Passionnés d’opéra, John et Bernadette Grimmett le sont indéniablement, qui se sont lancés en 2003 dans une entreprise aussi folle que sympathique : partager entre l’espace culturel de la ville de Baugé-en-Anjou et un théâtre éphémère édifié façon Garsington dans leur propriété, le domaine des Capucins, des représentations d’opéra dont les entractes sont prétextes à des pique-niques champêtres. Les plus grandes œuvres lyriques y sont données, avec souvent de jeunes chanteurs dont ce sera le tremplin, et des vétérans plus aguerris. La qualité musicale y est sans concession, et le public – on y entend beaucoup parler anglais – répond présent à cette proposition musicale si originale, y prend plaisir, et s’étoffe avec le temps. Malheureusement, comme ailleurs, le covid a frappé, les deux dernières saisons ont dû être annulées, et cette année encore les remplacements multiples dus à des maladies, joints à l’augmentation des frais généraux (avions, etc.) sur quatre productions (La Veuve joyeuse, La Servante maîtresse et Bastien et Bastienne, La Traviata et Faust) constituent autant de risques crânement affrontés et maîtrisés par les organisateurs, avec l’aide de la municipalité, très concernée. Cette année constituait donc une remise en route après deux années d’arrêt, et comme la baisse de fréquentation, admise comme partout à quelque 20 %, risquait de menacer la pérennité de l’organisation qui doit s’auto-financer à 50 %, il a été décidé de jouer à l’espace culturel et d’abandonner provisoirement le théâtre éphémère.
© Opéra de Baugé / Alexander Kabanov
C’est néanmoins devant une salle quasi-pleine qu’est donnée ce soir la troisième représentation du Faust de Gounod, chanté en français et surtitré en anglais. La scène est exiguë mais grâce à un plan étagé, permet d’évoquer divers lieux, la maison de Marguerite, l’église… et d’accueillir une vingtaine de choristes. La mise en scène de Bernadette Grimmett et Guido Martin-Brandis y est donc sérieusement contrainte par l’espace, mais de ce fait impose une lecture épurée et fort claire de l’œuvre, qui doit parfaitement convenir à un public peu averti. On regrette néanmoins des réductions (dont le chœur des soldats « Gloire immortelle de nos aïeux » sérieusement amputé) et coupes (l’acte IV). L’orchestre de 35 musiciens sonne fort bien dans ce lieu qui n’est guère prédisposé à l’opéra, sous la baguette du jeune chef Thomas Blunt, qui après un début un peu lent, donne à l’œuvre tout son éclat et ses couleurs sonores.