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VERDI, Otello – Parme

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Spectacle
15 octobre 2025
Un quatuor de premier ordre

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Drame lyrique en quatre actes (Teatro alla Scala, 5février 1887)
Musique de Giuseppe Verdi
Livret de Arrigo Boito, d’après William Shakespeare
Edition critique établie par Linda B. Fairtile pour The University of Chicago Press et les éditions Ricordi

Détails

Nouvelle production du Teatro Regio de Parme

Mise en scène
Federico Tieni

Décors
Margherita Palli

Costumes
Giovanna Buzzi

Lumières
Gianni Pollini

 

Otello
Brian Jadge

Iago
Ariunbaatar Ganbaatar

Cassio
Davide Tuscano

Roderigo
Damiano Lombardo

Lodovico
Francesco Leone

Montano
Alessio Verna

Desdemona
Mariangela Sicilia

Emilia
Natalia Gavrilan

Un araldo
Cesare Lana

 

Chœur de voix blanches du Teatro Regio de Parme

Chef du chœur
Massimo Fiocchi Malaspina

Chœur du Teatro Regio de Parme

Chef du chœur
Martino Faggiani

Orchestre Philharmonique Arturo Toscanini

Direction musicale
Roberto Abbado

 

Parme, Teatro Regio, samedi 11 ocobre 2025 à 20h

 

 

 

 

 

On savait depuis le début de l’après-midi que Brian Jagde serait Otello, remplaçant Fabio Sartori comme Yuri Eyazof l’avait fait le 5. Était-ce pour lui permettre d’assimiler la mise en scène que le rideau tardait tant à se lever, proposant, ou pour mieux dire, imposant aux yeux des spectateurs les mots NULLA et MORTE en lettres capitales grises sur fond noir ? Leur répétition sur quatre lignes était-elle une mise en condition ? Enfin une annonce : l’interprète de Roderigo étant momentanément indisponible, le rôle serait chanté depuis la fosse par Damiano Lombardo, un artiste des chœurs. Avec les premières notes sont projetées les images d’une pluie battante sous laquelle les inscriptions se dissolvent, et le rideau se lève sur le plateau où les artistes des chœurs scrutent la mer en furie, c’est-à-dire la salle. Un homme s’est posté à jardin,  à l’écart de la fébrilité de la foule, c’est Iago, et ses échanges avec un Roderigo invisible sont quelque peu étranges. On a vu cependant à cour un homme lutiner hardiment une jeune femme porteuse d’un tutu, on découvrira bientôt qu’il s’agit de Cassio, qui reviendra un verre à la main. Ainsi est ruinée la thèse de Iago qui soutient que Cassio est transi d’amour pour Desdemona.

A ce détail on perçoit l’intention de respecter l’œuvre dans la mise en scène de Federico Tiezzi, et son souci de faire vivre les personnages, qui constituent pour nous les qualités principales de son travail. Sans doute pourrait-on discuter la distance qui éloigne Otello de Desdemona dans le duo où il savoure leur étreinte. Mais certains choix sont manifestement le fruit de décisions communes avec Margherita Palli, qui signe les décors minimalistes : le jardin où se déroule l’hommage à Desdémone est représenté par une image. L’énigmatique galerie de vitrines exposant une collection d’animaux rares en guise de balcon, et les lustres feront exception à cet ascétisme. Décidés ensemble, probablement, les changements de lieu par des jeux de rideaux qui ne font pas toujours dans la dentelle, quand ils tombent brusquement des cintres et que les lumières de Gianni Pollini, un adepte des tubes de néon et des contrastes violents, soulignent ces effets. Mais l’essentiel n’est pas là.

Il est dans l’exécution musicale et vocale, qui, a bien des égards, comble les attentes, grâce à un quatuor vainqueur, les trois protagonistes et le chef. Sans doute aurions-nous aimé, pour le chœur du premier acte « Vittoria ! Sterminio ! » des accents plus mordants, pour exprimer davantage le plaisir sadique de la foule à imaginer les malheurs des vaincus, mais le chœur suivant « Fuoco di gioia » a toute l’alacrité désirable et globalement cette qualité se maintiendra sans la moindre faiblesse. Le chœur des voix blanches du Teatro Regio n’est pas en reste, et  sa participation orne bellement l’hommage à Desdemona, véritable « vox populi, vox Dei » que le metteur en scène a choisi d’enrichir d’acrobates et jongleurs.

