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VIVALDI, Hotel Metamorphosis – Salzbourg

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Spectacle
7 août 2025
Ovide plus fort que Vivaldi

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en un prologue et deux actes, constitué de cinq tableaux : Pygmalion – Arachne – Myrrha – Echo und Narcisse – Eurydice in der Unterwelt, livret tiré des Métamorphoses d’Ovide dans une traduction allemande de Hermann Heiser.

Créé à Salzbourg au Haus für Mozart le 31 juillet 2025

Détails

Conception et mise en scène
Barrie Kosky

Décors
Michaël Levine

Eclairages
Frank Evin

Costumes
Klaus Bruns

Chorégraphies
Otto Pichler

Vidéo
rocafilm

Conception et dramaturgie
Olaf A. Schmitt

Edition musicale
Pedro Beriso

 

Eurydice / Arachne
Cecilia Bartoli

Statua / Myrrha / Echo
Lea Desandre

Minerva / Nutrice / Juno
Nadezhda Karyazina

Pygmalion / Narcissus
Philippe Jaroussky

Orpheus
Angela Winkler

 

Chœur : Il canto d’Orfeo

Chef de chœur Jacopo Facchini

Les Musiciens du Prince – Monaco

Direction musicale
Gianluca Capuano

 

Salzbourg, Haus für Mozart, mardi 5 août 2025 à 19h

Pour comprendre la genèse de ce spectacle, il faut impérativement lire l’entretien entre Barrie Kosky le metteur en scène et Olaf A. Schmitt le concepteur/dramaturge. Partant du constat que les opéras de Vivaldi sont pour la plupart d’une structure dramatique très faible, ce qui explique qu’ils ne sont quasiment pas joués, mais qu’ils contiennent des joyaux musicaux qui méritent d’être exhumés, est née l’idée de recréer un livret nouveau qui permettrait de mettre cette belle musique en valeur. Plusieurs initiatives du même genre, consacrées à d’autres compositeurs, ont vu le jour ces dernières années, notamment à la Monnaie de Bruxelles, avec assez peu de réussites spectaculaires. Le livret concocté pour ce spectacle est tout droit tiré des Métamorphoses d’Ovide, source inépuisable de récits extrêmement imaginatifs, porteurs de symboles à vocation universelle, et qui ont le mérite d’avoir résisté au temps en inspirant à travers les siècles, les meilleurs peintres, sculpteurs, dramaturges ou musiciens. De cet important corpus, il a été tiré cinq chapitres, qui deviennent autant d’histoires indépendantes les unes des autres, et qui mises bout à bout tenteront de constituer une trame dramatique pour ce spectacle. Pour leur donner vie, pour en expliquer les tenants et aboutissants, pour remplacer les récitatifs et donc relier entre eux les airs choisis – quasi tous tirés d’opéras de Vivaldi – qui constituent le matériau musical de la soirée, on a fait appel à une comédienne qui lit des extraits d’Ovide (mais aussi un poème de Rilke) en allemand : il s’agit de Angela Winkler, grande figure du théâtre allemand restée célèbre pour avoir été la première femme à interpréter Hamlet, et qui a accompagné tout le développement du Regietheater pendant le dernier quart du siècle dernier. Elle interprète Orphée, puisque tous les épisodes du spectacle sont censés être issus de ses rêves…

Le choix de la langue allemande pour relier entre eux des airs d’opéra italiens, le tout sur-titré en anglais, oblige à une gymnastique cérébrale qui donne un peu le tournis, et ne favorise pas vraiment l’établissement d’une œuvre homogène. On a également retenu quelques passages de musique orchestrale, ce qui permet l’introduction de plusieurs ballets, très réussis, dus à Otto Pichler et interprétés avec une belle fougue juvénile par une troupe de douze danseurs un peu déjantés.

Il faut noter aussi que toute la musique n’est pas de Vivaldi : on trouvera au dernier tableau deux pages orchestrale de Geminiani (d’après Corelli) et un air de Giacomelli.

Au final, on se retrouve, sur le plan théâtral, avec cinq tableaux cohérents mais isolés, et sur le plan musical avec un pot-pourri de beaux airs un peu fades, sans grande force dramatique et de musique instrumentale de belle facture. Ces airs mettent évidemment les chanteurs fort en évidence, contiennent leur lot de prouesses techniques, mais n’en sont pas devenus dramatiquement plus denses pour autant, cela reste le point faible du spectacle. L’élément dramatique viendra donc de la mise en scène, confiée à l’excellent Barrie Kosky, qui réussit à créer des images très belles, fortes, modernes, sensuelles et pleines de sens sur une musique qui n’en a guère. Par soucis d’homogénéité, les cinq tableaux sont situés dans un même lieu, une chambre d’hôtel, ce qui explique le titre de la pièce.

