ingemisco », plus joli que vraiment inspiré toutefois. L’ensemble qui suit (« Preces meae non sum dignae ») retrouve un peu de dignité. Sans rivaliser avec le « Dies Irae » verdien, le « Confutatis maledictis » est une page impressionnante et complexe ménageant les moments de tension (pour les chœurs) et des passages plus recueillis (pour les solistes). « Oro supplex et acclinis », confié au baryton, est plus opératique que religieux. Le « Lacrimosa » est plus recueilli qu’émouvant, mais l’interprétation du chœur y est probablement pour beaucoup (nous y reviendrons). Il se termine avec une sorte de fugue qui affiche de troublantes ressemblance avec le Requiem de Verdi composé en 1874. L’Offertorium est confié au baryton, rejoint pas les chœurs : là encore, il est difficile d’identifier des sentiments précis exprimés par la musique. Sanctus, Benedictus et Agnus Dei étant ici omis, on passe au « Requiem » qui enchaîne sur « Lux aeterna » (dont les mesures initiales rappellent La Favorite : «  Va-t-en d’ici ! ») puis le « Libera me » où la basse a enfin l’occasion de se faire remarquer sur « Tremens factus sum ego et timeo ». Avec le « Kyrie eleison », ensemble et chœurs terminent l’ouvrage sur un larghetto d’une grande simplicité. La partie soprano est ici quasi inexistante et dépourvue de solo (si l’on excepte quelques mesures pour introduire… un chœur). Les parties mezzo et basse sont un peu plus développées. Seuls le ténor et le baryton disposent (ensemble ou séparément) de passages exposés : un air pour le premier, deux pour le second et un duo. Beaucoup de pages manquent de gravité ou de profondeur. Un Requiem trop dramatique n’était peut-être pas dans le style de l’époque ou peut-être Donizetti a-t-il considéré qu’un tel parti aurait été inadapté à la délicatesse légendaire de son dédicataire ?  Il n’en reste pas moins que l’ensemble manque clairement d’unité.

© Edouard Brane

L’interprétation musicale nous aura laissé un peu sur notre faim. L’acoustique de la basilique n’est pas des meilleures on le sait, mais on a un peu l’impression que les solistes avaient choisi de ne pas lutter avec elle, privilégiant du beau son pour les micros en prévision de la retransmission radio, plutôt qu’un chant véritablement projeté à destination des spectateurs. Bogdan Volkov offre un chant d’une grande musicalité. C’est aussi le plus audible. Le ténor ukrainien nuance avec une belle sensibilité, jouant habilement des registres mixtes et de poitrine. Il reste néanmoins davantage un ténor mozartien que belcantiste, avec une voix peu large, un peu nasale et avare de couleurs. Sans surprise, Vito Priante offre davantage d’italianité avec un chant noble et racé mais moyennement sonore. Il faut attendre la toute fin de l’ouvrage pour goûter le grave profond de Jean Teitgen. Alisa Kolosova offre un timbre profond et moelleux mais n’a guère ici l’occasion de briller. Claudia Muschio n’a pratiquement rien à chanter, et c’est déjà beaucoup car elle ne fait guère d’efforts pour se faire entendre du public. Voix blanches, aigus fixes, voix mixte, le Chœur de l’Orchestre de Paris semble s’être trompé de répertoire. Nommé fin 2023, le chef des chœurs, Richard Wilberforce, est un ancien contre-ténor et spécialiste du baroque : on peut donc imaginer qu’il s’agit là d’un choix artistique. Le texte est débité sans beaucoup d’émotion, comme si la formation ne comprenait pas vraiment ce qu’elle chante. Sperenza Scappucci communique sa flamme à un Orchestre national d’Île-de-France de belle facture mais rencontre moins d’adhésion côté vocal. La réverbération excessive de la basilique l’oblige également à doser les dynamiques. Le public, très silencieux, écoute avec attention cette œuvre rare et nous n’entendrons aucune sonnerie de portable (1). La soirée valait donc essentiellement pour la découverte d’une pièce intéressante mais mineure dans la production pléthorique de l’infatigable compositeur bergamasque.

  1. 1. Pour les concerts à la basilique, les solistes attendent traditionnellement dans un petit local attenant avant de faire leur entrée pour le concert. En 1982, pendant l'exécution d'un Requiem (de Verdi), à plusieurs reprises durant le concert, le public eut droit à la sonnerie d'un téléphone (fixe) émanant de ce local, sans que personne ne songe d'ailleurs à débrancher l'appareil. S'agissait-il d'un voisin excédé par le bruit ? On ne sait. À pratiquement chacune de nos visites ultérieures, le même téléphone retentissait, plus souvent deux fois qu'une. Mais nous n'étions plus revenus à Saint-Denis depuis quinze ans : le phénomène allait-il se reproduire ? Nous pouvons rassurer nos lecteurs : le voisin doit être bien âgé aujourd'hui mais il a gardé l'oreille fine !

Commentaires

VOUS AIMEZ NOUS LIRE… SOUTENEZ-NOUS

Vous pouvez nous aider à garder un contenu de qualité et à nous développer. Partagez notre site et n’hésitez pas à faire un don.
Quel que soit le montant que vous donnez, nous vous remercions énormément et nous considérons cela comme un réel encouragement à poursuivre notre démarche.

Note ForumOpera.com

3

❤️❤️❤️❤️❤️ : Exceptionnel
❤️❤️❤️❤️🤍 : Supérieur aux attentes
❤️❤️❤️🤍🤍 : Conforme aux attentes
❤️❤️🤍🤍🤍 : Inférieur aux attentes
❤️🤍🤍🤍🤍 : À oublier

Note des lecteurs

()

Votre note

/5 ( avis)

Aucun vote actuellement

Infos sur l’œuvre

Messa da requiem en ré mineur à la mémoire de Vincenzo Bellini

Composée par Gaetano Donizetti à partir d’octobre 1835 mais laissée inachevée

Création posthume le 28 avril 1870 à la Basilique Santa Maria Maggiore de Bergame (version pour harmonium).

Détails

Ténor
Bogdan Volkov

Baryton
Vito Priante

Basse
Jean Teitgen

Mezzo-soprano
Alisa Kolosova

Soprano
Claudia Muschio

Chœur de l’Orchestre de Paris

Chef des chœurs
Richard Wilberforce

Orchestre national d’Île-de-France

Direction musicale
Speranza Scappucci

Basilique de Saint-Denis, 5 juin 2025, 20h30

Vous pourriez être intéressé par :

Jouer à Carmen, sur scène et en fosse
Eve-Maud HUBEAUX, Michael FABIANO, Anne-Catherine GILLET
Spectacle