Irréprochables, les rôles secondaires : le héraut de Cesare Lana, le Montano d’ Alessio Verna, le Lodovico de Francesco Leone, dont l’apparence nous fait penser à un pope. Natalia Gavrilan exprime clairement la défiance d’une femme déçue par un mari dont elle a percé à jour la duplicité et sa tendresse pour Desdemona, peut-être la fille qu’elle n’a pas eue. Cassio, l’innocent jouisseur, ne comprend pas qu’il est l’arme dont Iago se sert pour abattre Otello ; Davide Tuscano lui prête un physique dont la jeunesse apparente est celle de Desdemona, qu’il connaît depuis l’enfance, et la voix et la tenue scénique idoines aux nécessités du rôle. L’épouse d’Otello est incarnée par Mariangela Sicilia, qui avait fait sensation dans le rôle à Bologne il y a trois ans. L’a-t-elle mûri depuis ? Non seulement elle porte avec élégance les souples tenues dont Giovanna Buzzi habille l’héroïne, mais son interprétation semble avoir atteint une sorte de perfection, tant vocale que scénique, de son entrée enjouée à son désespoir final, avec toutes les nuances de l’incompréhension, de l’inquiétude et de la souffrance, qui passent dans un chant auquel extension vocale et maîtrise technique confèrent l’illusion de la facilité et autorisent tous les raffinements que Verdi assortit aux situations. On est littéralement suspendu à son souffle, et on ne se lasse pas d’admirer comme elle en contrôle l’émission.

Cette bravoure, on la retrouve, avec des moyens différents, chez Ariunbaatar Ganbaatar, un des deux barytons mongols devenus fameux dans l’Europe lyrique. La veille il était Rigoletto, le vengeur prêt à se faire bourreau. Ce soir il est Iago, l’esprit du mal, celui qui nie, dont le credo est un véritable blasphème pour qui croit en Dieu. Nous avons connu des Iago plus chafouins, mais cette expressivité différente prend ici la valeur d’une retenue volontaire, d’un contrôle exercé par le personnage sur la mobilité de son visage afin que ses mimiques ne trahissent pas ses sentiments véritables. Et cette fausse impassibilité accompagne l’extension somptueuse d’un timbre riche, à la fois profond et brillant, que le chanteur déploie avec un souci constant des nuances.

Reste le rôle du serin, si l’on ose dire. Quand l’œuvre commence, Otello est à l’acmé de sa vie, et il ne le sait pas. Déjà commandant en chef, il rentre victorieux d’une expédition risquée, pour retrouver sa compagne, sa moitié. Tout entier à remplir la mission qui lui a été confiée, il n’a pas vu, pas compris, la jalousie et le ressentiment que sa réussite a fait naître. D’abord il est étranger, pis, il est un « sauvage aux lèvres épaisses », autrement dit un nègre ! Et celle qu’il va embrasser est celle que tous convoitaient. Qu’elle l’ait choisi aurait dû lui donner une assurance inébranlable. Pour l’ébranler, il suffira de le faire douter d’elle. Le raisonnement est juste, et la suite le démontrera. Parce qu’il n’est pas méchant, Otello n’imagine pas la méchanceté d’autrui. Cette candeur le perdra et il sera lui-même l’artisan de son malheur. Cette innocence initiale, cette naïveté incapable de s’interroger sur les insinuations, sur leurs mobiles, cette brusque inquiétude, l’angoisse, le ressentiment, la violence qui, jaillit, Brian Jagde sait les exprimer et comme il a dans la voix la vaillance et l’étendue nécessaire et aussi la musicalité qui lui permet d’en faire l’usage convenable, il campe un Otello des plus convaincants et des plus respectables.

C’était bien la conviction du public, qui ne lui a pas marchandé ses ovations, pas plus qu’à ses partenaires Iago et Desdemona. Mais il en restait pour honorer Roberto Abbado et l’Orchestre  Philharmonique Arturo Toscanini, pour la superbe lecture de la partition, ardente, haletante, passionnée, avec son alternance de replis torves, d’éclats menaçants, de sourdines sinistres et d’effusions passionnées ou élégiaques, où la richesse des timbres est celle d’un nuancier qui semble sans limites, et où la reprise des quelques mesures de « un bacio ancora » amène au bord des larmes. Miracle du théâtre lyrique qui rend si vraies ces fictions !

PS : Cette ferveur partagée, l’apparition sur deux supports lumineux, après les saluts individuels, de drapeaux aux couleurs de la Palestine cherche peut-être à l’exploiter, mais ce coup d’éclat  reste sans écho notable.

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Nouvelle production du Teatro Regio de Parme

Mise en scène
Federico Tieni

Décors
Margherita Palli

Costumes
Giovanna Buzzi

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Parme, Teatro Regio, samedi 11 ocobre 2025 à 20h

 

 

 

 

 

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