C O N C E R T S 
 
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STRASBOURG
05/12/03
Acte I
(© Alain Kaiser)
Jacques OFFENBACH

La Grande-Duchesse de Gerolstein

Direction musicale - Jérôme Pillement
Mise en scène - François De Carpentries
Décors - Emmanuel Clolus
Dramaturgie et costumes - Karine Van Hercke
Éclairages - François De Carpentries et Emmanuel Clolus
Chorégraphie - François De Carpentries et Marian del Valle
 

La Grande-Duchesse - Martine Olmeda
Fritz - Rodolphe Briand
Le prince Paul - Loïc Félix
Le baron Puck - Thomas Morris
Général Boum - Olivier Grand
Wanda - Sophie Marin-Degor
Le Baron Grog - Antoine Garcin
Nepomuc - Scott Emerson
Iza - Gaël Cheramy
Amélie - Frédérique Letizia
Charlotte - Karine Motika
Olga - Emmanuelle Schuler
Le notaire - Christophe De Ray Lassaigne

Choeurs de l'Opéra national du Rhin
Orchestre symphonique de Mulhouse

Nouvelle production
Création mondiale de l'édition critique de Jean-Christophe Keck

Strasbourg, Opéra, 5 décembre 2003


Depuis leur création, les partitions du "Mozart des Champs-Élysées" comme l'appelait Rossini, ont dû subir de nombreuses adaptations, coupures et autres mises au goût du jour (si ce n'est de nouvelles orchestrations comme celle que réalisa Nikolaus Harnoncourt pour La Grande Duchesse de Gerolstein, nous informe le programme !). C'est donc avec curiosité que l'on attendait cette nouvelle production de La Grande Duchesse qui s'appuie sur une nouvelle édition de la partition réalisée par Jean-Christophe Keck (1), conforme à celle qu'Offenbach dirigea lors de la création de l'ouvrage en 1867. Nous entendons ainsi l'orchestration originale (un manuscrit complet nous est parvenu), conçue pour un orchestre d'une quarantaine de musiciens, et non un effectif de chambre "comme de nombreuses productions récentes ont tenté de nous le faire croire" indique Jean-François Keck (allusion à La Belle Hélène montée à Aix-en-Provence, il y a quelques années...). La partition est jouée sans coupure, les textes chantés sont intacts, mais les dialogues parlés ont été légèrement retouchés, ce dont on pourra s'étonner (étant donné la volonté de retrouver les conditions musicales d'époque), mais - le programme est fort instructif sur ce point - elles s'avèrent nécessaires, Offenbach et ses librettistes ayant truffé les dialogues d'allusions au monde contemporain, à la presse, aux gouvernants, aux chefs militaires (on apprend ainsi que "Boum" était bel et bien le surnom d'un fameux Général français !) etc., nous n'y comprendrions goutte si elles subsistaient telles quelles. Restait donc à "transposer" ces allusions à notre époque, ce à quoi se sont attelés le metteur en scène François De Carpentries et la dramaturge Karine Van Hercke. Ils défendent leurs aménagements dans le programme, y annonçant : "Un livret fidèle à l'esprit de l'original". On goûte la parcimonie de leur travail, libre à chacun, ensuite, d'apprécier les quelques allusions à notre monde, de Schwarzeneger à Raffarin, en passant par James Bond ou de Gaulle...

La trame de La Grande Duchesse évoque (et ridiculise) les dérives d'un impérialisme militaire que l'on rencontre encore aujourd'hui. Pourtant, plutôt que de situer l'action à l'époque contemporaine, De Carpentries et Van Hercke ont choisi une abstraction a priori surprenante (nous sommes cependant plus proches de notre époque que de celle de Napoléon III, toutefois sans référence directe), mais finalement efficace à défaut d'être vraiment séduisante visuellement, notamment dans la première partie, dont décors et costumes affichent des motifs de camouflage, ainsi qu'à l'acte III, où la chambre nuptiale est garnie d'une immense effigie représentant une femme nue qui présente ses seins comme des médailles... Subsistent, malgré tout, quelques allusions bien contemporaines celles-ci, dont on retiendra la plus drôle : le personnage de Népomuc, responsable des cérémonies du Grand Duché, apparaît sous les traits de Karl Lagerfeld avec son inénarrable éventail ! Gag qui peut paraître gratuit, mais qui révèle de la part du metteur en scène un très beau travail de caractérisation des personnages, servis par une direction d'acteurs habile et soignée.


(© Alain Kaiser

Si la première partie séduit par son rythme et ses trouvailles scéniques, la deuxième peine à captiver de bout en bout. C'est sans doute dû aussi à la partition elle-même (le programme nous révèle que le public de la première l'accueillit de même !), jouée sans coupure, mais également aux interprètes. L'Orchestre Symphonique de Mulhouse est en petite forme (on a du mal à reconnaître la formation qui nous avait tant séduit dans l'opéra de Param Vir, Ion, en début de saison) et la direction de Jérôme Pillement se montre plaisante, mais manque de vivacité et de précision (les décalages fosse-scène sont très fréquents, sans doute s'estomperont-ils au fil des représentations).

L'équipe vocale n'offre pas non plus de grandes révélations, mais ne démérite pas pour autant. Cependant, on aura du mal à "croire" à la Grande Duchesse de Martine Olmeda, qui ne donne jamais l'impression de se hisser totalement à la hauteur que réclame le personnage. L'écriture, entre soprano et mezzo, ne semble pas lui convenir complètement. Elle sera ainsi plus à l'aise dans les parties intimes (très bel air "Dites lui qu'on l'a remarqué", une des plus belles pages de l'auteur) que dans les scènes "d'apparat" (décevants "Ah que j'aime les militaires" ou "Voici le sabre") où la voix manque d'impact et de rondeur. En outre, la prononciation est perfectible. Restent la très belle allure de la chanteuse et son aisance scénique.

Le Général Boum d'Olivier Grand est drôle, mais, là encore, la voix manque d'impact, ce qui est fort dommage pour ce rôle... Le Fritz de Rodolphe Briand est agréable, la prononciation excellente et la voix légère, trop peut-être, ce qui nous entraîne plus de côté de l'opérette que de l'opéra bouffe... Plus convaincants sont le Baron Puck de Thomas Morris et, surtout, la Wanda de Sophie Marin-Degor et le Prince Paul de Loïc Felix, qui fait valoir une très belle voix de ténor et une ligne de chant particulièrement élégante.

Un spectacle intéressant, souvent surprenant et juste, la chose est en soi déjà remarquable pour ce répertoire.
 
 

Pierre-Emmanuel LEPHAY



(1) A propos de Jean-Christophe Keck, lire l'interview dans notre dossier Hoffmann

Prochaines représentations :

à Strasbourg (Opéra): 13, 16 décembre à 20 h, 14 décembre à 15 h.
Renseignements : 03-88-75-48-23

à Mulhouse (La Filature) : 20 et 22 décembre à 20 h, 21 décembre à 15 h.
Renseignements : 03-89-36-28-28

à Colmar (Théâtre) : 28 décembre à 15 h, 30 décembre à 20 h.
Renseignements : 03-89-20-29-02

Opéra national du Rhin
 

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