LA VEUVE ET LE GRILLON
Comédie baroque autour des airs de cour français
Texte de Daniel Soulier
Mise en scène, Mireille Larroche
Scénographie, Alexandre Heyraud
Costumes, Danièle Barraud
Lumières, Gérard Vendrely
Madame de Sévigné, Blandine Folio Peres
Jean de la Fontaine, Bernard Deletré
Danseuse, Natalie Van Parys
L’ensemble les Folies Françoises
Patrick Cohën-Akenine
Paris, La Péniche Opéra, 13 mars 2010
Tout va très bien madame la marquise !
La Péniche Opéra propose actuellement La Veuve et le grillon, spectacle sur un texte de Daniel Soulier mis en scène par la directrice du lieu, Mireille Larroche, qui mêle théâtre, chant, musique, et danse. Le temps d’une soirée, le spectateur se retrouve plongé dans l’intimité d’un cabinet de curiosités où a lieu une rencontre imaginaire entre Madame de Sévigné et Jean de la Fontaine. L’espace exigu de la péniche et la disposition du public de part et d’autre de la scène accentue cette atmosphère calfeutrée dans laquelle le spectateur a l’impression de regarder par le trou d’une serrure, en curieux. La confrontation entre le libertin et la chaste veuve commence par des politesses convenues avant de se transformer en une redoutable joute oratoire où chaque personnage expose sa conception de la vie, de la mort et parle de ses souffrances. Le texte est écrit dans un langage soutenu conformément au Grand Siècle et émaillé de métaphores toutes des plus distinguées. Texte profond certes, mais en aucun cas larmoyant grâce au spirituel La Fontaine qui évoque ses aventures galantes avec légèreté histoire de faire oublier ses écarts de conduite : le mot fidélité n’existerait-il pas au pluriel ? ou encore, « Si tout le monde était bon, personne ne le serait ». Comme dans toute maison aristocratique qui se respecte, la maîtresse des lieux dispose de musiciens à son service chargés de la divertir mais aussi selon Patrick Cohën-Akenine à la tête de l’ensemble Les Folies Françoises, de « colorer et caractériser les sentiments et les pensées des deux personnages ». Les trois musiciens, un claveciniste, une gambiste et un violoniste le font à merveille, toujours très attentifs à ce qui se passe sur le plateau. Notons aussi que les moments musicaux sont habilement intégrés au texte comme lorsque la marquise ordonne de jouer un air de Lully, peu apprécié du fabuliste, pour punir celui-ci d’un discours trop provocateur. Les airs de cour sont choisis à dessein : populaires pour La Fontaine (citons l’amusant « Qui veut chasser une migraine » où l’on met en garde contre les dangers de l’eau qui « pourrit le poumon ») ; nobles pour la marquise, et souvent empruntés à la grande tragédie lyrique à la française de Lully. Musique et danse apportent dynamisme et ruptures entre chaque scène. Quant aux chanteurs, ils endossent leur rôle de comédien avec brio, Madame de Sévigné suscitant une grande émotion au récit de ses malheurs face à un La Fontaine trivial et provocateur. Une petite réserve pourrait être émise à propos de la voix de Blandine Folio Peres manquant parfois de nuances et un peu trop puissante pour les dimensions du lieu.
Quant au décor, modeste, il est pourtant ingénieux : des placards de bois desquels sont sortis tour à tour un jeu d’échecs, des verres puis des ustensiles de cuisine qui permettent incidemment de passer de la cuisine à la salle de jeux et au salon. Une odeur de chocolat et de beurre fondus embaume d’ailleurs la salle à un moment.
On l’aura compris, tout est donc fait pour transporter le public au cœur du 17e siècle. Malgré des moyens restreints, le but est atteint car on ressort de la soirée surpris de se retrouver sur le Canal Saint-Martin et non dans les jardins de Grignan.
Anne Le Nabour