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METZ
04/02/04

(Anne Marguerite WERSTER)
MEDÉE

Opéra en trois actes de Luigi CHERUBINI

(création à la salle Feydeau le 13 mars 1797) 

Livret de François Benoît Hoffmann d'après Euripide et Corneille
Médée : Anne Marguerite WERSTER
Jason : Carlo GUIDO
Créon : Jean-Marc SALZMANN
Dircé : Marie DEVELLEREAU
Néris : Maria SOULIS

Choeurs de l'Opéra Théâtre de Metz
Ensemble OPERA FUOCO
Direction : David STERN

Mise en scène, décors,
costumes et lumières : Jean-Paul SCARPITTA

Nouvelle production

Opéra Théâtre de Metz, le 4 février 2004



Variations autour de Médée de Cherubini

Avec Laurence Dale aux commandes, la routine n'a aucune chance de s'installer à l'Opéra de Metz. Après avoir proposé la résurrection scénique du Gustave III d'Auber et la création française de l'hypothétique Gustavo III de Verdi, il nous offre, en effet, une nouvelle production de la trop rare Médée de Cherubini, dans la version originale française. Cet ouvrage complexe, dans lequel certains ont voulu voir le premier opéra romantique, a vu le jour en 1797 à la salle Feydeau. S'il appartenait au répertoire de l'Opéra Comique en raison de la présence de dialogues parlés, il échappait au genre autant par son sujet tragique (une mère infanticide qui de surcroît empoisonne sa rivale) que par son exigence musicale. Pourtant, l'oeuvre reste méconnue. Si l'interprétation de Maria Callas a marqué les mémoires, l'amateur d'art lyrique oublie généralement, au-delà du Florentin, toute une période de la musique où un certain nombre de compositeurs, qui ne possédaient certes pas la maîtrise des grands maîtres mais ne manquaient ni d'habileté ni d'originalité, ont jeté un pont entre Gluck et Berlioz. C'est la raison pour laquelle nous nous réjouissons d'entendre cette Médée qui, au même titre que la Vestale, constitue un échelon capital dans l'évolution de la musique lyrique française.

Le principal écueil rencontré lorsque l'on entreprend de monter Médée réside dans l'interprétation du texte parlé. Certains metteurs en scène cherchent à esquiver cette difficulté. A Compiègne, Pierre Jourdan avait décidé de doubler chaque chanteur par un comédien rompu aux principes de la déclamation tragique. Ici, Jean-Paul Scarpitta a décidé de remplacer entièrement les dialogues par des textes de liaison exprimant la "voix intérieure" de Médée, préalablement enregistrés par Fanny Ardant. Si l'on prend plaisir à entendre l'actrice détailler admirablement et de sa voix inimitable ces textes qui insistent parfois lourdement sur le lien charnel unissant Médée et Jason, cette option présente l'inconvénient de briser la continuité dramatique de l'oeuvre et de la transformer parfois en une succession d'airs de concert. De plus, en centrant aussi délibérément le propos sur la seule Médée, présente en scène de bout en bout, le metteur en scène retire vie aux autres personnages, souvent figés dans des positions hiératiques et qui ne sont que des instruments passifs du drame.


(Marie Devellereau)

C'est dans un cadre unique, dépouillé et intemporel, que se meuvent les personnages. Le premier acte profite à Marie Devellereau, qui campe une juvénile et gracieuse Dircé. Avec sa voix fruitée et sa vocalisation facile, elle tire parti de son air et domine brillamment l'ensemble qui suit. Jean-Marc Salzmann est un noble Créon, à la diction soignée, mais paraît mal à l'aise dans la tessiture et manque de relief vocal. La jeune Canadienne Maria Soulis possède une voix de dimension réduite, qui la place en retrait dans les ensembles, mais affirme dans son air une belle musicalité et un grain séduisant. Au contraire, Carlo Guido s'efforce de plier des moyens conséquents (on annonce bientôt Samson et Calaf) aux exigences d'un rôle qui n'en demande pas tant. Un assez large vibrato traduit néanmoins son inadéquation. Son physique lui permet cependant de camper le hâbleur méditerranéen voulu par le metteur en scène.

Rousse et féline, Anne Marguerite Werster n'a pas la tâche facile dans cette production. Elle est en permanence présente sur scène, le plus souvent prostrée au premier plan, et se voit imposer des pantomimes parfois fastidieuses. Son tempérament de tragédienne et ses moyens vocaux lui permettent cependant de livrer une composition convaincante, son engagement scénique et les nuances dont elle pare son chant rachetant largement quelques aigus à vif. Son duo avec Jason et son monologue final ne manquent pas d'intensité.

L'Opéra de Metz a eu la bonne inspiration de confier la partie instrumentale à l'ensemble Opera Fuoco, évoluant sur instruments d'époque, et de rendre ainsi la partition à ses sonorités originelles. Le chef David Stern dirige avec enthousiasme et énergie, tout en restant très attentif aux chanteurs. J'ai personnellement apprécié l'alacrité de cette interprétation, avec mention à la flûte concertante dans l'air de Dircé, ainsi que la prestation des choeurs, relégués hors scène. En définitive, si l'on sort quelque peu frustré par les options du metteur en scène, en ayant l'impression d'avoir davantage entendu des variations autour de Médée que Médée à proprement parler, nous sommes reconnaissants à Laurence Dale de nous avoir permis d'entendre cette partition véritablement passionnante et servie par de jeunes interprètes très engagés. Prochain rendez-vous : Powder her face de Thomas Adès.
 
 

Vincent DELOGE
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