C O N C E R T S 
 
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PARIS

11/10/02


(Flavio Oliver, Giulio Cesare)
GIULIO CESARE

Opera seria (1724) en 3 actes
de Georg Friedrich HAENDEL

livret de Nicola Francesco Haym

Avec 

Flavio Oliver (Giulio Cesare)
Danielle De Niese (Cleopatra)
Bejun Mehta (Tolomeo)
Stephanie Blythe (Cornelia)
Anne Sofie von Otter (Sesto)
Franck Leguérinel (Achilla)
Dominique Visse (Nireno)
Kevin Greenlaw (Curio)
David Fielding (décors et costumes)
Davy Cunningham (lumières)
Nicholas Hytner (mise en scène)
Orchestre et Chúurs des musiciens du Louvre-Grenoble
Marc Minkowski (direction).
 

Paris, Palais Garnier,
représentation du 11 octobre 2002



Les opéras de Haendel sont généralement basés sur des histoires tarabiscotées, de luttes et d'intrigues pour le pouvoir, le tout dans une atmosphère exotique, antique (ou les deux à la fois). Giulio Cesare ne déroge pas à cette règle puisqu'il raconte en 3 heures de musique les amours de César et Cléopâtre, et leur lutte contre Ptolémée autour du trône d'Egypte. D'un autre côté, l'aspect totalement conventionnel de la succession des arias nécessite de la part de metteurs en scène beaucoup d'inventivité pour donner corps à ce superbe défilé musical, sans donner la (fausse) impression d'écouter de la musique au kilomètre.

Cette "nécessaire" liberté nous a donné l'occasion d'apprécier des spectacles remarquables ces dernières années comme le Rodelinda du Châtelet, l'Agrippina du Théâtre des Champs-Élysées ou l'Alcina de Garnier. Sans atteindre le niveau de perfection de ces productions, la reprise de la mise en scène de Nicholas Hytner est de bonne qualité et permet d'oublier l'échec de l'Ariodante de Jorge Lavelli, victime d'un manque total d'inspiration.

Le choix de Hytner tire volontairement du côté d'une bande dessinée anachronique, où se mélangent éléments de l'Egypte ancienne et costumes du 18e siècle, vamps hollywoodiennes et femmes voilées type "taliban", crocodiles en plastique et derricks. Certes, tout n'est pas du meilleur goût et certains effets sont ratés (c'est le cas des crocodiles et des cactus), mais l'ensemble est cohérent, parfois drôle, parfois émouvant et la direction des chanteurs se signale par un vrai sens dramatique. On ne s'ennuie pas. Certes, on ne retrouve pas la perfection d'un Rodelinda, mais balayer d'un revers de la main le travail du metteur en scène serait de très mauvaise foi. 

Le succès de la soirée s'explique aussi par la distribution, homogène et de qualité. On pouvait avoir peur du remplacement de David Daniels par Flavio Oliver. Les craintes étaient sans fondement : la voix est belle, homogène et vaillante et la projection certainement plus assurée que celle de Daniels (selon les témoins de la première représentation). Aurions-nous gagné au change, finalement ? Dans le même registre, Bejun Metha est un excellent Ptolémée. Sa voix, plus colorée que celle d'Oliver, lui permet de camper un méchant plein de veulerie et de lâcheté. La Cléopâtre de Danielle de Niese est d'une rouerie réjouissante, en adéquation avec la vision de Hytner qui fait d'elle une " coquine ", une vision cohérente, compte tenu de la couleur musicale souvent espiègle et légère de ses airs. On peut cependant regretter une voix, certes facile, mais pauvre en nuances, ce qui réduit la portée émotionnelle des airs dramatiques, notamment du fameux "Piangero". Elle n'est certainement pas l'interprète idéale pour un enregistrement ou une diffusion radiophonique. Elle n'arrive pas à faire oublier l'éclatante Cléopâtre de Maria Bayo qui avait enthousiasmé le public lors de la précédente reprise de cette production ; mais qui aurait pu la faire oublier ? Par contre, Anne Sofie Von Otter et Stephanie Blythe sont parfaites. Leur duo est un des sommets de l'opéra et un des moments forts de cette soirée. On peut émettre davantage de réserve sur le reste de la distribution, notamment les seconds rôles : Franck Leguérinel, dont la volonté de paraître méchant est excessive et enlaidit la voix, ainsi que Dominique Visse, qui fait preuve d'une technique excellente, mais en fait des tonnes dans son air.

Le grand héros de l'applaudimètre, ce fut (cela devient une habitude) Marc Minkowski, avec sa direction nerveuse et enlevée (toujours une habitude !). Ses tempi étaient parfois rapides (qui l'eut cru ?), surtout comparés à ceux de Jacobs, mais ils n'ont jamais mis en danger les chanteurs, ce qui démontre certainement un travail préparatoire efficace ainsi qu'une parfaite maîtrise des rôles.

Bref, une très bonne soirée et... sans attentat sonore !
  


Bertrand Bouffartigue
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