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Renée FLEMING

The Age of the Diva

1 « Poveri fiori » (Cilea, Adriana Lecouvreur)
2 « Dobrà! Jà mu je dàm! ... Jak je mi? » (Smetana, Dalibor)
3 «  Pochudilis mne budto golosa » (Tchaikovsky, Oprichnik)
4 « Vissi d’arte » (Puccini, Tosca)
5 « Ich ging zu ihm » (Korngolg, Das Wunder der Heliane)
6 « Ô légère hirondelle » (Gounod, Mireille)
7 «  Orchesterzwischenspiel »
8 « Wie umgibst du mich mit Frieden » (R. Strauss Die Liebe der Danae)
9 « Tsvetï moi! »( Rimsky-Korsakov, Servilia)
10 « Tacea la notte … Di tale amor » (Verdi, Il Trovatore)
11 «J’ai versé le poison dans cette coupe d’or » (Massenet, Cléopâtre)
12 « Mamicko mam tezkou hlavu » …
13 « Kdo to je? -Jenufko, ty jsi jeste vzuru? » (Janacek, Jenufa)
14 « Ich soll ihn niemals, niemals mehr sehn » (Korngold, Die Kathrin)


Orchestra of the Mariinsky theatre
Direction : Valery Gergiev

Un CD Decca 0 28947 58069 0



Diva parmi les divas


Renée Fleming rend hommage aux divas de la Belle Epoque, ces cantatrices mythiques qui ont côtoyé, fasciné et souvent inspiré les compositeurs de leur temps, Maria Jeritza, Emmy Destinn, Geraldine Farrar, Mary Garden et tant d'autres dont les portraits illustrent l'élégant livret qui accompagne le CD et alternent avec des photos en noir et blanc de la cantatrice américaine, vêtue d'une somptueuse robe 1900.

Presque entièrement centré sur des ouvrages créés entre 1870 et 1920, le programme mêle astucieusement des airs célèbres et des pages extraites d'opéras oubliés qui constituent autant de découvertes passionnantes pour le mélomane curieux.

C’est bien sûr à Magda Olivero qu’est dédiée la première plage du disque, « Poveri fiori » dont Renée Fleming livre une interprétation particulièrement touchante soutenue par une ligne chant d’une rare élégance. Deux autres airs complètent la partie italienne du récital: l‘incontournable « Vissi d’arte » dans lequel la cantatrice privilégie la beauté du son, sans pour autant sacrifier l'émotion et la scène d’entrée de la Leonora du Trovatore où la pâte sonore somptueuse n'est pas sans rappeler la jeune Leontyne Price. Les vocalises de la cabalette sont affrontées avec aisance et l'on regrette seulement qu’elle ne soit pas doublée.

S'il est deux compositeurs que les femmes ont particulièrement inspirés et qui ont écrit des rôles de soprano qui figurent parmi les plus remarquables, c'est bien Richard Strauss et Jules Massenet. Tous deux tiennent une place privilégiée dans la carrière de Renée Fleming dont la voix onctueuse et sensuelle convient idéalement aux héroïnes qu'ils ont modelées.
Le premier est présent avec la scène finale de L'Amour de Danaé, assurément l'une des plus belles jamais enregistrées. Après la Maréchale, Arabella et la Comtesse de Capriccio à la scène et Daphné au disque, Renée Fleming serait bien inspirée d'ajouter ce rôle à son répertoire.

Du second, la cantatrice a déjà incarné avec bonheur Salomé dans Hérodiade à San Francisco (1) et Manon, notamment à l' Opéra Bastille. Dans quelques mois elle sera Thaïs (dont elle a enregistré une intégrale pour Decca) sur la scène du Châtelet. Pour ce récital elle a jeté son dévolu sur un air particulièrement dramatique, tiré de Cléopâtre, le dernier opéra du compositeur. Un choix judicieux qui lui permet d'incarner avec un sens aigu de la tragédie, la reine d'Egypte.

En revanche on se montrera quelque peu réservé sur le choix de la valse de Mireille composée par Gounod à la demande de la créatrice, qui réclame une voix plus légère et une vocalisation plus aérienne.

On sait les affinités qui lient Renée Fleming au répertoire tchèque (2) depuis l’inoubliable Rusalka qu’elle a gravée chez Decca et chantée à l’Opéra de Paris. Ici, c'est Janacek qu'elle met à l'honneur avec la grande scène du rêve de Jenufa à l'acte deux, suivie du duo avec la Kostelnicka dans lequel Yvona Skvarova lui donne une réplique plus qu'honorable. L'interprétation, hallucinante de bout en bout, convainc d'autant plus que Jenufa est le seul des personnages présents sur ce CD que la cantatrice ait interprété également au théâtre.

En janvier 2002, Renée Fleming avait chanté au cours d’un récital au Châtelet un troublant lied de Marietta extrait de Die tote Stadt, qui révélait l’adéquation de sa voix avec la musique de Korngold dont elle nous propose ici deux scènes tirées d’opéras rarissimes de toute beauté, notamment l'air d'Héliane (plage 5) rôle écrit pour Maria Jeritza qui fut finalement créé à Vienne par Lotte Lehmann.

Autres perles rares, les airs de Tchaïkovsky, Rimsky Korsakov et Smetana qui complètent le programme, sont tous issus d’ouvrages oubliés ou très rarement joués.

Au pupitre Valery Gerghiev est bien davantage qu'un accompagnateur de routine, c'est un partenaire subtil et attentif qui respecte le style de chaque compositeur et tisse un écrin somptueux pour la voix de la Fleming, aujourd'hui à l’apogée de sa carrière, qui signe ici un de ses récitals les plus aboutis.

 
Christian PETER


(1) Sony a publié en 1995 un enregistrement capté sur le vif de cette Hérodiade qui était dirigée également par Valery Gergiev.

(2) Renée Fleming est issue d'une famille d'origine tchèque.


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