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JANACEK, Katia Kabanova – Lyon

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Spectacle
6 mai 2023
Katia l’immortelle

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra de Leoš Janáček

Livret de Vincenc Červinka et Leoš Janáček d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski
Création en 1921 au Théâtre de Brno

Détails

Mise en scène

Barbara Wysocka

Scénographie

Barbara Hanicka

Costumes

Julia Kornacka

Lumières

Benedict Zehm

 

Katia Kabanova

Corinne Winters

Boris Grigorievitch

Adam Smith

Marfa Kabanova (Kabanicha)

Natascha Petrinsky

Tikhon Ivanitch Cabanon

Olivier Johnston

Saviol Prokofievitch Dikoï

Willard White

Vania Koudriach

Benjamin Hulett

Varvara

Ena Pongrac

Kouliguine

Pawel Trojak

Fekloucha

Giulia Scopelliti

Glacha

Karine Motyka

Chœur de l’Opéra de Lyon
Direction des chœurs
Benedict Kearns
Orchestre de l’Opéra de Lyon
Direction musicale
Elena Schwarz

 

Opéra de Lyon

Mardi 2 mai 2023, 20h

 

 

 

 

C’est l’histoire d’une femme dont les désirs s’accordent mal avec les règles rigides et séculaires de la société dans laquelle elle vit. C’est l’histoire de Katia, une Bovary russe née sous la plume du dramaturge russe Alexandre Ostrovski en 1859. Un peu plus de soixante-dix ans plus tard, Leos Janáček fait sa connaissance dans la traduction de la pièce en langue tchèque. Il décide d’en faire un opéra et abandonne le titre métaphorique de la pièce originale, L’Orage, pour donner à son œuvre le nom de l’héroïne : Katia Kabanova. Encore un siècle plus tard, l’œuvre de Janáček est présentée au public lyonnais dans une mise en scène de la polonaise Barbara Wysocka. Comme il est beau de voir un personnage hanter de sa présence des temps, des langues et des lieux différents ! C’est d’ailleurs ainsi que s’ouvre la représentation lyonnaise : contemplant son propre cadavre, pleurée par les autres personnages, Katia est toujours vivante.

Dans sa note d’intention, la metteuse en scène et actrice Barbara Wysocka présente le suicide de Katia, femme cernée par l’incompréhension d’une société qui condamne l’amour qu’elle porte pour un autre que son mari, comme « un acte de protestation ». Depuis 1859 et la pièce d’Ostrovski, et même depuis 1921 et l’opéra de Janáček, la place des femmes dans la société a changé. La metteuse en scène choisit ainsi de montrer le suicide de Katia non comme une punition morale ou un acte sacrificiel, mais comme une protestation, une négation de l’oppression à laquelle elle doit faire face. C’est ainsi qu’à la fin de l’opéra, quand Katia se jette dans la Volga et que son corps est repêché, on retrouve l’image initiale d’une Katia dédoublée : le cadavre d’un côté et de l’autre une Katia triomphante, défiant cette fois le public d’un regard déterminé.

© Jean-Louis Fernandez

La scénographie de Barbara Hanicka situe l’action dans un décor unique : une unité d’habitation en béton gris, morne, dans laquelle les personnages évoluent, aux différents étages, dans des pièces désertes aux murs à demi ruinés et suintant d’humidité. La direction d’acteur affutée de Barbara Wysocka instaure des rapports forts entre les personnages qui circulent d’un étage et d’une pièce à l’autre, traçant le dessin d’une architecture sociale rigide mais puissamment habitée par les passions : le désir illimité de Katia, la haine sans fin de sa belle-mère Kabanicha, la peur indicible de son mari Tikhon, la joie débordante de sa belle-sœur Varvara…

Au cours de la représentation, les pièces de l’immeuble sont progressivement envahies par des touffes de feuilles : la nature reprend ses droits à l’intérieur de l’édifice que les hommes croyaient solide et imperméable aux surgissements du refoulé. C’est sans doute une allégorie du désir de Katia, qui à travers ce qu’elle qualifie de « péché » – son amour pour Boris – remet en question l’ordre social autour d’elle. Il y a quelque chose d’incontrôlable dans l’irruption invasive de ses plantes comme il y a quelque chose d’incontrôlable dans le désir de Katia : « je suis rongée par un désir étrange et je ne peux y échapper » dit-elle à Varvara après avoir exprimé son souhait de pouvoir voler comme un oiseau. En reliant ainsi subtilement divers enjeux présents dans l’œuvre, reconsidérés par des questionnements contemporains (le féminisme, l’écologie) et portés par la musique débordante de sensualité de Janáček, Barbara Wyzocka parvient à donner au destin de Katia une actualité saisissante.

