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10 novembre 1900 : le vérisme au grand coeur

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Zapping
10 novembre 2025
Le chef d’oeuvre sensible de Leoncavallo a 125 ans

L’idée de ce qui deviendra l’opéra Zazà naît à la fin des années 1890, lorsque Leoncavallo découvre à Paris la comédie dramatique éponyme de Pierre Berton et Charles Simon, créée au Théâtre du Vaudeville en 1898.

C’est un moment opportun pour le compositeur, dont La Bohème, contemporain et concurrent de celui de Puccini, n’a pas encore disparu des scènes malgré le succès croissant de celui de son contemporain. La brouille entre Toscanini, qui avait préféré celui de son rival, est en voie de règlement (Toscanini créera le nouvel opéra) et Leoncavallo veut renouer avec un succès foudroyant, comme celui de Pagliacci au début de la décennie 1890. Il veut surtout éviter de ne devenir que l’homme d’une seule oeuvre, ce qui s’est depuis un peu confirmé…

Séduit par le sujet à la fois populaire et sentimental de Zazà, Leoncavallo décide donc d’en faire un opéra et il écrit lui-même le livret, comme à son habitude (différence notable d’avec Puccini qui, lui, malmène ses librettistes). Il en resserre la structure – quatre actes au lieu de cinq – et transforme la chronique mondaine en un drame psychologique centré sur une héroïne moderne, victime de son propre rêve d’amour. Il cherche ainsi à démontrer que son art peut aussi faire vivre sur scène des personnages humains, fragiles, plus « ordinaires » en somme. Avec Zazà, il signe l’un de ses ouvrages les plus personnels et les plus aboutis : une œuvre d’émotion contenue, de tendre mélancolie, où le monde du théâtre devient miroir des passions humaines.

Arturo Toscanini © DR
Toscanini, créateur de Zazà

Leoncavallo s’attèle à la partition en 1899, qu’il compose entre Lausanne et Paris et ce n’est pas un détail anodin, puisque la musique de Zazà, assez différente de celle de Pagliacci, s’inspire des oeuvres en vogue en France où Massenet règne alors en maître à l’opéra. La musique se fait plus subtile, moins violente.

L’action se déroule dans les coulisses d’un théâtre de Saint-Etienne, en France. Zazà, chanteuse de café-concert, mène une existence joyeuse et libre. Elle aime Milio Dufresne, un élégant homme du monde qu’elle croit sincère et qu’elle suit à Paris. Mais Milio est marié. Lorsque Zazà découvre la vérité par l’intermédiaire jaloux de son ancien amant, le policier Castrat, sa passion s’effondre. Dans une scène bouleversante – cœur émotionnel de l’opéra – elle se rend chez Milio et rencontre Totò, la petite fille de ce dernier. L’enfant, innocente, lui tend la main : Zazà comprend alors qu’elle ne peut pas détruire cette famille. Elle s’éloigne, en silence. Le dernier acte la montre de retour sur scène, contrainte de sourire et de chanter, alors que son cœur est brisé. Le rideau tombe sur ce geste dérisoire et sublime : se farder pour cacher les larmes. Comme un lointain miroir sensible de Canio…

Rosina Storchio, première Zazà, ici dans le costume du rôle

Zazà est une femme indépendante, une artiste victime d’un monde d’hommes qui mentent et manipulent, mais qui n’atteindront pas sa dignité. L’oeuvre ne sombre pas dans la caricature, elle peint un portrait sensible et respectueux, sobre et humain. L’écriture vocale, souple et expressive, suit ainsi les moindres inflexions de l’émotion de Zazà ; l’orchestre se montre sous un jour délicat, sans éclat démonstratif. C’est aussi en cela que Leoncavallo lorgne du côté de Massenet.

Le succès est immédiat et mondial après la création milanaise du 10 novembre 1900, voici 125 ans, sous la direction de Toscanini (qui ne se battra pas pour la rejouer souvent… mais qui deviendra l’amant de la créatrice du rôle, Rosina Storchio). Mais malheureusement pour Leoncavallo, il ne durera pas, dépassé par les évolutions plus modernes et plus audacieuses de Puccini et d’autres après lui. Zazà, pourtant, redécouverte peu à peu, mérite sans aucun doute une seconde chance.

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