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Isabelle Druet : « J’adorerais chanter Mozart, je suis en manque de Haendel, et je rêve de Richard Strauss »

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Interview
15 décembre 2014

Infos sur l’œuvre

Détails

Isabelle Druet interprète la Grande Duchesse à l’Athénée du 23 décembre au 10 janvier prochains (plus d’informations).


Votre actualité immédiate, c’est la reprise du spectacle La Grande-duchesse. Comment a commencé cette aventure ?

Loïc Boissier, fondateur de la compagnie Les Brigands, a été directeur du Théâtre musical de Besançon pendant trois ans, de 2008 à 2011. Quant à moi, je suis bisontine d’adoption ; c’est donc lui qui est venu me chercher, car il lui paraissait tout naturel que nous travaillions ensemble. Avant La Grande-duchesse, nous avions monté un Didon et Enée, d’autres propositions avaient suivi, mais elles n’avaient débouché sur rien de concret. Avec Les Brigands, il avait envie de monter un projet autour de moi. Jusqu’ici, ils avaient recréé des œuvres moins connues d’Offenbach ou d’autres compositeurs. C’est formidable, de ressortir des tiroirs et des cartons des choses qui n’ont pas été données depuis très longtemps, mais pour une fois, ils avaient envie de reprendre une grande œuvre, un titre connu. Nous avons envisagé La Belle Hélène, La Périchole, mais notre choix s’est assez rapidement fixé sur La Grande-duchesse de Gérolstein  dont j’avais déjà chanté le grand air plusieurs fois en concert, avec orchestre. Dans le domaine de l’opérette, j’avais chanté La Périchole à Pau en 2007, alors que j’étais encore au Conservatoire, et le prince Orlofsky, à l’Opéra du Rhin en 2011, mais pas grand-chose d’autre.

Les Brigands semblent pouvoir tout se permettre ; comment s’est passé le travail avec eux ?

Les Brigands aiment monter des projets assez originaux, de façon très personnelle, de petites formes. Enfin, pour La Grande-duchesse, il y a quand même neuf instrumentistes et autant de chanteurs, mais il n’y a pas de grand orchestre en fosse. D’habitude, Les Brigands travaillent avec un orchestre plus étoffé, en fosse, mais cette fois, quand Loïc Boissier a confié le spectacle à Philippe Béziat, il y avait dès le départ une volonté d’avoir l’orchestre sur scène, parce qu’en tant que réalisateur de cinéma, Philippe Béziat aime filmer les musiciens, tout le travail en amont d’un spectacle, le processus de création même. Et dans la mesure où il faisait ses premiers pas comme metteur en scène, nous tâtonnions tous ensemble, c’était assez particulier comme travail. Sans avoir vraiment l’habitude de mener une équipe, il savait ce qu’il voulait et il avait déjà beaucoup réfléchi sur son projet. Il ne lui restait plus qu’à apprendre à se positionner en tant que metteur en scène, à nous faire comprendre son univers, en un travail collectif très intéressant. Il fallait aussi trouver quelle place donner à l’orchestre présent sur scène. Et puis il y a la transcription, le gros travail de réécriture sur la participation. Mon rôle est quasiment inchangé, il y a eu quelques coupures, parce que Les Brigands aiment les spectacles assez courts, sans entracte ; une ou deux scènes ont sauté mais globalement tout le rôle est là. La reprise cette année n’était pas prévue au départ, mais le spectacle a tellement bien marché qu’il a très vite été décidé de le reprendre. Déjà, l’an dernier, c’était une grosse tournée, avec 30 ou 35 dates ; le spectacle avait été déjà une grosse tournée, nous l’avions créé à La Rochelle en novembre, et quand il est arrivé à l’Athénée en décembre, Loïc Boissier m’a dit : c’est parti pour une tournée équivalente l’an prochain ! Il a fallu caser toutes ces dates dans un agenda déjà bien rempli. Il y a déjà d’autres projets qui pointent leur nez, mais pour le moment je vais passer un bel hiver avec eux !

Vous chantez eux aussi deux extraits de La Grande-duchesse de Gérolstein dans le récital « Au pays où se fait la guerre », qu’on a pu entendre le mois dernier à Paris.