© Jean-Louis Fernandez

La réussite de cette production tient aussi beaucoup à la présence magnétique de Corinne Winters, une habituée du rôle qu’elle a déjà chanté cet été à Salzburg et cet automne à Genève. La voix est puissante et souple et il se dégage une énergie héroïque de son corps frêle. Elle confère ainsi au personnage de Katia aussi bien la force de la révolte que la fragilité du doute et le frémissement du désir. Natascha Petrinsky prête son timbre acide au rôle de Kabanicha, belle-mère de Katia, tout entière tournée vers la méchanceté et l’humiliation. La voix n’est pas très belle, le vibrato large, mais cela sert parfaitement le portrait du personnage en cougar monstrueuse et sadique. Dans le rôle de l’amant pourtant peu flamboyant de Katia, Boris Grigorievitch, Adam Smith impressionne. Très séduisant sur le plan scénique, il sait parer sa voix de nuances cuivrées qui donne au personnage une force d’attraction rayonnante. On perçoit par endroit la puissance de feu de cette voix, proche du spinto, qu’on aimerait volontiers entendre dans d’autres répertoires. Absolument convaincant, Olivier Johnston se fond avec talent dans le rôle peu flatteur de Tikhon, le mari de Katia, qu’il rend infiniment touchant. Le vieux marchand Dikoï est quant à lui interprété par un patriarche du monde lyrique, Sir Willard White, qui compense une voix usée par un charisme toujours marquant.

Face à ces personnages au tempérament instable, sombre et orageux, le couple formé par Koudriach et Varvara fait figure de contrepoint. Benjamin Hulett possède une voix lyrique, au timbre lumineux, soigneusement phrasée qui correspond idéalement au personnage charmant et éclairé du jeune Koudriach. Dans le rôle de la fille adoptive de la famille Kabanov, éperdument amoureuse de Koudriach, Ena Pongrac séduit par une présence scénique radieuse et agile, mais la voix demeure souvent trop terne pour faire briller la lumière que représente Varvara dans l’économie générale de l’œuvre. Tous les seconds rôles complètent avec bonheur une distribution homogène et efficace : Karine Motyka en Glacha et Alexandra Guérinot en femme du peuple, toutes deux membres du chœur de l’Opéra de Lyon, ainsi que Pawel Trojaken Kouligine,  Giulia Scopelliti en Fekloucha et Robert Lewis en passant, membres quant à eux du Lyon Opéra Studio.

Complétant une équipe de direction artistique entièrement féminine, Elena Schwarz, déjà invitée à Lyon l’an passé pour diriger la musique de scène du Peer Gynt de Grieg, exalte l’écriture orchestrale foisonnante de Janáček. Très tendue et puissante, sa direction orchestrale sert à merveille la partition, dont les parties orchestrales sont peut-être encore plus merveilleuses que les parties chantées. Le prélude, une des plus belles pages du compositeur, est particulièrement réussi et les réitérations des différents thèmes associés à Katia sont admirablement glorifiées. En très grande forme, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon manque parfois un peu de couleurs, mais il est fort probable que cela tienne à l’acoustique de la salle. Quant au Chœur de l’Opéra de Lyon, bien que peu sollicité dans cette œuvre, il démontre une fois encore son excellence et témoigne de la qualité de la direction artistique de cette institution. Il y a d’ailleurs fort à parier que les grandes œuvres du XXe siècle programmées la saison prochaine à l’Opéra de Lyon, Die Frau ohne Schatten et La fanciullia del West, soient servies avec un même bonheur scénique et musical.

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Livret de Vincenc Červinka et Leoš Janáček d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski
Création en 1921 au Théâtre de Brno

Détails

Mise en scène

Barbara Wysocka

Scénographie

Barbara Hanicka

Costumes

Julia Kornacka

Lumières

Benedict Zehm

 

Katia Kabanova

Corinne Winters

Boris Grigorievitch

Adam Smith

Marfa Kabanova (Kabanicha)

Natascha Petrinsky

Tikhon Ivanitch Cabanon

Olivier Johnston

Saviol Prokofievitch Dikoï

Willard White

Vania Koudriach

Benjamin Hulett

Varvara

Ena Pongrac

Kouliguine

Pawel Trojak

Fekloucha

Giulia Scopelliti

Glacha

Karine Motyka

Chœur de l’Opéra de Lyon
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Mardi 2 mai 2023, 20h

 

 

 

 

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