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WAGNER, Das Rheingold – Bayreuth

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Spectacle
17 août 2025
Humains, trop humains

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Der Ring des Nibelungen
Das Rheingold
Prologue en 4 scènes
Livret et musique de Richard Wagner (1813-1883)
Création à Munich le 22 septembre 1869

Détails

Mise en scène
Valentin Schwarz

Décors
Andrea Cozzi

Costumes
Andy Besuch

Dramaturgie
Konrad Kuhn

Lumières
Nicol Hungsberg, Reinhard Traub

Vidéo
Luis August Krawen

 

Fasolt
Patrick Zielke

Fafner
Tobias Kehrer

Freia
Christina Nilsson

Wotan
Tomasz Konieczny

Alberich
Olafur Sigurdarson

Loge
Daniel Behle

Froh
Mirko Roschkowski

Erda
Anna Kissjudit

Mime
Ya-Chung Huang

Woglinde
Katharina Konradi

Wellgunde
Natalie Skrycka

Flosshilde
Marie-Henriette Reinhold

Fricka
Christa Mayer

Donner
Nicholas Brownlee

Bayreuther Festspielorchester

Direction musicale
Simone Young

 

Bayreuth, Festspiele, vendredi 15 août 2025, 18h

Peut-on prétendre mêler nombrilisme scénique et génie interprétatif ? (Question rhétorique).
Le Wotan (Tomasz Konieczny) de ce Ring obligé de jouer du vibrato (mais avec une technique très sûre, pour masquer les insuffisances des extrêmes de sa tessiture et parfois du médium, sans parler de la projection), est ici un riche industriel autoritaire, aux beaux restes, en short puis en costume clair. Voilà qui est à l’image de cette proposition scénique : presque impressionnante à l’extérieur, compliquée à lire mais vide à l’intérieur.
Seul beau moment bouleversant de cette soirée : l’intervention d’Erda (superbe Anna Kissjudit) au quatrième tableau, (c’est tard) car soudain l’orchestre jusqu’ici souvent banal, se transcende, la suit et s’élève à la hauteur mythique du moment qu’on espérait vainement.
Exit le mythe, place aux chamailleries et coups bas d’une famille, avec son avocat (le Loge d’un Daniel Behle en déficit de charisme et de projection), avec ses associés mafieux (Fafner et Fasolt), avec son personnel (Erda est l’assistante personnelle d’une Freia grande bourgeoise hagarde sous tranquillisants). Cette proposition se révèle au mieux absurde, entièrement influencée par les clichés du  Regietheater vus absolument partout depuis des décennies. L’admiration pour la réalisation technique s’impose tout de même avec la façon dont les panneaux du décor se combinent sur scène avec glissement, ellipses d’éléments apparaissant, disparaissant, et se superposant pour fabriquer cette petite scène écrasée à l’horizontale (cages, cubes, vitrines, voiture au garage (quelle originalité, quelle nécessité !) qui enferment les personnages. Pour la recension des topoï de cette esthétique qui eut parfois ses réussites dans le passé, notons les lumières hideuses, les costumes ringards, les perruques peu seyantes. Le tout assené avec un mâle pathétique, masquant mal une absence de vision roborative de l’œuvre. Comme les personnages tels qu’ils sont montrés ici (Fantasia chez les riches ploucs ou famille dysfonctionnelle façon « Festen »), la laideur et la caricature œuvrent au rapetissement et sont érigées en suprême étiologie des phénomènes. C’est fatigant de paresse intellectuelle – même si la prudence nous demande d’attendre la suite de cette tétralogie. Rassurons-nous : on devine que les éléments du décor sont recyclables, que tout cela est accompagné d’un discours très au point, séduisant. Pourtant, c’est l’ennui d’une lecture inutilement casuistique qui nous assomme.
Ne demandez pas si les petites filles prisonnières d’une cage en verre chevauchant des jouets dans le 3e tableau (celui du Nibelheim, où les coups de pioche semblent ici des clés à molette qu’on entrechoque) sont les futures walkyries, si la petite fille sauvée par Erda est Sieglinde, si le sale garçonnet mal élevé et au comportement clairement pathologique (peut-être violé par Alberich ?) est Hunding ou Siegmund : on s’en moque. Tout ce prêchi-prêcha sans queue ni tête (car « librement inspiré du livret de R. Wagner » sic) est dispensable, même inspiré de photos réalistes prises à Croydon et autres villes anglaises ou américaines en déshérence dans les années 80.
Bref où va-t-on ?
