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Idylle, récital par Lea Desandre et Thomas Dunford – Évian

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Spectacle
6 juillet 2025
En apesanteur

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Idylle
Honoré d’Ambruys

Le doux silence de nos bois (Henriette de Coligny)
Reynaldo Hahn
Néère / Ext. des Études latines (Leconte de Lisle)
Françoise Hardy

Le temps de l’amour (Dutronc/ Salvet et Morisse)
Erik Satie

Première Gnossienne
Marc-Antoine Charpentier

Celle qui fait tout mon tourment, H.450 (anonyme)
Auprès du feu l’on fait l’amour, H.446 (anonyme)
Tristes déserts, sombre retraite, H.469 (anonyme)
André Messager

J’ai deux amants / Ext. de L’Amour masqué (Guitry)
Erik Satie

Première Gymnopédie
Michel Lambert

Ma bergère est tendre et fidèle (anonyme)
Reynaldo Hahn

À Chloris (Th. de Viau)
Marc-Antoine Charpentier

Sans frayeur dans ce bois, H.467 (anonyme)
Robert de Visée

Sarabande / ext. de la Suite en ré mineur
Françoise Hardy

Le premier bonheur du jour (Renard/Gérard)
Sébastien Le Camus

On n’entend rien dans ce bocage (anonyme)
Claude Debussy

Mes longs cheveux descendent / ext. de Pelléas et Mélisande (Maeterlinck)
Michel Lambert

Ombre de mon amant (anonyme)
Vos mépris chaque jour (anonyme)
Robert de Visée

Chaconne / Ext. de la Suite en ré mineur pr luth
Barbara

Dis, quand reviendras-tu ? (Barbara, p. et m.)
Sébastien Le Camus

Laissez durer la nuit (Henriette de Coligny)
Jacques Offenbach

Amours divins ! / Ext. de La belle Hélène (Meilhac et Halévy)
Bis
Georg Friedrich Händel

Frondi tenere … Ombra mai fù / Ext. de Serse HWV 40

 

Lea Desandre, mezzo-soprano
Thomas Dunford, luth

Rencontres musicales d’Evian
La Grange au lac
4 juillet 2025, 14h30

C’est un récital plein de charme, et subtilement émouvant, conçu pour être promené de salle en salle. Et la Grange au lac, sur les hauteurs d’Évian, cette grande isba de concert toute en bois, que Patrick Bouchain dessina pour Mstislav Rostropovich, avec ses bouleaux et ses lustres à papilles en fond de scène, sera pour beaucoup dans l’atmosphère très curieuse, intime, recueillie, de cette après-midi d’été, dans la qualité d’écoute d’un public nombreux malgré la canicule. Assis aux premiers rangs, William Christie, qui fut l’un des mentors de Lea Desandre, le principal sans doute.
Dans la pénombre, le luth de Thomas Dunford émet d’abord des notes si ténues que le silence très vite se fait, profond, attentif, complice.

© lagrangeaulac

L’essentiel du choix porte sur des airs de cour du XVIIe siècle, répertoire rare que Lea Desandre a eu envie d’entrecroiser avec des mélodies plus proches de nous (Reynaldo Hahn, par exemple, et l’osmose se fait) et quelques chansons (inévitable cross over, et c’est moins convaincant).

Mais c’est surtout l’occasion d’entendre en récital une voix assez extraordinaire qu’on découvrit il y a quelques saisons dans Cherubino, son cheval de bataille, qu’elle a beaucoup chanté et qu’elle se prépare d’ailleurs à délaisser au profit de Suzanna (ce sera intéressant à découvrir). Grande interprète du répertoire baroque, elle est à cheval sur deux cultures, l’italienne de ses origines et la culture française.

© lagrangeaulac

Le programme commence avec une mélodie qui s’impose dans ce décor, Le doux silence de ces bois, d’Honoré d’Ambruys, compositeur dont on ne sait pas grand chose sinon qu’il était du cercle de Michel Lambert. Quelques trilles dont cette pièce n’est pas chiche, un postlude songeur et délicat, amènent subtilement Néère de Reynaldo Hahn. L’ampleur de la voix, l’opulence du timbre, le lyrisme poignant, créent immédiatement l’émotion. À cela s’ajoute une touche très personnelle avec d’étonnantes libertés prises avec le tempo, un expressionnisme loin de la retenue, du classicisme d’une Véronique Gens (avec laquelle Lea Desandre travailla).

