OPERAS - RECITALS - CONCERTS LYRIQUES
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PARIS
13/05/2008

Nathalie Manfrino
 © DR


Nathalie MANFRINO


« French Heroines »

Massenet, « Je suis encore tout étourdie » (Manon)
Massenet, « Adieu notre petite table » (Manon)
Gounod, « Il ne revient pas » (Faust)
Debussy, suite bergamasque, « Clair de lune ».
Gounod, « Oh Dieu, que de bijoux !.. Ah, je ris ! »

Entr’acte

Debussy, « L’année en vain chasse l’année » (L’Enfant Prodigue)
Offenbach, « Elle a fui, la tourterelle » (Les Contes d’Hoffmann)
Gluck, « Mais d’où vient, fortune ennemie » (Orphée et Eurydice)
Debussy, prélude
Lalo, « Vainement j’ai parlé… Par une chaîne… » (Le Roi d’Ys)
Massenet, « Celui dont la parole… Il est doux.. » (Hérodiade)

Nathalie Manfrino, soprano
David Bismuth, piano

Théâtre des Bouffes du Nord,
le 13 Mai 2008

Heroine party

Les maisons de disque classique ont désormais appris des experts du marketing variété la façon de lancer un disque par un concert dont les places sont largement distribuées à la presse et à un public parfois tiré au sort. Il doit y avoir un terme anglo-saxon pour désigner ce genre d’opérations. Sur le principe, c’est évidemment odieux et inacceptable : un chanteur n’est pas une savonnette. Mais en pratique, c’est assez sympathique. La salle n’est pas hostile. Le théâtre est choisi pour son intimité. L’artiste se sent entouré de bienveillance et donne sans excès de trac ce que demain il devra donner devant des parterres vétilleux plein de vieilles dames chauves. Le Théâtre des Bouffes du Nord, retenu pour l’occasion, est pourtant fort périlleux aux voix lyriques. La proximité physique du public, l’acoustique aléatoire sont des pièges venant contrebalancer l’atmosphère délicieusement fin-de-siècle qui se dégage de ces loges décaties et de ces hauts murs décrépits. Nathalie Manfrino surmonte l’obstacle de manière sereine. La voix – vraiment lyrique – doit se chauffer, et le fait en prenant son temps. La première partie offre des standards absolus, déjà chantés à la scène : les repères sont là, la présence aussi, le théâtre s’installe aussitôt. A cette distance de la chanteuse nous épatent singulièrement cette longueur de souffle, cette tranquillité absolue de la phrase. Pas un muscle ne se tend. Pas un instant le timbre ne s’opacifie. Il y a là des réserves de vaillance réjouissantes. La seconde partie marque une graduation plus nette, d’un Debussy d’excellente diseuse à un Offenbach qui lui tend les bras (les ailes ?), puis un Gluck dont – franchement – elle fait littéralement éclater les coutures tant sa générosité vocale outrepasse les ressources lyriques de Gluck, pour conclure avec les deux redoutables pièces de Lalo et Massenet, dont on se dit qu’ils sont son avenir proche. Brava ! Bravissima ! David Bismuth offre deux interludes debussystes de la plus belle eau, et l’on souffre de l’entendre se débattre avec les réductions pour piano de ces airs dont la texture orchestrale est l’indispensable complément et dont la voix même de la chanteuse appelle les harmoniques.

La partie est remportée, haut la main. Le public est en délire. En bis, voici une valse de Juliette adaptée de Gounod avec un trio de cordes jazz (mais oui, c’est là : www.youtube.com), puis « Sous le Ciel de Paris » dans la même configuration et enfin un troisième dont je ne me souviens plus. Ah ! Traîtresse mémoire ! Pourquoi m’abandonner quand s’achève ce papier ! C’est bien simple : si mon moi conscient a assisté à ces bis, mon subconscient et mon surmoi se sont révoltés et ont hurlé à la mort : POURQUOI ? Car tout a fait la preuve dans ce récital que Manfrino, vocale et théâtrale comme elle l’est, appelle le grand format, et ne gagne rien à se commettre dans ces aimables contrefaçons à vocation humoristique. De grâce, laissons cela aux Nathalie sans « h » !


Sylvain FORT

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Récitalthalie Manfrino, La soprano saltimbanque
Nathalie Manfrino, French Heroines (CD Decca)
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