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Marie Lys & Abchordis Ensemble — Anvers

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Spectacle
7 avril 2022
Marie Lys dans les pas de la Strada

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Marie Lys, soprano

Abchordis Ensemble

Andrea Buccarella, direction musicale

Antonio Vivaldi

Sinfonia (La Verità in Cimento)

« Con più diletto il mio Cupido » (La Verità in cimento)

Domenico Sarro

« Se veglia se dorme l’amante » (Tito Sempronico Gracco)

Georg Friedrich Händel

Sonate en trio op.5 n°4, HWV 399

« Di, cor mio, quanto t’amai » (Alcina)

Baldassare Galuppi

« Infelice in van mi lagno » (Adriano in Siria)

Domenico Sarro

Introduzione (Arsace)

Giovanni Alberto Ristori

« Oh Dio, mancar mi sento » (Adriano in Siria)

Georg Friedrich Händel

« Scherza in mar » (Lotario)

Anvers, église Saint Augustin, dimanche 3 avril, 15 h

Elle avait déjà abordé Alcina, Adelaide (Lotario) et sa Ginevra fut pour nous la révélation de l’Ariodante du dernier Festival de Göttingen : il va donc sans dire que nous étions impatient de découvrir l’hommage de Marie Lys à la créatrice de ces rôles, la Bergamasque Anna Maria Strada del Pò. Le Flanders Antwerpen Festival (AMUZ) a eu la main heureuse en proposant ce récital thématique sans doute un rien frugal, mais passionnant. 
Entourée – enveloppée devrions-nous écrire, sinon littéralement portée – par ses partenaires de l’Abchordis Ensemble, une formation qu’elle a co-fondée en 2011, la soprano suisse brosse un portrait inattendu et fort instructif de la diva baroque. Quand d’autres se focalisent volontiers sur sa très dense période anglaise (vingt-quatre rôles entre 1729 et 1737, créations ou reprises, sous la plume de Händel ou d’autres compositeurs dans divers pasticcios), elle choisit d’évoquer également ses premiers succès comme ses dernières apparitions sur les scènes italiennes (1739-1740). Ipso facto, elle nous incite à reconsidérer la légende. A en croire Burney, Haendel aurait découvert ce diamant brut lors d’un voyage de prospection, puis il l’aurait poli à force de patience et de ténacité. Certes, d’autres témoignages et le répertoire même de la Strada à Londres consacrent un talent exceptionnel. Son art offre alors une synthèse de celui des Rival Queens : la grâce et la sensibilité de la Cuzzoni, le dramatisme et l’agilité dans la bravoure de Faustina, qu’elle transcende en stimulant l’imagination du Caro Sassone. Cependant, ses dons n’avaient pas attendu leur rencontre pour éclore, ce que nous invite à découvrir Marie Lys au gré d’un florilège où, une fois n’est pas coutume, l’auteur d’Alcina se trouve réduit à la portion congrue. 

L’interprète de Rossane (La Verità in cimento, 1720), observe Frédéric Delaméa, « apparaît comme une musicienne sensible et engagée, mais dont les moyens vocaux ne sont exploités qu’avec prudence par Vivaldi qui ne lui confie qu’exceptionnellement des airs virtuoses ». De fait, les acrobaties de « Con più diletto » – un air que le compositeur substitua au « Solo quella » de la version originale – sont nettement moins exigeantes que celles du « Scherza in mar » d’Adelaide (Lotario) sur lequel se refermera le concert, qui rappelle  le « Da Tempeste » de Cleopatra et annonce les voltiges alla Vinci que Haendel écrira pour Carestini. Néanmoins, elles requièrent déjà une technique solide et Vivaldi ne les aurait pas destinées à une chanteuse maladroite et mal dégrossie, n’en déplaise à Burney. C’est là un numéro apéritif pour l’auditeur et un exercice d’échauffement pour la soliste du jour qui n’en fait qu’une bouchée.

 


Abchordis Ensemble © Elda Papa

 

En revanche, cinq ans plus tard, « Se veglia se dorme l’amante », l’air d’entrée d’Erminia dans le Tito Sempronico Gracco de Domenico Sarro (1725) – premier rôle de prima donna conçu pour la Strada – révèle l’évolution de ses moyens et une maturité qui fait dire à Quantz qu’elle approche la perfection de Farinelli, également à l’affiche du spectacle. Cette page sophistiquée, tour à tour ardente et langoureuse, est sans doute la découverte la plus originale du programme : ses longues tenues, ponctuées de grands sauts d’intervalles et de coloratures, exigent flexibilité et longueur de souffle, mais aussi une puissance de projection qui semble avoir été la signature d’Anna Maria Strada. Une analyse fouillée des parties expressément écrites pour elle amène des spécialistes telles que Ellen T. Harris à conjecturer que la cantatrice aurait développé son registre de poitrine, contrairement à la plupart de ses rivales dans la même tessiture. Toujours est-il que Marie Lys confère une belle plénitude à cette pièce et que ses nuances dynamiques en servent judicieusement l’expression. En outre, la voix est parfaitement connectée et dotée d’un bas-médium sonore que nous avions déjà admiré chez sa Ginevra. 

S’il y a bien un rôle qui ne pouvait manquer à l’appel, c’est Alcina, mais le choix de l’artiste nous déroute : bien que « Di, cor mio, quanto t’amai » flatte l’étoffe chatoyante du soprano, élégante dans l’ivresse amoureuse, il nous laisse également sur notre faim. Arrachées à leur contexte dramaturgique, les grandes scènes de la magicienne se prêtent sans doute moins au format du récital…  Emprunté à l’Adriano in Siria de Ristori (1739), « Oh Dio, mancar mi sento » s’inscrit dans une veine pathétique délicate, peu propice aux effusions et que Marie Lys a l’intelligence de traiter sobrement. Par contre, elle souligne à merveille le caractère ombrageux et agité d’« Infelice in van mi lagno » (extrait de l’Adriano in Siria mis en musique cette fois par Galuppi en 1740), prêtant à la détermination de l’héroïne des accents véhéments (section B). Elle se lâchera aussi dans la cadence explosive de « Scherza in mar », aux traits véloces à souhait et dont des graves appuyés avivent les contrastes. 

Dirigé depuis le clavecin par Andrea Buccarella (vainqueur du prestigieux concours de Bruges en 2018), Abchordis n’aligne que sept cordes et un fagotto (basson), mais dont nous avons tout le loisir d’apprécier aussi bien les qualités individuelles que la cohésion, avec une mention particulière pour le cantabile et l’articulation raffinée du violoniste Boris Begelman. La sonate en trio op. 5 n° 4 de Händel est un régal pour les sens et une fête pour l’esprit. Le rythme entêtant de la passacaille s’appuie sur des basses magnifiques et les musiciens rivalisent de malice dans le menuet, charmeur en diable. Giovanni Battista Graziadio troque son fagotto contre un flautino et se joint à Marie Lys pour le bis, une aria de Vinci, délicieusement enjouée mais trop brève, les artistes ayant à peine le temps d’esquisser une joute amicale. Marie Lys peut y alléger l’émission et renouer avec des aigus perlés qui ravissent le public d’Anvers comme en mars celui de Lausanne, ébloui par sa Morgana. Un vent favorable nous rapporte qu’un disque devrait paraître à la fin de l’année. 

 

 

 

 

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