C’est en novembre 2008 que Stefano Mazzonis, patron de l’Opéra Royal de Wallonie, avait signé une première production du Barbier de Séville. On peut le revoir à Liège jusqu’au 24 octobre. Une production résolument basée à Séville, certes traditionnelle, mais surtout survitaminée, à la limite même du kitsch.
Le rôle-titre est confié à Lionel Lhote dont on avait pu saluer la prestation dans Ernani le mois dernier, toujours à Liège. Timbre chaud, élégance vocale, le baryton associe à tout cela aussi des qualités de comédien indéniables. Lhote adore la scène, et cela se voit, s’entend, à vous faire croire que le rôle de Figaro n’a plus aucun secret pour le baryton belge, en témoigne son interprétation du célèbre « Largo al factotum ».
C’est, ensuite, un joli plateau, réuni autour de la Rosina, interprétée par la soprano Jodie Devos, lauréate en 2014 du Concours Reine Elisabeth. De quoi créer l’événement dans la Cité ardente puisque la presse locale s’est attachée essentiellement à la prestation de la Belge, attendue au tournant tant par le public que par les critiques. Même si le rôle est souvent confié à des mezzos, il convient parfaitement au tempérament solaire de la jeune femme, mêlant humour et caractère, douceur et ironie. Techniquement, Jodie Devos semble même presque s’amuser des difficultés des airs si virtuoses du Barbier, tant son jeu est vivifiant avec une voix très claire, très perçante aussi. Il faut dire que la jeune chanteuse incarne son premier grand rôle de soliste, et de surcroît, elle admet volontiers qu’elle chante peu de Rossini. Aussi, reste-t-on donc captivé par le charme juvénile de l’interprète, sa fraîcheur scénique, mais aussi par son charmant « Una voce poco fa », un tour de force sur lequel la soprano n’a pas trébuché, en variant savamment les cadences.
Laurent Kubla (Don Basilio), Jodie Devos (Rosina) et Lionel Lhote (Figaro) © ORW/Lorraine Wauters
Pour conquérir la jeune Rosina, le ténor argentin Gustavo De Gennaro interprète le comte Almaviva. Un peu trop figé sur scène au départ, sa prestation prend peu à peu corps avec un timbre charmeur même, sauf au moment d’aborder le fameux Rondo final de l’opéra où il a parfois tendance à vaciller. Il faut dire qu’Almaviva a fort à faire face au fantasque Dottore Bartolo, interprété par le flamboyant baryton italien Enrico Marabelli qui en fait des tonnes avec panache. Dans le rôle de Don Basilio, la basse Laurent Kubla, par contre, n’arrive pas à développer pleinement ses talents sur scène, notamment quand il s’agit d’interpréter l’air célèbre de la Calunnia. Un crescendo qui n’atteint pas la vérité dramatique qu’on est en droit d’espérer pour un tel morceau.
Quant à la direction musicale, si les intérêts du maestro se portent surtout pour le répertoire baroque et le classique, Guy Van Waas arrive tout de même à nous emporter dans la fièvre rossinienne. Reste les chœurs liégeois, si décriés d’autres fois, dans ce Barbier, le travail de Pierre Iodice semble heureusement faire effet, et c’est tant mieux…