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21 mai 1925 : un Faust post-traumatique

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Zapping
21 mai 2025
L’ultime chef d’oeuvre posthume de Busoni était créé il y a 100 ans.

Infos sur l’œuvre

Détails

Comme pour Wagner, le livret pour Ferruccio Busoni doit être le coeur de l’opéra, c’est lui qui doit receler toute la profondeur de l’oeuvre. Dans un monde soudain désabusé et meurtri avec la guerre, qui survient en pleine genèse, il choisit le mythe de Faust, mais pas celui de Goethe : il préfère remonter aux sources plus anciennes de cette légende, notamment tirées du Volksbuch, un livre tiré de la tradition populaire germanique.
Busoni pense à cette adaptation dès 1906, et envisage même une trilogie qui ne verra pas le jour. Mais déjà, le compositeur veut s’appuyer sur le mythe pour présenter la condition de l’homme moderne et faire une oeuvre plutôt métaphysique. Il s’y met vraiment à partir de 1910 et avance lentement, très pris par ses nombreuses tournées (rappelons qu’il est l’un des plus grands pianistes concertistes de son temps). Le livret définitif est élaboré à partir de multitudes de fragments à partir de 1916, date à laquelle il commence la composition de la partition, qui avance en ordre dispersé.
Son Faust est un intellectuel lucide mais désabusé. Ce n’est pas le vieux professeur qui veut retrouver sa jeunesse physique, mais qui cherche à atteindre une sorte d’absolu intellectuel, le savoir ultime. Il n’est pas intéressé par les plaisirs mais par le pouvoir, le contrôle, l’immortalité intellectuelle. Le pacte avec Méphistophélès traduit cette quête.
Pour accentuer l’écart avec la tradition romantique, il ne divise pas le livret en actes, mais en tableaux distincts les uns des autres :
L’université de Wittenberg : Faust est présenté comme un maître intellectuel, distant, sceptique, insatisfait.
L’apparition de Méphistophélès : un être séduisant, ironique, froid, qui a les moyens de réaliser des ambitions abstraites.
Le pacte : Faust ne signe pas avec son sang mais donne l’hospitalité à Méphisto, comme s’il faisait entrer le loup dans la bergerie.
La conjuration des morts : scène hallucinée où Faust invoque les puissances de l’au-delà pour obtenir le savoir ultime.
La scène du prince et du pouvoir : Faust manipule la politique locale et crée une marionnette à son image pour gouverner.
L’homunculus : Faust fait en quelque sorte un faux bébé tout seul crée, sans amour, sans femme.
La mort de Faust, qui amène à sa possible rédemption.
La partition est serrée, complexe, foisonnante, mais Busoni meurt avant de l’achever. Son élève Philippe Jarnach complète les scènes manquantes dont la scène finale et c’est ce Doktor Faust qui est créé à Dresde il y a 100 ans sous la direction de Fritz Busch, moins d’un an après la mort du compositeur.
La découverte d’autres esquisses de ce dernier près de 50 ans plus tard conduira le musicologue et chef d’orchestre Antony Beaumont à proposer une autre version des scènes manquantes.
Voici toutefois le finale tel que créé en 1925 pour ce chef d’œuvre sombre, tout droit sorti des noirceurs de la Grande guerre, dans une mise en scène de Klaus Grüber, et sous la direction de Philippe Jordan à Zurich, avec les excellents Thomas Hampson (Faust) et Gregory Kunde (Mephisto), Busoni ayant choisi d’inverser les tessitures héritées de Gounod et Berlioz pour ses personnages.

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