 Là aussi, c’est une grosse tournée. Avec le quatuor Giardini, nous avons donné quatre fois ce concert au cours de l’été, puis il y a eu en septembre l’ouverture de saison du Palazzetto Bru Zane, à Venise (voir notre compte rendu). Il y a 18 dates au total. Je vous le disais, tous les moments libres de mon agenda ont été remplis, soit par La Grande-duchesse, soit par ce récital. Alexandre Dratwicki, le directeur artistique du Centre de musique romantique française, est à l’origine du projet ; c’est lui qui m’a proposé toute une série d’œuvres, et nous avons retenu ce qui fonctionnait le mieux. C’était quasiment un projet clef en main, et je crois qu’en dehors de La Grande-duchesse de Gérolstein et du Duparc qui donne son nom au programme, que j’avais déjà chanté pas mal de fois, tout le reste était nouveau pour moi. Ce qui est assez impressionnant, ce qui fait que ce programme me tient très à cœur et qu’il passe très bien auprès du public, c’est qu’il n’inclut rien de faible : il y a une vraie cohérence, et les mélodies de compositeurs moins connues marchent très bien. Et s’il y a parfois moins de finesse ou d’originalité dans l’écriture musicale, il y a toujours autre chose, une force d’émotion dans la simplicité du texte ; on a affaire à des mélodies qui vous touchent plus immédiatement, dont on peut suivre le texte plus facilement. Quand Alexandre Dratwicki m’a proposé de mélanger opérette et mélodie, j’ai d’abord trouvé la démarche audacieuse, mais j’aime les projets audacieux. Il m’a tout de suite parlé de construire ce récital autour d’un thème fort, car il sait que je procède de la même manière quand je compose mes propres récitals. Cette proposition permet de renouveler la forme du concert. Entendons-nous bien : on peut aussi être novateur avec un orchestre de 180 musiciens. « Au pays où se fait la guerre » n’est pas un récital avec piano, on est déjà dans la musique de chambre, avec un orchestre réduit à son essence, et il y a un vrai travail de groupe, j’adore ça. Et l’avantage de ce projet, c’est que nous allons être présents dans des scènes nationales, dont le public n’irait pas spontanément à l’opéra, mais lorsque les gens s’abonnent, ils se laissent tenter par la découverte. En évitant de cloisonner les genres, on arrive à toucher un public plus large.

Offenbach et ce récital, voilà qui nous éloigne beaucoup de votre image de baroqueuse.

En fait, je dirais que cette image est essentiellement liée à la « vitrine » parisienne ; souvent les gens m’associent avec le baroque parce que c’est là que j’ai été le plus visible à Paris et dans des lieux prestigieux. C’est pourtant assez réducteur, car j’ai fait beaucoup chanté Carmen, par exemple, à Nancy, à Metz et en Allemagne. Enfin, ce n’est pas un souci, j’adore le baroque, et je n’y suis pas venue en me disant que ce serait une porte d’entrée pour autre chose. C’est très épanouissant d’avoir une ouverture large dans le répertoire, et j’entends bien continuer. J’ai à peu près un tiers de mon activité professionnelle dans la musique, un bon tiers en récital, et le reste dans l’opéra au sens plus traditionnel.

Au fond, vous avez abordé tous les styles, vous avez chanté du Rossini et du Mahler, alors que vous manque-t-il encore ?

Assez étonnamment, je n’ai pas souvent eu l’occasion de chanter les rôles mozartiens, alors qu’on se dit souvent que c’est un répertoire parfait pour les jeunes chanteurs. Chérubin et Dorabella : les deux vont arriver dans un avenir proche. J’adorerais aussi être Sesto ou Idamante. J’ai eu un parcours atypique, j’ai chanté Carmen avant Mozart, dont je n’ai chanté que la Troisième Dame dans La Flûte enchantée mais c’était avec René Jacobs, à Aix-en-Provence, en 2009 ! Et c’est d’ailleurs avec René Jacobs que je vais faire Dorabella, lors d’une tournée de concerts en 2016, de ces fameux « concerts par cœur » semi-scéniques, qui reçoivent un accueil incroyable. Je suis aussi un peu en manque de Haendel : quand j’étais au CNSM, j’ai chanté Ruggiero dans Alcina (le rôle entier, sans coupures) et j’ai hâte de le refaire. Pour Ariodante ou des rôles semblables, je crois aussi être prête. Et il y a Richard Strauss : j’aimerais être le Compositeur dans Ariane à Naxos, et surtout Octavian, mais ça ne s’improvise pas. Dans le contemporain, je n’ai pas fait énormément de choses, mais il n’y a pas eu de projet important, rien qui ait abouti.

