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Franz SCHUBERT

Schwanengesang D.957 - 5 Lieder

Nathalie Stutzmann, contralto
Inger Södergren, piano
 

Calliope 9359, enregistré en juin 2005, 70'09


Que dire de cette nouvelle incursion de Nathalie Stutzmann chez Schubert, après son remarquable Winterreise d'il y a deux ans ? Les mêmes qualités s'y retrouvent, à savoir une interprétation directe, sans affectation ou exagération aucune, où le chant se fait langage, et qui par son naturel surclasse aisément une grande partie de ses concurrents masculins. Doucement tragique dans le Voyage d'Hiver, la contralto peut désormais sortir de ces grandioses ruines pour affronter un Schwanengesang beaucoup plus disparate. En effet, ce Chant du Cygne n'est en réalité qu'un titre racoleur que l'éditeur a plaqué sur une réunion de quelques Lieder que Schubert composa vers sa fin. Le commentaire lyrique d'André Tubeuf insiste d'ailleurs - avec raison - sur l'énorme fossé qui sépare l'Hiver du Cygne : à l'écriture extrême et dépressive du premier s'oppose une partition moins audacieuse, d'une tranquillité sûre, d'une conviction inébranlable, aux climats changeants. Les Lieder rassemblés sont donc plutôt variés, mais ils partagent cependant cette nostalgie un peu lointaine qu'on retrouve si souvent chez Schubert.

Dès "die Taubenpost", au rythme gai et sautillant, la voix enveloppante de Nathalie Stutzmann séduit par des aigus pleins, une sûreté et une rondeur dans l'émission, une prononciation impeccable qui joue sur les sonorités des mots. Son chant coule, fluide et inexorable, telles ces rivières qu'elle dépeint. A ses côtés, Inger Södergren prodigue plus qu'un simple accompagnement : elle dialogue avec la chanteuse, tout en ne cherchant jamais à se mettre indûment en avant. La pianiste affiche une ductilité du toucher et une facilité apparente de jeu - non dépourvue d'humour - qu'on ne peut qu'admirer. Et les paysages déferlent, lied après lied : vitres gelées, ciels nocturnes, ponts, forêts et ruisseaux apparaissent presque magiquement sous la voix de Nathalie Stutzmann, à qui l'âme romantique convient décidément à merveille. Dans "Der Tod und das Mädchen", elle sait se faire souffle persuasif, lorsque la Mort vient chercher l'enfant. Dans "A la Bruck", la voici trottinant à toute vitesse, comme ce jeune homme à cheval dont elle chante l'histoire, se défiant des difficultés techniques. Le récital se conclut (trop tôt, sans qu'on ai vu passer les 70 minutes de l'enregistrement) sur le murmure crépusculaire et inquiétant de "Der Doppelgänger" (Le Double). Alors, dans le cri étouffé et suffocant de celui qui aperçoit avec horreur son propre visage, livide, éclairé par Lune, l'on ne peut s'empêcher d'imaginer celui-là même du compositeur, rongé par la maladie.
  


Viet-Linh NGUYEN




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