Après le Requiem de Mozart la veille, retour au Kulturpalast et aux vertus pacificatrices de la musique avec le lancement du Dresdner Musikfestspiele, devenu depuis sa création en 1978 un des plus grands festivals de musique classique en Allemagne. Le thème de cette 48e édition, « Liebe » (l’amour), jusqu’au 14 juin 2025, vise à promouvoir un message – non superflu en nos temps belliqueux – de compréhension et de paix.
L’aspiration humaine à l’innocence retrouvée, telle que l’exprime la quatrième symphonie de Mahler, répond à ce vœu pieux. Chaque mouvement de cette partition, pensée comme un chemin vers l’apaisement, prépare le terrain pour le chant final qui décrit le paradis vu par un enfant. Le compositeur autrichien voulait une œuvre plus légère et plus accessible après les vastes dimensions et les effectifs massifs de ses symphonies précédentes. Cette légèreté, Fabio Luisi l’assume jusqu’à estomper l’ironie consubstantielle à la partition. De sa direction ressort d’abord l’élégance virevoltante d’un motif à l’autre à la manière d’une valse – viennoise forcément –, au gré d’un caprice dépourvu d’anxiété, mais non d’inquiétude. Pouvait-on rêver meilleurs musiciens que le NHK Symphony Orchestra pour traduire cette inquiète sérénité. L’éventail des nuances et l’équilibre des dynamiques préservent la transparence, sans écraser la ligne mélodique. Les changements soudains de mode majeur à mineur se font en douceur. La finesse d’articulation à laquelle parviennent les différents pupitres est remarquable de précision : les contre-chants des bois préfèrent une moquerie douce-amère au sarcasme ; les cuivres rayonnent avec parcimonie ; les cordes donnent du relief aux contrastes expressifs tout en préservant l’unité formelle de l’ensemble.
© Oliver Killig
Une telle lecture a pour avantage de ne jamais sombrer dans le caricatural – un des pièges tendus par cette écriture ambivalente, entre grincements et ravissement. Non qu’il y ait pour autant absence de tension – au contraire – ou d’équivoque, mais l’ambiguïté reste bienveillante, gracieuse a-t-on envie d’écrire car c’est dans un état de grâce que l’on accède à l’ultime mouvement – la vision enfantine du paradis. Ying Fang le chante d’une voix claire, toujours musicale. La ligne vocale est soutenue droite, sans vibrato excessif. Seul revers à ce parti pris d’un soprano léger, la projection dans le médium manque de corps. A rebours d’une idée reçue qui voudrait les chanteurs asiatiques moins expressifs, le texte, dans un allemand jugé « très correct » par un locuteur natif, est habillé d’intentions. Le dernier mot s’éteint dans un silence long et profond, de ceux qui signalent, dit-on, le passage d’un ange.