Avec un Dieu fatigué, corrompu, saoul, (Wotan comme une sorte de Jeffrey Epstein), on revisite son Sigmund (Freud) laborieusement. Ne manquent dans l’intérieur de l’habitat divin ni le tableau pompier de la curée d’une chasse à courre, ni les photos d’enfants représentant (nous assure-t’on) les futurs jumeaux de « La Walkyrie » dans la chambre au confort suédois du dieu du Walhalla (nom propre qui ne désigne ici que le synonyme d’une super cuite à la fin).
Alberich (formidable Olafur Sigurdarson, retors, d’une animosité souvent jubilatoire) est le frère, nous dit-on, jumeau de Wotan. Il lui a arraché un œil dans le ventre de sa mère (vidéo du Prélude, assez fade musicalement), ensuite il trempe dans un bassin avec les Filles du Rhin – en fait les nurses des enfants susnommés, un tantinet nymphomanes et impuissantes face au rapt dudit jeune garçon. Toute cette enfance représente le fameux or du titre qu’on veut s’approprier pour des orgies (sans doute) et pour la continuité de la race. On notera les performances de Marie-Antoinette Reinhold (Flosshilde) et de Natalie Skrycka (Wellgunde), au très beau mezzo. Cet enfant pour qui on se bat est un vrai sale gosse, constate-t’on dès le deuxième tableau, iconoclaste (sans doute Valentin Schwarz lui-même qui s’affiche en photo à neuf ans devant la partition de « Rheingold » avec la même coupe, la même casquette et le même casque d’écoute que le jeune figurant dans le programme destiné au public). Ce dernier va asperger la cage du Nibelheim de peinture rouge et jouer du revolver plusieurs fois comme son mauvais maître Alberich, nous empêchant avec cette agitation perpétuelle de profiter du récit de l’excellent Mime de Ya-Chung Huang.
La Freia de Christina Nilsson et la Fricka de Christa Mayer offrent une interprétation hors pair (mais la seconde montre des signes de fatigue ou de refroidissement avec une voix un peu acidifiée au dernier tableau), quoique toujours réduites au commentaire.
Fafner et Fasolt sont donc des nervis peu fascinants, même si les deux chanteurs font entendre un luxe de moyens parfois inégal : Tobias Kehrer résonne enfin dans le dernier tableau quand dès le premier tableau, Patrick Zielke a convaincu.
Donner (Nicholas Brownlee) et Froh (Mirko Roschkowski) font le travail sans intéresser plus que ça le spectateur. La faute aux rôles que Valentin Schwarz leur assigne, totalement ternes.
Alors si les dieux ne sont plus les dieux, puisque Wotan est un ploutocrate qui a perdu son charisme et sa lance taillée dans le frêne du monde, ne nous étonnons pas que l’orchestre, déjà cantonné à sa place d’élément parmi d’autres par le dispositif de la fosse souterraine de Bayreuth, ne soit guère passionnant non plus, à la pâte sonore ni suffisamment colorée, ni vraiment fuligineuse. Il n’est plus ce personnage comme nous en avons pris le goût dans d’autres théâtres et sous la baguette de chefs légendaires anciens ou modernes. Le discours musical est ici parfois illustratif sous la baguette de Simone Young, même si homogénéité des pupitres, parfaite adéquation entre fosse et chanteurs, et exactitude rythmique sont bel et bien au rendez-vous. Les instruments en intervention solo ou en tutti font parfois des miracles, vraies épiphanies de l’instant. À Bayreuth il faut des chefs d’exception. Pour conclure, le spectacle se révèle le plus souvent insipide, ce qui interroge pour la suite de cette reprise du cycle 2025 du Ring. Notons que la vision myope du jeune metteur en scène autrichien est très applaudie ce soir du 15 août – comme quoi le public ne sait pas ce qu’il veut après trois années de justes huées. Un enthousiasme aussi destiné aux chanteurs, me direz-vous.

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Der Ring des Nibelungen
Das Rheingold
Prologue en 4 scènes
Livret et musique de Richard Wagner (1813-1883)
Création à Munich le 22 septembre 1869

Détails

Mise en scène
Valentin Schwarz

Décors
Andrea Cozzi

Costumes
Andy Besuch

Dramaturgie
Konrad Kuhn

Lumières
Nicol Hungsberg, Reinhard Traub

Vidéo
Luis August Krawen

 

Fasolt
Patrick Zielke

Fafner
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Freia
Christina Nilsson

Wotan
Tomasz Konieczny

Alberich
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Loge
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Ya-Chung Huang

Woglinde
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Flosshilde
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