Mélancolies grand-siècle

Mais c’est avec Celle qui fait tout mon tourment que l’on va approcher du cœur sensible du programme : après un début a cappella, Charpentier fait tourbillonner de plus en plus cette chanson, l‘accelerando se double d’un crescendo, et la voix qui a pris toute sa chaleur emplit sans peine toute la nef.
Derrière l’entrain de cet air daté de 1695, et derrière les rythmes de danse d‘Auprès du feu l’on fait l’amour, une manière de bergerie, de danse de pastoureaux au second degré, se laisse entendre une couleur mélancolique, tapie derrière la virtuosité, et qui trouvera un premier point culminant dans Tristes déserts, sombres retraites, extrait des Meslanges de musique latine, françoise & italienne, parus en 1728.
L’air, qu’enregistra magnifiquement jadis un Henri Ledroit, est tout proche de l’esprit de la tragédie lyrique (et on se souvient que Lea Desandre chanta l’an dernier la Médée de Charpentier au Palais-Garnier). Ici, c’est la beauté pathétique du timbre qui, se déployant, provoque l’émotion, et bien sûr aussi la grandeur, la noblesse du phrasé. Et puis cette manière de se hausser jusqu’au plus haut de sa tessiture, d’user de ports de voix, d’oser s’alanguir sur les étonnantes modulations de la fin de l’air (qui se termine sur le mot mort).

© lagrangeaulac

Des tragédies lyriques de trois minutes

À Michel Lambert on devra quelques-uns des plus beaux moments de ce récital : Ma bergère est tendre et fidèle offre l’occasion d’enchaîner trilles et vocalises, et de jouer d’effets d’écho, un brio virtuose qui n’empêche pas le pathétique, mais surtout le superbe Ombre de mon amant se hausse à un tragique, à un noble désarroi, à des effusions, à une expression de la douleur dignes de Lully (gendre de Lambert) ou de Rameau.
Et que dire de ce délicat Vos mépris chaque jour, qu’illuminent de discrètes roulades, mais qui, tout en chromatismes et modulations inattendues, et en dépit d’un rythme de barcarolle, est la pièce la plus désespérée qui soit, sur un texte anonyme mais magnifique (« Hélas ! Si dans mes maux je trouve tant de charmes, / Je mourrais, je mourrais de plaisir si j’étais plus heureux… » Lea Desandre y joue de couleurs mélancoliques et charmeuses à la fois.

© lagrangeaulac

Une grande partie de son art tient à cette puissance d’expression du timbre, mais aussi au jeu sur la ligne de chant, la souplesse de la cantilène, sur les ports de voix, tout ce qui donne à l’autre mélodie de Reynaldo Hahn, À Chloris, un charme assez grisant, sur les arpèges sensibles de Thomas Dunford.
Cela va jusqu’à un certain maniérisme, ou disons à un degré poussé de sophistication, ainsi les arabesques de Sans frayeur dans ce bois (Charpentier) ou les coloratures de On n’entend rien dans ce bocage.

Après quoi, elle enchaînera avec la pureté parfaite de la chanson de Mélisande, moment de grâce parfait interrompu d’ailleurs à deux reprises par une sonnerie de portable. Quelques arpèges de Thomas Dunford l’aideront à se reconcentrer et à se plonger dans les airs sublimes de Lambert évoqués plus haut.

Excursions plus ou moins heureuses

Quant aux excursions du côté de la chanson, elles ont pour qualité principale d’être rares et courtes… Françoise Hardy avait la grâce de teinter de poésie morose des textes plutôt modestes (« C’est le temps de l’amour / Et de l’aventure / Quand le temps va et vient / On ne pense à rien / Malgré ses blessures / Car le temps de l’amour / Ça vous met au cœur beaucoup de chaleur / Et de bonheur ») mais dont elle transfigurait par on ne sait quelle discrétion élégante la ténuité (« Le premier chagrin du jour / C’est la porte qui se ferme / La voiture qui s’en va / Le silence qui s’installe »)… Des chansons qui d’ailleurs n’étaient pas écrites ni mises en musique par elle et c’est donc uniquement sa personnalité qui en faisait des œuvres parfaites, et s’inscrivant dans la mémoire.

