Qui veut la peau de Peretyatko ? On pourrait se poser la question au vu de la programmation bizarre de ces deux œuvres courtes dans le cadre du Festival Rossini. En effet, Olga Peretyatko s’est à peine reposée de sa très belle performance dans Sigismondo terminée aux environs de 23h le 18 août, qu’elle enchaîne le lendemain à 11h, non pas une, mais deux œuvres, l’une et l’autre d’une grande difficulté technique. Est-ce bien raisonnable ?
Ce rythme insensé ne lui joue pourtant que peu de tours. Elle arrive sur scène pimpante dans sa robe scintillante de style bohémien aux tons brique. Certes, elle paraît un peu en retrait dans la Morte di Didone (courte cantate dont le livret est d’auteur inconnu). Mais ne serait-ce pas davantage dû à un certain manque d’affinité avec l’ouvrage, son soprano lumineux s’accordant mal avec cette plainte avec chœur, œuvre de jeunesse dédié à la chanteuse Ester Mombelli (datée de 1811 mais qui n’a été créée qu’en 1818).
La jeune soprane russe brille davantage en Cerere dans Le Nozze di Teti e di Peleo, assumant avec grâce les délicates coloratures et démontrant une belle extension dans l’aigu, malgré quelques suraigus légèrement vibrés, séquelle probables de sa fatigue. Le public accueille d’ailleurs triomphalement le rondeau final de son grand air «Aa non possian resistere » (qui n’est autre que le rondeau final de La Cenerentola), obtenant un bis de cette pièce virtuose. On notera pour l’anecdote que ce même extrait avait également été bissé par Mariola Cantarero lors de l’exécution de l’œuvre dans ces mêmes lieux en 2007.
Pourtant tout n’est pas parfait dans ce concert qui semble manquer de préparation : le chœur de Bologne, irréprochable ailleurs, laisse ici entendre des décalages et des attaques manquant de mordant et de netteté. Il faut dire qu’il n’est guère aiguillonné par la direction de routine de Ryuichiro Sonoda à la tête d’un orchestre de Bologne à la pâte lourde (peut-être lui aussi non encore totalement remis de la représentation de la veille).
Pour le reste on retrouve l’équipe de La Cenerentola presque au complet, avec des bonheurs divers. Paulo Bordogna, visiblement indisposé (il se gratte la gorge et s’éclipse pendant une partie du concert), n’est par ailleurs pas à sa place en Jupiter – tout ce qui faisait le sel de son Magnifico est perdu ici, laissant la place à une voix à l’émission étrange et aux couleurs limitées. La présence de Lawrence Brownlee est un luxe, apportant au court rôle de Peleo sa musicalité, sa rondeur de timbre et sa virtuosité assurée. Les deux sœurs de Cenerentola répondent également présent. Si la Junon de Cristina Faus est un peu en retrait faute de sex-appeal vocal (malgré un joli duo avec Cerere), Manon Strauss Evrard nous confirme en Teti les impressions laissées par sa Clorinda : la voix est d’une belle puissance et la chanteuse a du tempérament, mais un manque de nuances et surtout une certaine raideur dans la vocalise nous font penser que la chanteuse trouvera davantage à s’épanouir hors des contrées rossiniennes.
Mais ne faisons pas la fine bouche, nous aurons eu la chance d’avoir une double dose de la charmante Olga Peretyatko en moins de 24 heures, et cela ne se refuse pas !