C O N C E R T S 
 
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STRASBOURG
07/02/04

(Acte I)
Wolfgang Amadeus MOZART

LE NOZZE DI FIGARO

Direction musicale - Dietfried Bernet
Mise en scène - Nicholas Hytner
Reprise de la mise en scène - Stephen Taylor
Décors et costumes - Maria Bjørnson
Éclairages - Simon Trottet

Il conte d'Almaviva - Christian Gerhaher
La contessa d'Almaviva - Barbara Haveman
Susanna - Henriette Bonde-Hansen
Figaro - Luca Pisaroni
Cherubino - Nora Sourouzian
Bartolo - René Schirrer
Marcellina - Diana Montague
Don Basilio - Loïc Félix
Barbarina - Luanda Siqueira

Choeurs de l'Opéra national du Rhin
Orchestre symphonique de Mulhouse

Production de l'Opéra de Genève

Strasbourg, le 7 février 2004



Cette production des Nozze di Figaro du Grand Théâtre de Genève est signée du metteur en scène Nicholas Hytner à qui l'on doit de superbes spectacles comme La Petite Renarde Rusée de Janacek au Châtelet. Pour une fois, l'univers du XVIII° siècle ne passe pas à la trappe et ne le cède pas à la transposition contemporaine (aussi réussie puisse-t-elle être, comme dans la mise en scène de Robert Carsen). Nicolas Hytner s'en justifie en expliquant que le sujet choisi par Mozart et Da Ponte "colle" trop à l'univers pré-révolutionnaire français. De fait, toute allusion à l'Espagne (l'opéra - tout comme la pièce de Beaumarchais - est censé se dérouler à Séville) est gommée pour accentuer les références françaises. Si une "french touch" est effectivement sensible dans les décors (magnifiques) représentant des intérieurs, elle est par contre absente du jardin du quatrième acte où seuls quelques arbres parsèment la scène... rien de particulièrement français là-dedans. Des bosquets géométriques eussent mieux convenu et auraient permis de rendre plus crédibles les jeux de cache-cache qui occupent l'acte.

Les décors de Maria Bjornson ne sont pourtant pas qu'une simple évocation des styles Louis XV ou Louis XVI. La variété des volumes (la chambre de Suzanne et Figaro est réellement exiguë), la couleur uniforme et terne (soulignant la grisaille, et quelque part, la routine de la vie des personnages), l'accentuation des perspectives (qui semble enfermer plus encore les personnages) participent à une vision presque pessimiste des choses. L'absence de plafond aux intérieurs semble offrir un contrepoint à ces éléments et symboliser une sorte d'"ailleurs", une échappée possible, une vision vers un avenir inconnu ... (la société issue de la Révolution ?).

Dans cette scénographie, les péripéties marchent à merveille, ce que vient couronner une très belle direction d'acteurs. Figaro est écervelé et jaloux au point d'en devenir antipathique, Susanna se révèle manipulatrice, la Comtesse pathétique, mais pas forcément sympathique ("terriblement bourgeoise" dit le metteur en scène !) tandis que Chérubin est un jeune dépucelé incontrôlable. Il s'agit donc pour Nicolas Hytner davantage d'une guerre des sexes que d'une guerre des classes, une vision des choses tout à fait pertinente et ici très convaincante.


(Figaro & Susanna)

Les chanteurs réunis pour cette reprise sont parfaitement à l'aise dans cet univers. Tous offrent une belle caractérisation de leur personnage sur le plan scénique. Vocalement, les hommes prennent le dessus. Luca Pisaroni est un excellent Figaro. La beauté du timbre, l'égalité des registres et la souplesse de la voix sont admirables. Le Comte de Christian Gerhaher possède les même qualités. René Schirrer (Bartolo) excelle comme d'habitude dans les rôles de composition, mais la voix et le chant ne sont jamais sacrifiés, c'est l'oeuvre d'un grand artiste. On remarque aussi le très bon Loïc Félix en Don Basilio, ainsi que les convaincants Michel Lecomte en Don Curzio et Alain Domi en Antonio.

Chez les dames, on goûtera surtout la Susanna d'Henriette Bonde-Hansen qui fut l'an dernier, ici même, une merveilleuse Zdenka d'Arabella. Barbara Haveman montre plus de difficultés à s'épanouir vocalement dans l'écriture exigeante du rôle de la Comtesse. Un manque de souplesse et de moelleux sont sensibles. Le chant de Diana Montague est parfois un peu dur, un art consommé rachète ces aspérités. Nora Sourouzian est un Cherubino très vivant même si l'on souhaiterait parfois un peu plus de rondeur. Luanda Siqueira, quant à elle, incarne une Barberina absolument charmante.

On retrouve à la tête de l'Orchestre Symphonique de Mulhouse l'excellent chef Dietfried Bernet dont on apprécie la direction alerte et très soignée. De la belle ouvrage ! On accordera enfin une mention spéciale à la claveciniste Cordelia Huberti qui gratifie les récitatifs (sur une superbe copie d'un Ruckers) un accompagnement d'une finesse, d'une imagination et d'une précision tout à fait remarquables.
 
 
 

Pierre-Emmanuel LEPHAY
Prochaines représentations

à Strasbourg : 11, 13 février à 20 h. et 15 février à 15 h. (03 88 75 48 23)
à Colmar : 20 février à 20 h. et 22 février à 15 h. (03 89 20 29 02)
www.opera-national-du-rhin.com
 

Prochaine production de l'Opéra du Rhin : Hans Heiling

L'est de la France nous gâte d'oeuvres rares à la scène : après Gustave III d'Auber, Médée de Cherubini à Metz (voir nos comptes-rendus), et en attendant Les Huguenots toujours à Metz et L'Africaine à Strasbourg, il ne faut pas manquer l'exhumation d'un des ouvrages les plus marquants du romantisme allemand pré-wagnérien, une sorte de Freischütz-bis : Hans Heiling (1833) d'Heinrich August Marschner. Il s'agira d'une création française. La mise en scène, les décors et les costumes ont été confiés aux lauréats du concours européen de mise en scène Camerata Nuova.
Notre revue reviendra sur cet événement à ne pas manquer.

A Strasbourg : 5, 8, 11, 13, 15 et 20 mars à 20 h.
A Mulhouse : 26 mars à 20 h., 28 mars à 15 h.
 

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