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Gustav MAHLER (1860-1911)

Lieder du « Knaben Wunderhorn »

Revelge
Verlor’ne Müh
Des Antonius von Padua Fischpredigt
Das irdische Leben
Trost im Unglück
Wo die schönen Trompeten blasen
Wer hat dies Liedlein erdacht ?
Lob des hohen Verstands
Der Tambourg’sell
Vespro della Beata Vergine (1610)

Gabrieli Consorts & Players
Paul Mc Creesh

2 CD Archiv (44’57’’ et 52’57’’). 00289 477 6147
Enregistré en 2005.




Monteverdi sauce vinaigrette


Que les choses soient claires : de Monsieur McCreesh nous n’avons pas le début du commencement de l’érudition philologique et musicologique.

Lorsqu’il nous explique que les choix faits pour le présent disque reposent sur des hypothèses « plausibles » fondées sur le contexte historique de la cour de Mantoue, l’analyse des éditions princeps et les règles de la liturgie, nous acquiesçons avec la discipline du benêt. Lorsqu’il en résulte qu’en lieu et place du chœur, nous tenons un soliste par pupitre et que certaines pièces se retrouvent rejetées en fin d’office (Duo Seraphim, Audi Coelum), nous opinons poliment du chef car nous ne comprenons pas grand’chose à ces raffinements – dont cependant l’admirable nécessité ne nous échappe pas : sans des esprits aussi éclairés que celui de Monsieur McCreesh, on jouerait encore les Vêpres avec orchestre symphonique, accordéon et orgue de barbarie obligé, ou quasi.

Tout juste nous contenterons-nous de remarquer qu’il nous fut donné de lire sous la plume de Rinaldo Alessandrini des raisonnements et des analyses fort analogues aboutissant à des conclusions partiellement semblables quoique pas toujours aussi déterminées (notamment dans l’ordre des pièces).

Peut-on oser ajouter que lesdites conclusions de Rinaldo Alessandrini ne se dispensaient pas d’aligner des solistes de haute école, capable d’honorer les modalités interprétatives souvent virtuoses voulues par Monteverdi ?

Les intermèdes à l’orgue, les pièces rapportées de Cima ou Banchieri, les antiennes graves et sobres, quelques interventions de belle tenue (Duo Seraphim), valent le détour, mais ne nous exemptent pas d’approximations dans l’intonation, de timbres délavés, de dysharmonies dans les couleurs instrumentales, de violons grinçants, et le reste à l’avenant.

Si notre esprit nage dans l’obscurité, nos oreilles savent encore faire la différence entre un ténorino nasillard et une voix saine. Or il ne semble pas qu’aucune règle philologique requière des voix aussi piteuses que celles qu’aligne Monsieur McCreesh. Revanche de l’ignorant sur le docte : une connaissance même générique des Vêpres laisse entendre une vocalité extraordinairement exigeante, qui se trouve dans l’écriture tout autant que les débats scholastiques sus-cités.

On dira que la beauté sonore ou vocale n’est pas une exigence absolue de la musique sacrée de Monteverdi. On peut même rechercher une certaine âpreté sonore, et la justifier. Du moins la capacité de plier la voix aux phrasés subtils et aux impératifs techniques parfois contradictoires imposés aux solistes fait-elle partie intégrante de la rhétorique monteverdienne. L’entente des timbres et le respect de la ligne ornée en font également partie.

Si bien que l’on s’interroge sur cette philologie hémiplégique, qui prône le respect scrupuleux d’un nombre défini d’éléments liturgiques et historiques, mais fait litière de la part proprement interprétative, comme s’il ne s’agissait que de l’écume de la musique. Sur ce point, on se gardera de donner des leçons à Monsieur Mc Creesh, car nous n’en sommes pas dignes. Simples brebis de ce pasteur austère, nous signalerons simplement que nous préférons notre herbe moins aigre et vinaigrée, fût-elle authentiquement bio.


Sylvain FORT

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