En lisant votre biographie, on découvre que vous avez déjà chanté un rôle de quasi vieille dame, Madame Larina dans Eugène Onéguine. Votre passé de comédienne vous aide-t-il à construire vos personnages ?

Eh oui, c’était au CNSM, et il fallait bien que quelqu’un s’y colle. La metteuse en scène, Emmanuelle Cordoliani, savait que j’en serais capable, et c’était intéressant comme travail. En plus, j’avais fait Ruggiero, qui était un grand rôle, donc il fallait être équitable, je ne pouvais pas faire Olga. Pourtant, j’aime beaucoup le répertoire russe : Olga, ou Pauline dans La Dame de Pique, dont j’ai si souvent chanté l’air. C’est un rôle incroyable, car elle n’a presque rien à chanter, mais c’est si beau, et on se souvient de toutes ses interventions !

Et au printemps prochain, vous serez dans une rareté, Le Marchand de Venise à St Etienne.

Oui, un opéra de ce cher Reynaldo Hahn. Je crois que j’en suis parce que le responsable de la distribution vocale, Josquin Macarez, me connaissait par ailleurs ; il m’avait entendue plusieurs fois et il avait envie de me proposer quelque chose. Mais jusqu’ici, j’ai simplement regardé la partition pour décider si je devais dire oui ou non. Quant aux prises de rôle à venir, je fais faire Baba la Turque dans un Rake’s Progress qui passera notamment par Limoges, Caen et Luxembourg ; ça va être drôle, car c’est un sacré rôle de composition. Il y aura aussi un Retour d’Ulysse au Théâtre des Champs-Elysées.

Des enregistrements en vue ?

Nous aimerions enregistrer le programme d’ « Au pays où se fait la guerre ». Ce n’est pas la première fois que je travaille avec le Palazzetto, car j’ai notamment participé à la recréation d’Herculanum à Venise dans le concert « A l’ombre du Vésuve », qui réunissait des extraits de l’opéra de Félicien David à des fragments des Derniers Jours de Pompéi de Victorin Joncières : j’ai chanté quelques airs du rôle d’Olympia, que Karine Deshayes a ensuite enregistré dans son intégralité. J’aurais dû le reprendre à la Cité de la Musique, où ce concert a été donné ensuite, mais je n’étais pas disponible. Dans un autre genre, le disque Révolutions vient de sortir, avec Arnaud Marzorati et les Lunaisiens : c’est une évocation des chansons de 1830, 1848 et 1871. Le programme est assez varié, on y entend des textes engagés, la Marseillaise avec des paroles différentes, et j’y chante même La Périchole. Par ailleurs, je viens d’enregistrer les Leçons de ténèbres de Couperin avec Vincent Dumestre et le Poème Harmonique. Et je participe à l’intégrale Ravel que prépare Naxos avec l’Orchestre national de Lyon. Ils vont sortir L’Heure espagnole pour la fin de l’année ; nous l’avons enregistré à l’auditorium Maurice Ravel juste avant que le concert soit donné à Paris – voir compte rendu – et aux Folles Journées de Nantes. J’ai aussi gravé toute une partie des mélodies dont les Histoires naturelles, et Kaddish. En septembre, j’ai enregistré Shéhérazade, qui sortira non pas avec les autres mélodies, mais sur un disque avec une œuvre pour orchestre. Et depuis, Leonard Slatkin m’a invité à Detroit pour chanter avec son orchestre, ce dont je suis ravie, car donner un concert avec un orchestre procure une sensation fabuleuse.

Propos recueillis à Venise, le 27 septembre 2014

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