© lagrangeaulac

Par Lea Desandre (mais ce serait la même chose par tout « artiste lyrique »), leur charme s’estompe. L’ampleur de la voix, le désir d’interpréter, l’habitude de timbrer, une simplicité affectée, tout semble appartenir à un autre monde. Et Thomas Dunford surenchérit en usant de son luth comme d’une guitare de feu de camp, en rajoutant des syncopes là où il n’y en a pas.
Même chose pour Dis quand reviendras-tu (pour le coup écrit et composé par Barbara elle-même, qui mettait sa vie en chansons) : elle chantait tout droit, sans ajouter d’intention, en gardant un tempo rigoureux, en soignant la ligne vocale. Lea Desandre fait le contraire. Et rien ne va.

On en dirait presque autant de « J’ai deux amants », de Messager et Guitry : la tentation est grande de rajouter des effets, des clins d’œil, de la coquinerie. Yvonne Printemps ne faisait rien, sinon chanter avec esprit et sourire (et on entendait ce sourire). Là encore les changements de tempo, les brisures de la ligne ne semblent pas très judicieuses.

© lagrangeaulac

En revanche, quelle maîtrise dans Laissez durer la nuit de Sébastien Le Camus… Ces trilles roucoulés, cette noblesse, ce désespoir, ces notes hautes dorées, l’émotion est à son comble.

Que Lea Desandre aura l’habileté de casser avec un « Amours divins ! » de la Belle Hélène, voluptueux et tendre. Absolument délicieux, – et mélancolique à sa manière…

En bis, Ombra mai fu, de Haendel, achèvera d’envoûter le public

… et le préparera à un merveilleux Trionfo del Tempo e del Disinganno, donné dans cette même salle le soir même sous la direction de William Christie… et dont Forum Opera rendra compte d’ici quelques jours, quand il sera donné à Montpellier…

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Honoré d’Ambruys

Le doux silence de nos bois (Henriette de Coligny)
Reynaldo Hahn
Néère / Ext. des Études latines (Leconte de Lisle)
Françoise Hardy

Le temps de l’amour (Dutronc/ Salvet et Morisse)
Erik Satie

Première Gnossienne
Marc-Antoine Charpentier

Celle qui fait tout mon tourment, H.450 (anonyme)
Auprès du feu l’on fait l’amour, H.446 (anonyme)
Tristes déserts, sombre retraite, H.469 (anonyme)
André Messager

J’ai deux amants / Ext. de L’Amour masqué (Guitry)
Erik Satie

Première Gymnopédie
Michel Lambert

Ma bergère est tendre et fidèle (anonyme)
Reynaldo Hahn

À Chloris (Th. de Viau)
Marc-Antoine Charpentier

Sans frayeur dans ce bois, H.467 (anonyme)
Robert de Visée

Sarabande / ext. de la Suite en ré mineur
Françoise Hardy

Le premier bonheur du jour (Renard/Gérard)
Sébastien Le Camus

On n’entend rien dans ce bocage (anonyme)
Claude Debussy

Mes longs cheveux descendent / ext. de Pelléas et Mélisande (Maeterlinck)
Michel Lambert

Ombre de mon amant (anonyme)
Vos mépris chaque jour (anonyme)
Robert de Visée

Chaconne / Ext. de la Suite en ré mineur pr luth
Barbara

Dis, quand reviendras-tu ? (Barbara, p. et m.)
Sébastien Le Camus

Laissez durer la nuit (Henriette de Coligny)
Jacques Offenbach

Amours divins ! / Ext. de La belle Hélène (Meilhac et Halévy)
Bis
Georg Friedrich Händel

Frondi tenere … Ombra mai fù / Ext. de Serse HWV 40

 

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4 juillet 2025, 14h30

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