Créée l’an passé dans l’excitation générale autour de Diana Damrau et de Kirill Petrenko, qui s’aventurait pour la première fois dans le répertoire belcantiste, la production de Lucia di Lammermoor de la polonaise Barbara Wysocka est reprise sur la scène munichoise comme lors du festival estival autour d’Oksana Lyniv, assistante du directeur musical, et avec une jeune soprano arménienne Nina Minasyan, formée à l’Opernstudio de la Bayerische staatsoper.
Un parcours rapide de sa biographie ne manque pas de soulever quelque sourcil dubitatif : Reine de la nuit, Gilda, Adina, Norina… Certes la blondeur caractérise aussi sa devancière, dont Paris a pu constater la crédibilité vendredi dernier (voir le récit de Christophe Rizoud) mais ici la patine s’avère si claire que de blonde on pense rapidement à Blondchen. Les vocalises de « Quando rapito in estasi » ne dépareraient en effet pas dans Mozart et cette Lucia partage certains des traits stratosphériques de Lakmé. Si la voix est légère, elle possède tout de même quelques épices dans le timbre ainsi que de belles couleurs encore assez peu exploitées. Le suraigu est facile et puissant… Mais est-ce satisfaisant quand la strette de la scène de la folie évoque Zerbinette ? Pavol Breslik réitère sa prestation de l’été passé. Il ne dispose guère plus de ressources qu’à l’époque : le volume reste en deçà des exigences du rôle et, si le chant est bien conduit, il lui manque encore modulations et couleurs. La voix s’affaiblit au fil de la représentation jusqu’à mettre en péril l’ultime scène, que seule l’intelligence scénique parviendra à sauver. Luca Salsi a presque le problème inverse. Forte semble être la seule indication sur la partition du baryton dont la diction et le respect du rythme ne sont pas les points forts. C’est finalement Philippe Talbot en Arturo qui emporte l’adhésion immédiate grâce à un phrasé irréprochable, cependant que Dean Power est quasi inaudible en Normanno.
© W. Hösl
A l’image du duo principal la direction d’Oksana Linyv opère des choix mozartiens, avec davantage de subtilité semble-t-il que la lecture qu’elle donnait à entendre en juillet 2015. Les contrepoints orchestraux sont soulignés à de fréquentes reprises. Cela n’empêche en rien de forts contrastes que Kirill Petrenko ne renierait pas : de fluet et aérien l’orchestre devient soudainement massif et percutant. La chef prend soin de l’intégrité du plateau toutefois et trouve le loisir de mettre en avant certains solistes : une harpe séraphique lors l’entrée de Lucia ainsi qu’un déchirant sanglot de violoncelle avant la mort d’Edgardo.
A tant de délicatesse instrumentale et vocale, Barbara Wysocka répond par une scénographie lourde transposée dans des Etats-Unis hollywoodiens. C’est Dallas chez les Ravenswood ! Seule audace, Lucia est traitée moins en tant que faible femme qui sombre dans la folie pour échapper à sa situation qu’en révoltée qui fait le choix de sa propre mort plutôt que de se soumettre.