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Antonio Vivaldi (1678-1741)

Stabat Mater RV 621 pour alto et cordes
Nisi Dominus RV 608 pour alto et cordes
Salve Regina RV 616 pour alto et cordes
Concerto pour viole d'amour en ré mineur F II n°2

Carlos Mena, contre-ténor
Ricercar Consort, direction Philippe Pierlot

2003 DDD Notices en allemand, anglais et français,
Texte chanté en latin, allemand, anglais et français
1 CD MIRARE 9968


L'air de rien, Carlos Mena réussit un exploit : livrer une lecture émouvante et personnelle d'un tube maintes fois gravé, notamment par ses collègues falsettistes. Loin de sombrer dans l'expression emphatique, la dramatisation très extérieure d'un David Daniels qui semble vouloir se distinguer à tout prix, le contre-ténor espagnol investit la partition avec une intelligence et une sensibilité remarquables. Le ton, celui de la déploration mais non du pathos, la dimension, humaine et presque intimiste, sont donnés d'emblée. D'une extrême concentration, approfondie, sobre et intense, la lecture est portée par une voix intrinsèquement mélancolique et même fragile (ce vibratello qui est le frémissement de la vie même), chaude et lumineuse que nous avons déjà pu admirer dans des lamenti baroques allemands ("De Aeternitate" chez MIRARE).

Cependant, le dolorisme n'est jamais lénifiant, il n'émousse pas la violence du texte ("pertransivit gladius"), dont les images jaillissent avec une évidence nouvelle et révèlent une force et une variété expressives souvent éludées au profit de la plastique vocale et de l'hédonisme sonore. C'est particulièrement vrai de certaines pages dont Mena libère la charge émotionnelle (Cuius animam, Quis non posset...) comme peu de chanteurs avant lui. Aucune jubilation déplacée dans le Fac ut ardeat cor meum ou dans l'Amen final, souvent expédiés au gré d'une lecture superficielle, mais une sérénité retrouvée, sans éclat déplacé. 

Depuis leur première collaboration, sur l'album déjà évoqué, la complicité est absolue, fusionnelle entre le soliste et le Ricercar Consort dont les cordes unissent véritablement leur chant à celui du contre-ténor. Cette version pourrait bien prendre la tête d'une abondante discographie, aux côtés de celles d'Aafje Heynis et de Sara Mingardo. 

D'une tessiture nettement plus grave, le Salve Regina se révèle périlleux pour la plupart des contre-ténors, qui maîtrisent rarement le changement de registres ; il requiert plutôt les graves solides et le timbre sombre d'un contralto féminin, comme l'a démontré le sublime enregistrement de Nathalie Stutzmann (Hypérion). Le chant manque de plénitude et l'interprète s'y révèle étrangement placide, serait-il moins à l'aise ? 

Carlos Mena semble avoir peu d'affinités avec l'écriture nettement plus démonstrative du Nisi Dominus, sa vocalisation manque de netteté et de panache et un ornement superflu dans le Sicut sagittae, ainsi, surtout, qu'un un aigu forcé à la fin de l'Amen étonnent chez cet artiste au goût apparemment très sûr. Par contre, les plages de répit (Vanum est vobis, Beatus vir, Surgite) renouent avec les meilleurs moments du Stabat Mater. Un état de grâce qu'il retrouve dans le Gloria Patri et, en partie, dans l'hypnotique Cum dederit - si vous avez Philippe Jaroussky, mais aussi Michael Chance dans l'oreille, leur (ré) aigu sur "ventris" vous paraîtra sans doute moins droit, plus céleste et suave. A noter que Philippe Pierlot propose une version alternative du Gloria Patri où la gambe remplace la viole d'amour, les dernières recherches musicologiques donnant à penser que la "viola all'inglese" mentionnée dans la préface de la partition moderne désigne la basse de viole et non la viole d'amour. Le chant se détache d'autant mieux de l'écrin instrumental et son envol n'en est que plus saisissant... En complément de programme, un concerto pour viole d'amour, sous l'archet honnête de François Fernandez. Rien de mémorable, en regard du Stabat Mater.
  


Bernard SCHREUDERS




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