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Nathalie MANFRINO

Héroïnes Françaises
Airs d’opéra français


GOUNOD, « Oh Dieu, que de bijoux ! » (Faust)
MASSENET « Celui dont la parole… » (Hérodiade)
MASSENET « Allons, il le faut… adieu notre petite table » (Manon)
DELIBES « Tu m’as donné le plus doux rêve… » (Lakmé)
MASSENET « Ah, je suis seule… » (Thaïs)
BIZET, « La marguerite a fermé sa corolle » (Vasco de Gama)
GOUNOD « Je veux vivre » (Roméo et Juliette)
DEBUSSY «  L’année en vain chasse l’année… » (L’Enfant prodigue)
GOUNOD « Il ne revient pas… » (Faust)
MASSENET «  Je marche sur tous les chemins » (Manon)
MASSENET « Obéissons quand leur voix appelle » (Manon)
LALO « Tais-toi ! Tais-toi ! » (Le Roi d’Ys)
DEBUSSY « Mais non, je n’en crois rien » (Rodrigue et Chimène)
CHAUSSON « Ah ! Trahie ! Abandonnée ! » (Le Roi Arthus)

Emmanuel Villaume, Orchestre Philharmonique de Monte Carlo.

DECCA, 1 CD, 4800659, enregistré en juillet 2007



Pas si blonde


La photo du disque n’est pas issue des studios Harcourt, mais cela y ressemble. Tentation trop grande de présenter au public ne la connaissant pas encore une lumineuse et douce blondeur que le noir et blanc évidemment magnifie. Quelque chose de sucré s’immisce là pourtant où l’on ne reconnaît pas la chanteuse : voudrait-on la faire passer pour une nouvelle Janine Michaud ? Des points communs existent, certes. Notamment la prégnance du répertoire français, et de cette légère ouverture des voyelles qui faisait partie de l’art du bien-dire lorsque le français n’était pas devenu une langue de consonne élidant ses voyelles (pour prendre un exemple dans la rhétorique politique contemporaine : « hé ben cass’ toi pov’ con»). La comparaison, flatteuse, s’arrête là. Car la chanteuse qu’il nous est ici donné de découvrir dans des moments qu’elle n’a pas encore offerts en scène possède, et c’est son atout-maître, une personnalité bien à elle, mieux : une identité vocale déjà très affirmée. Frappent en premier lieu une caractérisation des personnages dépourvue de toute outrance, et saisissant la juste couleur, l’accent adéquat. Sa Marguerite ne ressemble pas à sa Manon ni à sa Thaïs, mais ce n’est pas par quelque grimage particulier : c’est un effet d’éclairage vocal, indéfinissable – quelque chose comme une nacre du timbre, une diaprure. De même l’intelligibilité de son français ne s’embarrasse pas de manières ni de préciosités ; la chanteuse se contente – c’est tout un art – de raconter. C’est presque là un disque de mélodiste. Les Debussy en donnent la preuve éclatante, à fleur de mots, mais aussi d’une longueur de souffle permettant toutes les nuances. C’est si vrai que les passages les plus engagés ne sont pas nécessairement ceux où la chanteuse démontre le plus : dans Faust, elle donne davantage à entendre dans Il ne revient pas que dans Ah je ris. Leila est plus éloquente que Juliette. La virtuosité lui convient, mais le récit lui va mieux. L’incarnation lui est plus féconde que la démonstration. Signe d’un tempérament (voyez les étranges vignettes accompagnant le texte des airs, où le sourire uni de la cover le cède à un expressionnisme surprenant). Emmanuel Villaume lui apporte un soutien de fort bonne tenue. La voix elle-même s’est élargie au contact de la scène, et ouvre des perspectives neuves. Pour notre part, nous ne marquerons pas notre désapprobation face au vibratello qui affecte l’aigu – ce n’est rien d’autre que la marque d’une voix lyrique jeune dont l’épanouissement n’est pas encore complet : la voix ne bouge pas, elle vibre, laissons-la vibrer. La confluence des possibilités actuelles et de l’identité même de la chanteuse se trouve dans l’air de Salomé dans Hérodiade - tendu, inquiet et lumineux à la fois – où se soupçonne une douce amertume qui demain conviendra à sa Butterfly et  après-demain à son Elsa.


Sylvain Fort

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