Quoi de plus joyeux, de plus libre, de plus inventif que la musique d’église du « divin » Mozart ? Quoi de plus fervent, de plus fort, de plus grave que la première messe composée par l’immense Beethoven ? Pour rendre hommage à Richard Cowan disparu en 2015, Philippe Walsh — il a fermement repris le flambeau malgré les avis de tempête — a choisi deux œuvres aptes à communiquer une intense ferveur où se mêlent joie et gravité. Principal atout : le splendide Chœur du Festival. Au prix d’un travail intense sur les œuvres tout au long de l’année, les choristes bellilois, résidents ou d’adoption, ont réalisé d’immenses progrès, saison après saison, jusqu’à devenir aujourd’hui les vedettes des concerts de musique sacrée qui ont lieu dans les églises de Belle-Île, la bien nommée.
Directement enchaînées à une brève et radieuse sonate d’église, le concert 2016 débute par les Vêpres solennelles du confesseur où le chœur prédomine avec ses basses impressionnantes, ses altos chaleureux et ses sopranos aux voix d’anges pour le plus grand bonheur de l’auditoire. Après le « Dixit Dominus » d’exposition et un « Confitebor » des plus fervents, où se succèdent joyeuses envolées à la gloire du Seigneur et scansions rythmées : alternance des appels à la miséricorde divine ; remarquables « Beatus vir » et « Laudate pueri » avec cordes très animées avant que tout se fige un instant dans un « Amen » arrêté. Puis, sublime et célèbre, « Laudate Dominum » pour soprano solo ; enfin explosion et déploiement d’un « Magnificat » au tissu vocal et instrumental de toute splendeur.
Eclipsée par la Missa Solemnis publiée vingt ans plus tard, la Messe en ut de Beethoven composée en 1807, est une œuvre profondément émouvante. Tout commence par un sombre « Kyrie » où le quatuor vocal et le chœur affirment leur dévotion avec simplicité ; explosion de joie d’un « Gloria » infiniment respectueux ; solennité d’un « Credo » surmontant les souffrances humaines ; entrée fracassante du chœur au « Sanctus » ; recueillement apaisé au « Benedictus » ; « Agnus Dei » lancinant, avec un « miserere nobis » particulièrement poignant. Inexorablement, la tension monte jusqu’à l’ultime supplication du « Dona nobis pacem » conclusif.
Que ce soit dans l’intimité de la petite église de Bangor ou dans l’église néogothique de Palais avec ses mosaïques qui l’apparentent au Sacré-Cœur de Paris et à la basilique de Lisieux, sous la direction exigeante et enthousiaste de Philip Walsh, l’excellent petit Orchestre lyrique de Belle-Isle, Le Chœur et les « Jeunes artistes » du Festival nous ont donné une exécution intense et raffinée de ces deux œuvres. À coté de la soprano française Louise Pingeot à la voix claire et captivante, sinon toujours suave, qui reçoit la part du lion, la mezzo américaine Karin Mushegain qui a peu d’interventions en solo nous a paru manquer de l’ardeur et de la projection nécessaires pour faire valoir son joli timbre et sa musicalité. À Bangor sans démériter et, dans une bien moindre mesure à Palais, le ténor Tyler Nelson comme le baryton-basse Tyler Simpson, victimes d’une fatigue vocale compréhensible en cette période d’intense activité festivalière, n’ont pas vraiment donné toute la mesure de leurs talents respectifs face à un chœur aussi puissant et expressif.
Cerise sur le gâteau, pendant le concert dans l’église de Palais, ceux qui en étaient avertis ont eu la chance d’admirer vers 21h un rare phénomène. Au coucher du soleil, un rayon lumineux — provenant d’un vitrail de la rosace en façade — est apparu au-dessus du grand orgue Cavaillé Col. Et durant de longues minutes, il a fait briller un puissant faisceau d’éblouissants rayons d’or entourant l’imposante statue du Christ-Roi sur son trône, dominant l’autel. Un effet quasi-surnaturel en osmose avec le contexte musical.