© Monika Rittershaus

Les cinq tableaux ne sont pas non plus de force égale. Le premier – consacré à Pygmalion – est sans doute le moins inspiré. Le deuxième nous raconte l’histoire d’Arachne et sa rivalité fatale avec Minerve. Le troisième reprend l’histoire bien méconnue de Myrrha, un inceste père-fille mais commis par la fille à l’insu du père, un point de vue tout à fait inattendu sur la question. Après la pause, le quatrième tableau, sans doute le plus réussi, reprend l’histoire d’Écho et Narcisse vue de façon très sensuelle. Le dernier tableau, consacré au mythe d’Orphée, se penche sur le sort des deux amants après la tentative de ramener Eurydice sur terre. Voila qui donnerait bien envie de relire Ovide !

Mais venons-en à l’interprétation : il y a clairement deux générations qui se côtoient, celle des anciens avec Angela Winkler, Cecilia Bartoli et Philippe Jaroussky, et celle des plus jeunes, Lea Desandre et Nadezhda Karyazina ; d’un côté le souci de ne pas décevoir même si on n’est plus tout-à-fait ce qu’on a été, de l’autre, l’idée de recueillir en héritage les fruits d’une transmission tout en montrant ce dont on est capable, le tout sans rivalité et dans une belle harmonie. Ce passage de témoin d’une génération à l’autre trouve son expression la plus tangible lorsque Lea Desandre chante – magnifiquement – l’air extrait d’Ercole sul Terdomonte « Zeffiretti que sussurate » inclus dans le rôle d’Echo, un des plus grands succès des récitals de Bartoli il y a quelques années.

Anna Winkler adopte, dans le ton de son récit, une voix chantante et charmeuse, de celle qu’on utilise pour parler aux enfants ou pour susciter l’imagination dans un conte de fées. Sa diction chuinte un peu et l’alternance de voix amplifiée pour la comédienne et de voix naturelle pour les chanteurs – en plus des différences de langue – crée des ruptures peu heureuses. Cecilia Bartoli, en particulier dans le rôle d’Arachne où elle a à défendre les airs les plus redoutables, continue d’impressionner par la vitalité de son interprétation et la puissance de sa voix. Le timbre nous a paru un peu affecté par le temps qui passe (ou était-ce un jour de moindre forme ?) et la souplesse vocale moins tangible également. La prestation reste globalement étincelante, et bien de nature à conquérir un public pour ainsi dire acquis. Le même constat, globalement, vaut pour Philippe Jaroussky, élégant Narcisse dans son pyjama bleu, un peu éclipsé cependant par la présence solaire des deux figurants, jeunes éphèbes incandescents essentiellement préoccupés d’eux-mêmes, pressentis pour figurer le dieu adolescent et son reflet. On dira le plus grand bien, en revanche, de la prestation époustouflante de Lea Desandre, en pleine maîtrise de ses moyens et d’une agilité vocale remarquable, extrêmement drôle dans le rôle de Écho, émouvante dans celui de Myrrha. De son côté, Nadezhda Karyazina campe une Minerve redoutable, une Junon impérieuse, très précise dans ses vocalises, voix puissante et riche, doublée d’une excellente comédienne. La relève est assurée.

Toutes les interventions du chœur, de même que celles de la troupe de danseurs ont apporté au spectacle une dimension juvénile, colorée, vivante, particulièrement bienvenue pour relancer la dynamique de la pièce, parfois un peu loin des préoccupations d’aujourd’hui (c’est peu dire…).

L’orchestre, dirigé par Gianluca Capuano, fidèle partenaire de Cecilia Bartoli, s’est montré très attentif à soutenir les voix ; de nombreux instrumentistes, fort brillants solistes, ont eu l’occasion de déployer leur talent dans des dialogues avec les chanteurs, ces passages où voix et instruments se répondent étant une des caractéristiques de l’écriture de Vivaldi.

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Opéra en un prologue et deux actes, constitué de cinq tableaux : Pygmalion – Arachne – Myrrha – Echo und Narcisse – Eurydice in der Unterwelt, livret tiré des Métamorphoses d’Ovide dans une traduction allemande de Hermann Heiser.

Créé à Salzbourg au Haus für Mozart le 31 juillet 2025

Détails

Conception et mise en scène
Barrie Kosky

Décors
Michaël Levine

Eclairages
Frank Evin

Costumes
Klaus Bruns

Chorégraphies
Otto Pichler

Vidéo
rocafilm

Conception et dramaturgie
Olaf A. Schmitt

Edition musicale
Pedro Beriso

 

Eurydice / Arachne
Cecilia Bartoli

Statua / Myrrha / Echo
Lea Desandre

Minerva / Nutrice / Juno
Nadezhda Karyazina

Pygmalion / Narcissus
Philippe Jaroussky

Orpheus
Angela Winkler

 

Chœur : Il canto d’Orfeo

Chef de chœur Jacopo Facchini

Les Musiciens du Prince – Monaco

Direction musicale
Gianluca Capuano

 

Salzbourg, Haus für Mozart, mardi 5 août 2025 à 19h

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