On admet généralement (mais cela dépend des historiens et des musicologues) que l’opéra est véritablement né avec l’Orfeo de Monteverdi en 1607. Mais il serait à la fois faux et injuste de considérer que le compositeur de Crémone aurait subitement tout inventé, tout créé, tout imaginé. Il y a évidemment eu avant lui des prémices, des préludes, des bribes… L’un des premiers est sans doute Euridice (tiens donc) de Jacopo Peri, créé voici tout juste 425 ans ce 6 octobre, au Palais Pitti de Florence.
Cette tragédie en un prologue et 6 scènes a été commandée par le grand-duc de Toscane Ferdinand Ier à l’occasion des festivités organisées à Florence pour célébrer les noces par procuration du roi de France Henri IV avec Marie de Médicis, nièce du grand-duc en titre.
Bien d’autres spectacles étaient prévus dans ce cadre, dont plusieurs interludes et autres intermèdes signés Caccini, Guarini, Cavalieri… Pour ces Musiche sopra l’Euridice di Rinuccini (nom complet de la tragédie de Peri), le texte est confié, comme le titre l’indique, à Ottavio Rinuccini, qui s’inspire bien entendu des Métamorphoses d’Ovide mais aussi de diverses adaptations théâtrales des décennies précédentes, tout en dédiant son oeuvre à la mariée. Celle-ci est d’ailleurs présente à la représentation, ainsi que le Légat du pape et quantité d’invités prestigieux. Henri IV s’est fait représenter par le duc de Bellegarde, Grand-Ecuyer du roi. Il est tout à fait vraisemblable Claudio Monteverdi fasse alors partie de l’assistance, son maître Vincent Gonzague, duc de Mantoue, étant lui-même présent.
C’est bien le texte qui est mis en avant dans cette tragédie, simplement illustré par des moments musicaux par quelques chanteurs et instrumentistes. Pour le compositeur ce sont les mots qui priment et la musique est jugée secondaire, ou plutôt illustration. Elle ne cherche pas à prendre le pas qu’elle prendra peu à peu dans ce qui deviendra l’histoire de l’opéra. Peri utilise aussi des morceaux composés par son aîné Caccini, qui, dit-on, interdit à ses élèves membres de la distribution de les chanter. Il écrira lui-même une Euridice peu après. Peri figure également dans la distribution et tient le rôle d’Orphée tandis que l’instrumentation, autour du clavecin, se compose d’une « viola di braccio », d’un théorbe, d’un grand luth et de deux flûtes. Chaque scène se termine par un choeur.
Certains témoignages font état d’une indifférence voire d’un ennui assez prononcé de la part des spectateurs de cette Euridice. Le choc de l’opéra viendrait plus tard. Voici néanmoins un extrait de cette oeuvre redécouverte tout au long du XIXe siècle, contre toute attente, avant la renaissance baroque après la seconde moitié du XXe. Honneur ici à l’ Accademia degli Imperfetti !