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Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

DIE ZAUBERFLÖTE

Sarastro, Matti Salminen
Königin der Nacht, Elena Mosuc
Pamina, Julia Kleiter
Tamino, Christoph Strehl
Papageno, Ruben Drole
Papagena, Eva Liebau
Sprecher, Gabriel Bermudez
Monostatos, Rudolf Schasching
Erste Dame, Sandra Trattnig
Zweite Dame, Martina Welschenbach
Dritte Dame, Katharina Peetz
Drei Knaben, Solisten des Tölzer Knabenchores
Erster geharnischter Mann, Andreas Winkler
Zweiter geharnischter Mann, Tomasz Slawinsky
Erster Priester, Andreas Winkler
Zweiter Priester, Morgan Moody

Chor der Oper Zürich
Orchestrer der Oper Zürich
Nikolaus Harnoncourt

Mise en scène, Martin Kusej
Décors, Rolf Glittenberg
Costumes, Heidi Hackl
Lumières, Jürgen Hoffmann

2 DVD Deutsche Grammophon, 00440 073 4367




Regarder l’horizon


Le jeu est cruel mais utile : pour résumer cette parution on pourrait dire qu’Harnoncourt y signe son retour à la Flûte dans une production très Regietheater où domine l’esprit de troupe.

Ceci posé, cet opus n’est pas forcément la version du « néophyte ». Pour cela il faudra aller vers le DVD de Sawallisch ou vers la si belle et si tendre Flûte de Besson. Car il faut reconnaître que le postulat, ici, est celui de l’approfondissement d’une lecture… qui reste une lecture avant tout ! Rien n’oblige à aimer cette esthétique post-marxiste, clinique, froide – Tamino et Pamina sur des brancards de morgue, au final, il faut oser. Rien n’oblige à se pâmer devant cette longue ascèse cauchemardesque qui surexpose tout ce que l’inconscient de l’œuvre peut – pourrait – charrier de nauséeux, de cru aussi – les acolytes couverts de sang – voire d’épouvante – les enfants aux corbeaux sont très efficaces de ce point de vue. La Flûte vécue comme un abyme du mariage, why not. Mais il ne vaut peut-être mieux pas la découvrir par ce canal !

Cependant il émane de tout cela une humanité magnifique, profonde… Simplement belle. Une humanité forcément – mais après tout, est-ce si évident ? – relayée avec une hauteur naturelle par Harnoncourt. Une humanité qui se lit, en miroir, entre les notes et sur les visages – voyez le sourire ténu et pourtant si fort de Sarastro au final. Une humanité violemment incarnée, dans une équipe qui ne l’est pas moins.

Harnoncourt, aujourd’hui, c’est un peu Böhm qui aurait assimilé les leçons des instruments d’époque, de la métrique baroque. Harnoncourt, c’est un geste apollinien, déchargé des scories d’une certaine époque ; c’est un équilibre léger, fragile mais toujours franc… allant droit au but comme la musique de Mozart selon ses propres mots. Harnoncourt tient tout entier dans une « ouverture » à l’architecture qui sait se faire oublier derrière la prégnance des timbres. Harnoncourt, aujourd’hui, c’est la force de susciter chez ses musiciens un engagement mais aussi des subtilités, des allégements impensables il y a quelques années encore – les piani de Papageno dans son duo avec Pamina. Car Harnoncourt, qui n’a plus rien à prouver, n’a plus qu’à chercher, fouiller dans la matière musicale. Bref Harnoncourt ose la tension mais aussi la lenteur – le même duo – sans que cela gêne… et sans commune mesure avec ses récentes Noces, par exemple. Parce que c’est habité tout simplement – même si ceci reste très subjectif, j’en ai bien conscience!

Bref, Harnoncourt côtoie des sommets qui confinent à l’explication de texte mais qui vont très bien à la Flûte, comme pour cette « scène des épreuves » quasi-abstraite ouverte comme un gouffre ; comme aussi la bonhomie nostalgique de l’entrée de Papageno qui en fait un brave garçon songeur… pour ne pas dire plus.

La distribution, finalement, n’est pas non plus celle des mirages vocaux ; elle va au-delà – ou en-deça, c’est selon. C’est même, plutôt, la juxtaposition d’individualités charnues, charnelles où l’imaginaire n’a pas forcément sa place. Kleiter est une Pamina très femme dont l’air reste comme une plaie ; Strehl renvoie aux Tamino d’avant-guerre, aux héros tendus, aux quasi-Heldentenor ; Mosuc en Reine donne un personnage au bord de la crise de nerfs, vampant des contre-fa détaillés comme à la découpe. Papageno lui, c’est l’humain « trop humain » : Ruben Drole n’est justement pas… drôle. Mais on ne le lui demande pas, en fait ; pas ici en tout cas. Et Salminen, même usé n’a qu’à se glisser dans son costume – immense – de patriarche.

Sans doute tout cela est plus UNE Flûte que LA Flûte. C’est une autre vérité en tout cas. Un voyage ; une manière d’aborder à d’autres rivages. Et c’est tout à la gloire de Deutsche Grammophon que d’avoir capté cette production qui, pour cette raison, est destinée à faire date.


Benoît BERGER


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