C O N C E R T S 
 
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BOLOGNE
07/05/05
Sonia Ganassi & Bruce Sledge
Festival de Pesaro)
Gioachino Rossini

Elisabetta Regina d'Inghilterra

avec Sonia  GANASSI,
Mariola CANTARERO,
Mario ZEFFIRI,
Bruce SLEDGE

Direction : Renato PALUMBO
Mise en scène :  Daniele ABBADO

Nouvelle production du Festival Rossini de Pesaro 

Bologne, Theatro Comunale
07 Mai  2005, 20h

Le Comunale de Bologna propose, du 7 au 19 mai, en coproduction avec le festival de Pesaro, le premier des grands opéras "sérieux" écrits par Rossini pour le San Carlo de Naples et représenté en octobre 1815. Le livret de Giovanni Schmidt, auteur originaire de Livourne, exploite la vogue des sujets issus de l'histoire d'Angleterre, à partir d'un drame intitulé Le Page de Leicester que le dramaturge Carlo Federici avait tiré d'un récit filandreux, The Recess, or a tale of other times, de la romancière Sophia Lee.

Faisant fi de la vérité historique, l'oeuvre met en scène la jalousie d'Elisabeth Première à l'égard de son favori Leicester, coupable de s'être marié secrètement avec la fille cachée de Marie Stuart. Elle les fait jeter en prison et ils sont condamnés à mort ; tout est donc en place pour un final tragique, mais un événement inattendu fait basculer le dénouement. Condamné à l'exil par Elisabeth à qui il a révélé la "trahison" de Leicester, Norfolk complote pour la renverser et tente de l'assassiner. Sauvée par ceux qu'elle allait faire exécuter, la reine leur accorde son pardon, et retrouve ainsi la magnanimité propre à son statut.

Destiné à des chanteurs parmi les plus brillants de l'époque, les ténors Garcia et Nozzari, respectivement Norfolk et Leicester, et les soprani Colbran (Elisabetta) et Dardanelli (Matilde), les quatre rôles principaux accumulent les difficultés, spécialement celui d'Elisabetta. A l'exception de Mario Zeffiri, qui chantait Norfolk, les interprètes étaient les mêmes qu'à Pesaro. On a donc retrouvé, avec un plaisir accru parce que la tension perceptible l'été dernier avait disparu, la Matilde de Mariola Cantarero, ses beaux sons filés et des aigus plus sûrs, sans la dureté métallique qu'ils peuvent avoir lorsque l'émission est en force. Bruce Sledge, naguère Lindoro à Montpellier, reste un Leicester crédible dramatiquement et sa prestation vocale est un délice ; à aucun moment on ne sent l'effort et à l'éclat des aigus, à la solidité du medium et du grave s'ajoute la netteté des passages d'agilité. Sonia Ganassi, quant à elle, renouvelle sa performance théâtrale et musicale, donnant l'impression d'une totale liberté tant elle les maîtrise les écueils du rôle : aigus glorieux, accents incisifs, virtuosité dans l'exécution des ornements, agilità di forza ou canto di maniera, noblesse du rondo final, c'est une interprétation magistrale dont nous sommes les heureux témoins.

Heureuse surprise aussi en ce qui concerne Mario Zeffiri, dont la prestation dans la Cantate Il Vero Omaggio ne nous avait guère satisfait en août dernier. Confronté à un rôle qui exige la mise en oeuvre de moyens exceptionnels, il réussit, après un air d'entrée peu convaincant - aigus serrés, à la limite du détonnant - un très beau duo avec Elisabetta à l'acte I, et un autre avec Leicester à l'acte II, où il surmonte également l'air terrifiant Deh troncate i ceppi suoi avec l'agilité et l'ambitus nécessaires.

Manuela Custer retrouve le travesti d'Enrico, le frère de Matilde, et Gianluca Pasolini est Guglielmo, le capitaine de la garde royale, deux rôles secondaires où l'un et l'autre font valoir a qualité de leur timbre.

Les choeurs, efficaces et précis, sont soumis, comme les protagonistes, à ce qui pour nous reste le point faible de cette production, l'installation scénique de Giovanni Carluccio. Durant toute la durée de l'opéra, le fond et les côtés de la scène sont occupés par deux étages de praticables reliés par des escaliers. Ce dispositif, souligné par de gros tubes métalliques, jure avec les costumes d'époque, et surtout impose une mise en scène à base de défilés compassés et de positions statiques. De Pesaro à Bologne nous restons sur la même impression ; même si cette mise en scène permet de composer des tableaux séduisants, il les fige et prive le spectacle de vie.

Reste l'orchestre du Comunale, qui avait participé à la production de Pesaro et retrouve celui qui l'y avait dirigé, Renato Palumbo. L'alchimie est renouvelée et dans la fosse du Comunale la partition de Rossini brille de toutes ses couleurs, dès la Sinfonia, qui, on s'en souvient, est la même que celle du Barbiere di Siviglia, tandis qu'entre l'orchestre et le plateau aucun déséquilibre ne porte préjudice au chant.

A la fin de la représentation, le public salue les interprètes par des ovations et de longs applaudissements rythmés, Sonia Ganassi recevant à juste titre un tumulte d'acclamations.
 
 

Maurice SALLES
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