L’histoire de la nouvelle opérette de Franz Lehár débute par un (faux) mystère qui offre un lointain cousinage avec la commande du Requiem de Mozart. Un ami du compositeur, désormais solidement établi dans le paysage lyrique viennois, lui apporte un jour un livret signé d’un auteur anonyme, dont l’identité ne devait être révélée que si Lehár l’acceptait. Ce qu’il fait, séduit par le personnage de Paganini, qu’il admirait en tant que musicien (et violoniste lui-même). D’aucuns pensent d’ailleurs que c’est Lehár lui-même qui avait suggéré l’idée d’un livret autour du sulfureux italien, qui le rendait d’autant plus enclin à accepter ce mystérieux livret, finalement écrit par Paul Knepler, un librettiste viennois qui avait commencé sa carrière comme éditeur et qui s’était déjà essayé – avec beaucoup d’aide… – à composer lui-même des opérettes.

Une fois le principe du livret accepté, Lehár en modifie lui-même plusieurs éléments et le soumet également à un autre auteur, Béla Jenbach, tout en composant la musique, ce qui va lui prendre deux ans.
Petit résumé de l’action, qui s’ouvre dans les jardins du palais du prince de Lucca, où la cour se prépare à accueillir le célèbre violoniste Paganini, invité à se produire devant la cour du prince Félix Bacciocchi. L’artiste est précédé de la réputation d’être certes un génie, mais aussi un séducteur et une personne difficile à contrôler. Paganini répète son concert et subjugue la princesse Elisa, soeur de Napoléon et épouse de Bacchiocchi qui l’envoie chercher par son chambellan Pimpinelli. Coup de foudre inévitable, évidemment. Elisa est fascinée par cet homme libre et passionné alors qu’elle est mariée à un bonnet de nuit. Ce dernier, à qui on ne la fait pas, annule le concert indisposé par ailleurs par l’attitude du violoniste, déclenchant la colère d’Elisa qui assure que le concert aura bien lieu. Pimpinelli, lui, conte fleurette à la chanteuse Bella, ancienne maîtresse de Paganini. Sur ces entrefaites, Elisa apprend que son mari est peut-être un bonnet de nuit avec, mais s’amuse bien avec d’autres, et tout particulièrement cette Bella… Elle le menace de tout révéler s’il ne rétablit pas le concert. Le prince cède et Paganini et Elisa s’en rapprochent d’autant.

À l’acte suivant, Paganini est donc bombardé directeur de la musique de la cour de Lucca. Le voici qui joue aux cartes avec Pimpinelli et Bella en compagnie d’Elisa. Le chambellan de la princesse est chanceux est gagne le Stradivarius du violoniste, à qui il réclame des leçons de séduction pour le lui rendre. Paganini lui explique donc comment faire. Mais ce cadre idyllique et joyeux s’assombrit bien vite. La liaison entre Elisa et Paganini traverse toute la bonne société lucquoise et finit par arriver aux oreilles de Napoléon qui envoie le comte d’Hédouville mettre fin au scandale. Ce dernier menace de faire arrêter Paganini et Elisa le défend. Mais elle découvre que Paganini a écrit une dédicace à Bella, son ancienne maîtresse. Blessée et furieuse, elle demande l’arrestation de Paganini à l’issue du concert qu’il est en train de donner. Mais son jeu est si envoutant que tout le monde se laisse prendre et Elisa empêche finalement l’arrestation. Craignant pour sa vie, Paganini fuit la ville et se réfugie dans une auberge. Il est rejoint par Bella et Pimpinelli, mais aussi par Elisa, qui les a suivis incognito. Elle lui fait jurer de n’aimer aucune autre femme avant de le laisser partir vers son destin.

En écrivant sa partition, Lehár sait déjà qui sera son Paganini : Richard Tauber, le grand ténor du moment ; de même que son Elisa, Vera Schwarz. Il lui faut attendre que les deux soient disponibles au même moment et c’est pourquoi il faut attendre ce 30 octobre 1925 pour que l’oeuvre soit créée au théâtre Johann-Strauss de Vienne, une petite salle qui préfigure un triomphe plus grand, deux mois plus tard, à Berlin.
Paganini est une oeuvre jalon de Lehár, qui n’y cache pas ses influences – y compris wagnériennes – et trouve un ton plus équilibré, plus sombre aussi, avant de jeter ses derniers feux.
Honneur à Elisa pour célébrer ce centenaire, avec Diana Damrau, à qui cela va comme un gant !