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Joyce Di Donato

¡Pasión !


Joyce Di Donato, mezzo-soprano
Julius Drake, piano

Fernando J. Obradors (1897-1945)
Canciones clasicas espanolas

Enrique Granados (1867-1916)
Elegia eterna
La maja dolora
No lloreis, ojuelos

Joaquin Turina (1882-1949)
Poema en forma de canciones

Manuel de Falla (1876-1946)
Siete canciones populares espanoles

Xavier Montsalvatge (1912-2002)
cinco canciones negras

Giocchino Rossini (1792-1868)
canzonetta spagnuola

Enregistré à Jafre (Espagne) en mai 2006

CD Eloquentia - 0608
Durée : 74’42


Jules Massenet (1842 – 1912)
9. Werther : “Pourquoi Me Réveiller”

Charles Gounod (1818 – 1893)
10. Roméo Et Juliette : “C'est Là !”

Fromental Halevy (1799 – 1869)
11. La Juive : “Rachel, Quand Du Seigneur”

Giacomo Meyerbeer ( 1791 – 1864)
12. L'Africaine : Pays Merveilleux

Georges Bizet (1838 – 1875)
13. Carmen : La Fleur Que Tu M'Avais Jetée

Alfred Bruneau (1857 – 1934)
14. L'Attaque Du Moulin : Le Jour Tombe, La Nuit Va Bercer

Franco Alfano (1875 – 1954)
15. Cyrano De Bergerac : Roxane


Deutsche Grammaphon – 442 875 - 3
Compilation 2006


Près des remparts de Séville


En 1992, alors qu'elle hésite entre une carrière improbable de cantatrice ou celle, plus sûre, d'enseignante, une mélodie de Fernando Obradors, "Del cabello mas sutil", décide de l'avenir de Joyce Di Donato. Quelques années et quelques triomphes plus tard - Déjanire, Sesto, Ascanio, etc. - la mezzo-soprano américaine revient à ses premiers amours avec un disque en forme d'hommage à cette Espagne qu'elle a depuis appris à connaître et à aimer... à sa manière.

En effet, du pays de Cervantes, Joyce Di Donato retient "la beauté et la vivacité de son peuple" ainsi que " les  couleurs éclatantes, dorées et rouges, une chaleur qui n[e m]'est pas insupportable, des assiettes généreusement servies de tapas et de poissons frais, la couleur verte de l'huile d'olive et le vin rouge qui coule à flots".

Son interprétation des mélodies espagnoles se conforme à cette vision idyllique. La voix, longue, souple et égale, épouse avec élégance les arabesques que trace la musique. D'un compositeur à l'autre, la rondeur du timbre évoque un pays splendide, secoué de sentiments farouches. Ici la caresse sensuelle des " canciones " de Fernando Obradors - avec, à tout seigneur, tout honneur,  un "Del cabello mas sutil" brodé avec une délicatesse telle qu'il pourrait être signé Reynaldo Hahn - là, les mélodies douloureuses d'Enrique Granados qu'exalte la beauté des notes graves ou encore la mélancolie plaintive de Joaquin Turina et celle, grinçante, de Xavier Monsalvatge. Plus connues, les sept chansons populaires de Manuel de Falla sont traduites avec la même application et la même noblesse. Le piano de Julius Drake, par son indispensable soutien rythmique, ajoute à la couleur locale. Derrière chaque pièce se devine l'attention portée au mot, l'effort pour restituer le climat, le travail mais aussi le bonheur de s'abandonner enfin à la fièvre ibérique.

S'abandonner ? Pas totalement cependant. Il y a dans l'interprétation trop de contrôle et paradoxalement trop de perfection pour que l'émotion s'installe. Il manque l'odeur du sang qui monte de l'arène, celle de l'ail et de la friture qui s'échappe des bars, la lèpre des quartiers misérables, les papiers gras et les mégots au sol, le bruit et la fureur des nuits madrilènes. Il manque la fêlure qui transforme le chant en plainte, la rage indomptable, la fureur.

Et pourtant, l'impression sauvage finit par survenir alors qu'on ne l'attendait plus ; à l'occasion d'une canzonetta spagnuola de Rossini offerte en bis à la fin du récital et dont le rythme effréné n'est pas sans rappeler " les tringles des sistres chantaient ". Joyce Di Donato sait alors trouver les inflexions torrides qui, mieux que toutes les chansons précédentes, projettent l'auditeur dans une Espagne idéale, celle promise par le titre de l'album. Et l'on se prend alors à songer à une autre espagnole, incandescente et ombrageuse, à laquelle la cantatrice saurait rendre justice : Carmen.

   

Christophe Rizoud


N.B. : A l'occasion de son passage à Paris (Idamante dans la production d'Idoménée mise en scène par Luc Bondy à l'ONP), Joyce Di Donato a bien voulu répondre à nos 5 questions .


 
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