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Gaetano DONIZETTI (1797 – 1848)

LUCIA DI LAMMERMOOR

Dramma tragico in tre atti
Livret de Salvatore Cammarano
d’après « The Bride of Lamermoor » de Sir Walter Scott

Lucia : Joan Sutherland
Sir Edgardo di Ravenswood : Alfredo Kraus
Lord Enrico Ashton : Pablo Elvira
Lod Arturo Bucklaw : Jeffrey Stamm
Raimondo Bidebent : Paul Plishka
Alisa : Ariel Bybee
Normanno : John Gilmore

Direction musicale : Richard Bonynge
Chef des chœurs : David Stivender
Chorégraphie : Alicia Markova
Mise en scène : Margherita Wallmann (réalisée par Bruce Donnell)

Décors et costumes : Attilio Colonello
Lumières : Gil Wechsler           

Orchestre, chœurs et ballet du Metropolitan Opera

1 DVD-Video 073 410-9 enregistré au Metropolitan Opera
pendant la représentation du 13 novembre 1982.




Lucy in the sky with Diamonds

Certes, il y eut Maria Callas qui, par une mystérieuse alchimie, transfigurait tout ce qu’elle touchait. Mais il est clair que celle que l’on surnomma très vite « La Stupenda » allait livrer du rôle mythique de Lucia di Lamermoor, chef d’œuvre romantique et belcantiste s’il en est, une interprétation qui, très vite aussi, figurerait parmi les références absolues du chant.

J’ai eu la chance de voir et d’entendre « La Stupenda » dans Lucia en avril 1985 au Covent Garden. C’était rien moins que Carlo Bergonzi qui lui donnait la réplique en Edgardo… et c’étaient aussi les "presque adieux
(*)" de Joan Sutherland au rôle, ovationnée sous une pluie de jonquilles. La voix était quasiment intacte et le style et la technique toujours superlatifs.

Ce DVD nous propose de la retrouver trois ans auparavant, en novembre 1982, au Metropolitan Opera, après une absence de quatre années de cette scène prestigieuse, cette fois avec le grand Alfredo Kraus en Edgardo, en compagnie duquel elle nous livra une interprétation mémorable d’un autre de ses grands rôles, « Lucrezia Borgia », du même Donizetti. (DVD Kultur, Covent Garden)    

Plus peut-être encore que Bergonzi, Kraus incarna l’élégance, le raffinement et la grâce de ce style bel cantiste qui le rendit si célèbre. Les retrouver ce soir-là ensemble était une fête pour le public du Met, avec une Sutherland âgée déjà de 56 ans et encore à son zénith au niveau vocal, technique et interprétatif..La grande Joan avait déjà chanté plusieurs fois ce rôle au Met en 1961, 1964, 1966 et 1970, et depuis 1964, la production de Margherita Wallmann - une habituée de la Scala de Milan qui avait été très liée à Callas - n’avait plus de secret pour elle.

On retrouve dans cette vision - qu’on dirait très « classique » aujourd’hui – un sens assez « baroque » du drame, très caractéristique de ce metteur en scène, qui faisait confiance à la musique pour rythmer l’action et sculpter les gestes et les mouvements des personnages. Les décors lourds et somptueux, les costumes superbes et très seyants ajoutent à ce côté un peu oppressant du piège doré qui va se refermer sur la malheureuse Lucia… Un des sommets de la représentation restera la fameuse « scène de la folie » où l’héroïne arrive à reculons du fond de la scène, vêtue d’une robe blanche et vaporeuse maculée de sang, devant une assemblée terrifiée et parée de riches brocards. Un sommet du drame romantique, presque un « thriller », tant l’atmosphère respire la mort que Lucia porte sur elle.

Comment une femme aussi grande, voire un peu massive, peut alors se déplacer avec tant de grâce et de légèreté, et se révéler aussi touchante ? C’est là un miracle comme celui de l’incandescence de Callas en scène… Chacune à leur manière aura marqué ce rôle de façon indélébile, et l’on ne sait ce que l’on doit admirer chez « La Stupenda » : la beauté du timbre, le style, le legato, la colorature stratosphérique, les trilles impeccables, la puissance vocale et/ou l’art de faire croire à la naïveté et à l’ingénuité d’une jeune épousée chez cette dame presque sexagénaire. Sans doute fallait-il une artiste aussi exceptionnelle qu’elle pour y parvenir.

D’autres sont venues et viendront encore, mais il est clair qu’on tient là une interprétation « historique » de ce rôle. Hormis Alfredo Kraus, (déjà âgé de 55 ans), renversant de style, de noblesse, d’autorité et de charme, les autres chanteurs ne sont pas en reste, et en particulier le formidable baryton portoricain Pablo Elvira, époustouflant d’assurance sombre et sauvage. La basse Paul Plishka, membre de la troupe depuis 1967, livre un chant bouleversant d’humanité, et tous les autres « comprimari » sont également dignes d’éloges.

Au pupitre, Richard Bonynge mène tambour battant cette œuvre qu’il connaît si bien et à propos de laquelle il a effectué de nombreuses recherches. Les chœurs du Met flamboient, l’orchestre scintille, comme autant d’étoiles au firmament de l’Opéra.

   Juliette BUCH

* Ndlr : Dame Joan chanta par la suite une bonne dizaine de fois encore Lucia à Sydney en 86 (5 représentations) et au Liceu de Barcelone en 88  (4 représentations)

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